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Posted on 9 juin 2013 in Tendance

Servis trop chauds ou trop froids, les vins suisses?

Servis trop chauds ou trop froids, les vins suisses?

A quelle température servir les vins? La question est récurrente, et pas seulement l’été. Quelques pistes, y compris pour les vins suisses. Version longue d’une page publiée par le magazine lifestyle encore! le 9 juin 2013.

Par Pierre Thomas

Le sommelier et enseignant en école hôtelière Nicolas Bourassin le constate : «Dans la restauration, on sert systématiquement des vins blancs trop frais et des vins rouges trop chauds.» Et c’est dommage, car le froid anesthésie les arômes, agit sur l’acidité et la douceur (qu’il atténue), tandis que la chaleur exacerbe les tanins rugueux des rouges, et la sensation chaude de l’alcool, pour tout vin naturellement capiteux.

La «bonne» température

L’émission de la RTS «A bon entendeur !», il y a quatre ans, distribuait bons et mauvais points à quinze bars à vins : tous (à deux exceptions) servaient leurs vins à température inadéquate. Même le premier classé, pénalisé pour un rouge «un peu trop frais»… A moins d’un thermomètre, impossible de savoir ce qu’est un vin à «bonne température». J’en ai un de la Fête des vignerons 1977, de la marque suisse Melior, avec une sorte de manomètre et une tige à planter dans le liquide… une fois la bouteille ouverte donc. L’objet, un «collector» (vendu l’autre jour sur Ricardo à 5 francs!) précise «servir un peu plus frais que trop chaud». Car on confond souvent la température de la cave, qui ne devrait pas excéder les 10°, avec celle de la consommation, qui sera de 2° à 4° supérieure. Ainsi, le moment où on débouche le flacon a son importance. Il faut veiller à n’ouvrir les vins frais et jeunes qu’à la dernière minute, et les plus «mûrs», notamment les rouges, jusqu’à deux heures auparavant, voire davantage. On peut aussi passer les vins — surtout jeunes ! — en carafe. Toutes opérations qui feront monter la température.

Micro-ondes, frigo ou congélateur ?

Sommelier primé et formatrice du personnel hôtelier du service des vins, Myriam Broggi-Praz, dans «La dégustation revue et corrigée», paru chez Favre, en 2007, consacre les trente premières pages de son guide pratique au service du vin. Et parle souvent du «sabotage» des vins servis trop chauds ou trop froids. A quelques pages d’intervalle, deux tableaux donnent des températures idéales différentes… C’est dire si la chose est délicate. Et comment faire pour corriger le tir ? Il y a quelques années, on signalait, sur Internet, des grands crus passés au micro-onde avant service. Un internaute parle même d’un vin à 12°, placé 3 secondes dans l’engin, et sorti à 18°… Le «buzz» est retombé et personne ne s’essaierait à traitement aussi radical.

Le risque de servir trop frais des vins rouges est le moindre: surtout en été, le vin se réchauffe vite dans les verres. Pour les blancs, c’est plus compliqué. Une cave à 10° ne les rafraîchit pas assez. Faut-il alors les placer au frigo ou au congélateur? Iconoclaste, Myriam Broggi-Praz, n’exclut ni l’un, ni l’autre! Mais elle est aussi adepte systématique du «seau isothermique», qui ne rafraîchit pas, mais conserve la température de départ tout au long du service. Et de l’emploi adéquat du seau à glace, rempli non pas qu’avec de la glace, mais avec une majorité d’eau fraîche (à 12° par exemple) : y plonger la bouteille jusqu’au col la portera à la bonne température en quelques instants. On peut aussi «sangler» le mélange d’eau et de glace en y jetant une poignée de sel, qui, par réaction chimique, fera baisser la température rapidement. Nicolas Bourassin se souvient aussi d’avoir déposé une carafe à large fond (appelée «décanteur») sur un lit de glaçons dans un seau idoine : le vin rouge s’est gentiment rafraîchit.

Les températures de consommation idéale

(qui doivent être 2° plus frais au sortir de la cave ou du frigo)

5° — 7° Mousseux suisses, les moins complexes plus frais (Baccarat de Genève, en cuve close), méthode traditionnelle (H. Cruchon), un peu moins frais.

