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Posted on 22 octobre 2007 in Vins suisses

Six vignerons de choc en 2007

Six vignerons de choc en 2007

Dossier de L’Hebdo du 18 octobre 2007

A. et C. Bétrisey à Saint-Léonard (VS)
Un duo de vignerons de combat
Les frères Antoine et Christophe Bétrisey raflent des médailles dans les concours internationaux. Retour sur un succès emblématique du Vieux-Pays.

En Valais (5200 ha, un tiers du vignoble suisse), la viticulture constitue le principal secteur agricole. Les Bétrisey, qui emploient une dizaine de personnes, sans compter leur famille, travaillent 10 hectares de vignes, 15 hectares d’arbres fruitiers, entretiennent une pépinière viticole de 150’000 greffons et un troupeau de neuf vaches. L’autre jour, à la Foire du Valais, «Picachou» a fini vice-reine… «C’est nos racines, notre rythme de vie, calqué sur la vie des vaches dans les mayens du Vallon de Réchy», confie Christophe, 42 ans. Durs à la tâche, les Bétrisey: si son frère, Antoine, 38 ans, s’occupe des travaux viticoles, lui fait les vins, avec un caviste, Jacques Roduit.
Le dernier né de la gamme d’une vingtaine de vins, se nomme évidemment «Sang de Reine», un assemblage rouge de pinot noir à 50%, complété par de la syrah, du diolinoir, du gamaret et du gamay. Tiré à 20’000 bouteilles, il a remplacé la dôle, il y a deux ans. Cet été, ce vin a gagné la seule médaille d’or des assemblages à base de pinot noir, nouvelle catégorie du Mondial du Pinot noir, à Sierre. Cette distinction s’ajoute aux trophées glanés cette année : de l’or à la première confrontation des Syrahs du Monde, à Tain-l’Hermitage (France), le titre de «champion du monde des vins blancs secs» pour la petite arvine à Ljubljana (Slovénie), six «Etoiles d’Or» en Valais et un coup de cœur pour le johannisberg. «Les clients demandent le meilleur rapport-qualité prix. Si on arrête de faire mieux, on aura des problèmes. Et si c’est pour viser du moyen ou du bas de gamme, mieux vaut changer de métier», tranche Christophe, qui ne récoltera ses dernières humagnes 2007, «le millésime de la patience», que cette semaine.
Le vin : Sang de Reine 2006, 13,50 fr. au domaine ;

aussi Aux Vins d’Honneur, rue du Midi, Lausanne, tél. 021 312 71 41, et au restaurant Le Cheval-Blanc à Carouge (GE).
Antoine & Christophe Bétrisey
1958 Saint-Léonard
Tél. 027 203 11 26

www.betrisey-vins.ch

Enrico Trapletti à Coldrerio (TI)
Le vin de garage de l’ex-conducteur de loco

Au premier Grand Prix du Vin Suisse, en 2004, ce jeune Tessinois faisait sensation en remportant le titre du meilleur merlot du pays.
Sensation, car Enrico Trapletti, 40 ans aujourd’hui, avouait qu’il élaborait du vin par hobby, le jour, et que, pour gagner sa vie, la nuit, il conduisait une locomotive à la gare de Chiasso. En 2005, il a enfin pu commencer à vivre de sa passion. Son père et son frère lui fournissent la vendange de 7 hectares, principalement de merlot.
Son titre national, le vinificateur autodidacte l’avait décroché avec le «Culdrée» — traduction de Coldrerio en patois. Un merlot passé de 18 à 24 mois en barriques de chêne neuf, dont le premier essai remonte à dix ans. Si, dans l’excellent millésime 2005, il a produit 3’000 bouteilles de ce vin d’une belle texture et d’un boisé élégant, en 2006, il n’y en aura que 1300 flacons… Depuis, il a viré sa cuti et, désormais, avec les meilleurs raisins, il signe de son seul nom, «Trapletti», ce qu’il considère comme son nectar le plus ambitieux : un merlot simplement élevé en cuve ! Un pied de nez aux Tessinois qui croient (encore) que beaucoup de chêne fait le meilleur merlot : «On m’a traité de fou ! Je veux un vin plus direct et plus vrai».
Son 2007 promet beaucoup : les derniers merlots, récoltés début octobre, sondaient 105° Oeschlé. Pour faire parler son vin plus vrai, Enrico Trapletti a fait confectionner dix amphores en argile tirée du sous-sol de la butte de Coldrerio, où poussent ses vignes. Et puis, il vient de récolter un pur nebbiolo, à 98° Oechslé, qui, lui, sera mis en barriques. Il y a un peu plus d’un siècle, dans le Mendrisiotto, le cépage piémontais ne fut écarté au profit du merlot que pour quelques degrés d’écart de maturité. L’ex-conducteur de loco croit à son retour: il a nommé son vin «Nabumba», la bombe.
Le vin :

Trapletti rosso 2006, 34 fr.,

chez Paolo Basso, www.ceresiovini.ch, et au restaurant du Parc des Eaux-Vives à Genève et au Café des Négociants à Carouge (GE).
Enrico Trapletti
6877 Coldrerio
Tél. 091 646 03 61