5° — 8° Vins liquoreux, moins complexes plus frais (obtenu par cryoextraction), plus complexes (charte valaisanne Grain Noble ConfidenCiel) un peu moins frais. Malvoisie (pinot gris doux VS).

8° — 10° Chasselas d’apéritif (VD-VS-NE), aligoté (GE).

Rosés, de gamay ou Œil-de-Perdrix (par exemple NE), ou de garanoir, Dôle blanche (VS).

10° — 12° Gamays jeunes, pinots noirs «simples» de toute la Suisse, Dôle (VS).

12° — 13° Vins blancs structurés: Dézaley (VD), Calamin (VD), fendant AOC communale ou Grands Crus (VS), pinot gris, pinot blanc, chardonnay, viognier, petite arvine, humagne blanche, amigne, assemblages blancs barriqués («cuvées») ou non.

13 — 14° Vins rouges structurés, jeunes et pas encore à leur apogée, cornalin, humagne rouge, syrah, merlot, gamaret, assemblages non barriqués.

15 — 16° Pinots noirs en barrique (Neuchâtel, Valais, Vaud, Grisons), assemblage Esprit de Genève, merlots du Tessin (Riserva, en barrique), gamaret, garanoir, diolinoir, carminoir, galotta, assemblages rouges barriqués.

16° — 18° Assemblages de style bordelais (avec du cabernet sauvignon), rouges (ci-dessus) dans leur plénitude (entre 5 et 10 ans et plus de cave).

Attention : un vin ouvert, servi dans les verres, prend entre 2° et 4° de plus.

Les accessoires indispensables

1) thermomètre digital, à appliquer sur la bouteille (www.cadeau-maestro.com, entre 8 et 10 euros).

2) seau isotherme (maintient la température initiale), sur www.vega-ch.com, en allemand seulement (Flaschenkühler), de 8.95 fr. à 39.60 fr. pour les modèles courants.

3) seau à glace (idem)

4) le «nec plus ultra», sur le modèle des Enomatic, que représente Provins-Valais pour la Suisse et le Liechtenstein, réservés à la restauration (y compris, depuis peu, pour des vins effervescents !), une «machine» proposée par Eurocave (www.eurocave.com), qui permet de servir deux bouteilles de vin, dans deux compartiments distincts, à la bonne température (par ex. un blanc à 8° et un rouge à 16°), mais aussi de conserver pendant 7 jours le reste de la bouteille grâce à un système de «tirage au vide» de l’air. Prix : 300 euros (360 francs).

Le vin prétexte à cocktail

«Tinto con lemon» en Andalousie, «Spritz» dans l’ex-empire austro-hongrois, de Venise à Bucarest, «Kir» en France : le vin est la matière première de nombreux cocktails. En Espagne, on atténue les effets du rouge alcoolisé (à plus de 14% !) par de la limonade bien fraîche. En Europe centrale, le «Spritz» traditionnel mélange vin blanc et eau gazeuse (ou limonade), jusqu’au «Spritz»  d’Italie du Nord, version très à la mode (mélangez 6 cl de vin, 4 cl d’eau gazeuse, ou autant de mousseux, style prosecco, et 4 cl d’apéritif amer, Apérol, Campari ou Cynar et servez dans un verre tumbler à cocktail ou une coupe, avec ou sans glaçon). A Dijon, du nom de feu son maire, le chanoine Félix Kir, on mélange 2 cl de liqueur (crème) de cassis avec 9 cl d’aligoté de Bourgogne (ou de Genève !) pour obtenir un «kir», et, sa version «royale», au champagne. Le même mélange avec du vin blanc normal s’appelle simplement «blanc-cass’». Et puis, dans le Sud de la France, la «piscine», soit des glaçons dans une large coupe, arrosés par du vin blanc ou du champagne. On n’est plus dans le registre du vin, mais dans celui du cocktail. Ajoutez-y une rondelle de citron (vert !), de la menthe ou du basilic, «as you like»! Et évitez de croiser un vigneron. Sauf s’il est quasi mort de soif…

©thomasvino.ch