Annatina Pelizatti à Jenins (GR)
Une passionaria du pinot noir grison

La vigneronne de 35 ans s’est retrouvée seule en charge d’un petit domaine à la mort accidentelle de son mari. Elle signe sa dixième vendange.
Elles sont quelques femmes, comme les Valaisannes Marie-Thérèse Chappaz et Marie-Bernard Gillioz-Praz ou la Vaudoise Coraline de Wurstemberger, à faire cause commune dans le mouvement des artisanes de la vigne et du vin (www.artisanes-vigne-vin.ch). Membre de ce groupe, Annatina Pelizatti échange aussi beaucoup d’expériences avec sa voisine Irène Grünenfelder. Les deux ressortissantes de Jenins, un des villages de la Bundnerherrschaft, sont connues pour leur pinot noir, le cépage rouge dont on dit qu’il est le plus subtil à vinifier.
Mise brutalement devant le fait de devoir s’occuper de 3 hectares de vignes et de la cave, Annatina Pelizatti, autodidacte, a suivi quelques cours à Wädenswil, le pendant alémanique de Changins. Immédiatement, la jeune femme s’est rendu compte que «le bon raisin fait le bon vin». Si, à la vigne, sa famille l’a aidée, en cave, elle y est allée à tâtons : «Je me souviens d’une cuvée que j’avais trop chauffée : elle avait perdu sa couleur. Ou de macérations trop longues, avec des tanins trop extraits. Ou encore de filtrations exagérées.» A chaque fois, elle a corrigé le tir, amélioré ses vins.
Cette ancienne employée de La Poste se réjouit de la diversité de son travail : «Je suis au grand air, dans la nature. Chaque année, le vin est différent. Il faut le vendre, et ça crée des contacts. C’est un métier très varié et puis je suis mon propre chef !», rigole-t-elle. Elle fait aussi partie d’un groupe de douze vignerons grisons «innovatifs»: depuis 2003, ils proposent 160 caisses de douze bouteilles au prix de 380 francs (www.vinotiv.ch), histoire, pour l’acquéreur, de comparer les pinots noirs. «Le mien, je l’aime vivant !», lance la vigneronne.
Le vin :

Pinot noir Réserve 2006, environ 35 fr.,

prochainement chez Jean Solis, info@jeansolis.ch, et 2005 au Pont de Brent sur Montreux et à la Cave à Jules, à Nyon.
Annatina Pelizzatti
7307 Jenins
Tél.: 081 302 49 46www.pelizzatti-weine.ch

Charles Rolaz et Fabio Penta à Rolle (VD)

Un tandem pour une renaissance vaudoise

Copropriétaire de Hammel, Charles Rolaz, 46 ans, et l’œnologue Fabio Penta, de dix ans son cadet, forment un duo qui bouscule les idées reçues sur le vignoble vaudois.
Pays de Vaud, pays du chasselas. Vrai à 63%, soit la plus grande surface au monde plantée de ce cépage fétiche. Alors, quand l’héritier de la famille, avocat de formation, décide d’introduire des cépages rouges «internationaux» dans les trois domaines de Crochet, à Mont-sur-Rolle, Clos du Châtelard sur Villeneuve et du Montet, à Bex, on imagine ses aïeux se retourner dans leur tombe.
C’était il y a une quinzaine d’années : «Quand on faisait goûter les vins suisses, rouges ou blancs, les impressions étaient mitigées. Ca m’a ouvert les yeux ! Je me suis mis à mieux connaître les vins du monde et à me demander pourquoi ils avaient du succès.» En blanc, on plante des cépages aromatiques, en rouge, les cabernets, franc et sauvignon, du merlot et de la syrah, qui se retrouvent à parts égales en assemblage. «Contrairement aux idées reçues, ces cépages mûrissaient très bien partout, à condition de limiter le rendement à 400-500 g. par m2.» Le réchauffement climatique, sensible au bord du Léman, n’y est pas étranger : «On ne peut plus raisonner comme il y a un demi-siècle», constate Charles Rolaz, convaincu «que dans deux cents ans, on travaillera avec d’autres cépages».
La révolution se prolonge en cave. Un local est équipé, de la réception du raisin (centralisée à Rolle) jusqu’à la mise en bouteille, avec les outils nécessaires aux micro-cuvées. Au total, moins de 30’000 litres de vin (deux tiers de rouge). Les plus prestigieux, comme la Cuvée Charles-Auguste, se vendent 39 francs la bouteille. Ce rouge, élevé en barriques, a été retenu dans le projet «Mémoire du vin suisse», au comité duquel siège Charles Rolaz. Qui vient de rejoindre, cette année, le cercle de qualité vaudois Arte Vitis.

Le vin:

Quatuor 2005, Domaine du Montet, 29 fr. chez Hammel; aussi chez Mosca Vins, à Crissier (VD), et à L’Auberge de Lavaux, à La Conversion et à L’Esplanade à Aubonne.
Charles Rolaz et Fabio Penta
Hammel S.A
1180 Rolle
021 822 07 07

Jean-Pierre Pellegrin à Peissy (GE)

A la rencontre de la troisième dimension

En treize ans, le Genevois a remonté la cave familiale. Il vise «la troisième dimension», celle de vins qui, en vieillissant, «ont de l’âme et du jus».
«Certains disent qu’il n’y a pas de terroir à Genève. C’est faux !» tonne Jean-Pierre Pellegrin. A 46 ans, il se place dans le sillage des vedettes Jean-Michel Novelle et Nicolas Bonnet, de Satigny, ses amis. «On est tous différents, et c’est très bien ainsi», s’excuse-t-il presque. «Plus j’avance, moins je comprends. C’est enthousiasmant! Je suis à fond dans les vignes. A la cave, on n’obtient qu’une résultante de ce travail extérieur.» Aujourd’hui, ses vignes s’étendent sur 15 hectares, soit cinq de plus qu’il y a 13 ans, quand il a redonné vie au Domaine de Grand’Cour. Son père livrait ses raisins à la coopérative : il continue à y mener la vendange de 5 hectares de jeunes vignes. En cave, le vigneron se dit «sur le qui-vive, maniaque et soucieux». Il a pris le pari de s’équiper d’amphores en argile non cuite. Il ne tarit pas d’éloges sur ce contenant à la fois ancien et révolutionnaire qui permet d’élaborer des vins «plus minéraux et vifs».
Ses quinze crus sont répartis en trois gammes. Au milieu, la ligne Pellegrin, de purs cépages (viognier, sauvignon, merlot et gamaret). Au-dessus, les Grand’Cour, des assemblages élevés en barriques qui vont par paire, kerner-sauvignon blanc, cabernets franc et sauvignon et syrah-diolinoir. Ces trois couleurs (blanc, rouge et noir) sont aussi celles de l’entrée de gamme, dont le Peissy Rouge, 80% de gamay et 20% de mondeuse, une aubaine tirée à 10’000 exemplaires. C’est huit fois plus que la «star» du domaine, le «P», un pinot noir d’un clone nommé «pellegrin» en l’honneur de son grand’père. Un vin produit pour la première fois en 2003 et passé 18 mois en barriques. Et du petit Peissy au grand «P», le vigneron poursuit la même quête d’excellence.


Le vin: Peissy Rouge 2006, 14,50 fr.,

chez Pierre Muller, Cave de Reverolle, www.cavedereve.ch et au «Qu’importe…», bar à vins à Carouge (GE)
Jean-Pierre Pellegrin, Peissy
Domaine de Grand’Cour
1242 Satigny
Tél. 022 753 15 00

Christian Vessaz à Môtier (FR)
Le Vully plutôt que la Nouvelle-Zélande

Au sortir de la Haute Ecole Spécialisée de Changins, Christian Vessaz avait le choix entre ici et les antipodes. Il est resté au Vully.
Des places d’œnologue, il n’y en a pas trente-six dans le Vully. Il n’y en a même qu’une, celle-ci. Né il y a 30 ans à Chabrey, sur la rive vaudoise du lac de Neuchâtel, Christian Vessaz a su saisir sa chance, il y a cinq ans. Son père était employé viticole d’un encaveur vaudois, sans avoir les moyens d’élaborer ses vins. A la tête des 9 ha du Cru de l’Hôpital, le jeune homme est conscient qu’il est privilégié : «La Bourgeoisie de Morat me demande d’autofinancer le domaine, sans plus. Je peux me faire plaisir en baissant les rendements pour obtenir la qualité maximale pour la région.» Une règle qu’appliquent nombre de domaines appartenant aux pouvoirs publics, tous d’excellente réputation, de l’Etat de Genève à l’Etat du Valais, en passant par l’Etat de Vaud (Marcelin) et les villes de Lausanne et de Neuchâtel.
Le jeune œnologue est fier d’avoir lancé une nouvelle gamme en barriques, la «Réserve des Bourgeois», en rouge, à base de pinot noir, de gamaret et de diolinoir, à l’opposé des pinots légers. Mais le fer de lance du domaine, c’est le gewurztraminer, appelé ici simplement «Traminer». Cette année, il a décroché une médaille d’or au Concours de Ljubljana, en Slovénie, et à Expovina, à Zurich. Macération pelliculaire et bâtonnage sur lies en cuve donnent à ce riche vin blanc du gras. Christian Vessaz estime du reste que la région dispose «d’un plus grand potentiel qualitatif sur les blancs que sur les rouges». Et, président de la commission de promotion des vins du Vully, il milite pour une unification des règles de production, aujourd’hui régies par deux lois cantonales, pour les 150 hectares partagés à deux tiers entre Fribourg et un tiers Vaud.
Le vin:

Traminer 2006, 18 fr. au domaine ;

aussi à La Couleur du Vin, à Fribourg, et au restaurant des Trois-Tours à Bourguillon-Fribourg
Christian Vessaz
Cru de l’Hôpital
1787 Môtier/Vully (FR)
026 673 19 10www.cru-hopital.ch

Dossier paru dans L’Hebdo du 18 octobre 2007 — mais les archives de L’Hebdo ne sont plus en ligne…