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Posted on 19 septembre 2013 in Vins suisses

1ers Grands Crus vaudois  Château La Bâtie, quinzième du lot

1ers Grands Crus vaudois
Château La Bâtie, quinzième du lot

Lancés avec le millésime 2011, les 1ers Grands Crus, au sommet de la pyramide des appellations vaudoises, sont désormais 15. A la liste des 12 premiers du 2011, seuls trois se sont ajoutés avec le 2012, le Domaine de Burignon à Saint-Saphorin, propriété de la Ville de Lausanne, le Dézaley La Gueniettaz, de Christophe Chappuis à Rivaz, et le Château de la Bâtie, à Vinzel. Visite de ce dernier domaine. Le Conseil d’Etat vaudois a choisi le 1er Grand Cru 2014 de La Bâtie comme son vin d’honneur 2015.

Par Pierre Thomas

Bastide fondée au Moyen-Age, passée par des propriétaires savoyards et bernois, comme la plupart des châteaux de La Côte, La Bâtie, sur les hauts de Vinzel, est entourée d’une dizaine d’hectares de vigne. Uniquement du chasselas ! Il y a 12 ans, la coopérative Uvavins a repris la vinification, dans les cuves inox et en béton du château, de la défunte Société vinicole de Perroy.

BATIE VINZEL-2

Tout le domaine, réparti en trois grandes parcelles, a fait l’objet d’un dossier de 1er Grand Cru, mais seule une petite partie a engendré la première cuvée : 12’600 m2, pour une cuve inox de 7’800 litres, dont on a tiré 7’000 bouteilles. A la dégustation, comme la majorité des chasselas 2012, ce 1er Grand Cru s’avère ouvert, davantage en bouche qu’au nez, sur des arômes floraux, puis citronnés, et des notes de fruits exotiques, du gras, de l’ampleur, avec une pointe de salinité finale, signe de minéralité. Astuce, révélée par le jeune œnologue Fabien Coucet, quatre barriques de chêne, suisse et pas neuf, mais sans malo (au contraire de la cuve), ont été incorporées au vin.

Du parcellaire pour trois étiquettes

Le «grand vin» ne fait donc que 7’000 bouteilles et le choix n’est pas seulement effectué en cuve, mais dans le domaine, pour une parcelle précise. «C’est fantastique de faire du parcellaire ici, sur du chasselas !», s’exclame Fabien Coucet, avec la complicité du méticuleux jeune vigneron de La Bâtie, Alain Bersier, préoccupé, cette année, par la grêle qui a déferlé sur Vinzel et Mont-sur-Rolle dans la nuit du 7 août. «On vendangera en deux fois au moins et on essaiera de prolonger la maturation des meilleures grappes le plus longtemps possible», explique le vigneron, qui va jusqu’à se demander si, en 2013, il pourra produire du 1er Grand Cru.

Et où va le reste du chasselas ? La Bâtie est commercialisé sous trois étiquettes : le 1er Grand Cru, avec un label redessiné et modernisé, à la graphie claire, la réserve du Château (7’000 bouteilles) et plus de 60’000 bouteilles sous une étiquette propre à la Coop.

De nouveaux visages au château

Laura De Cormis-Chiesa, Eric De Cormis et Henriette Chiesa-Burckhardt

Laura De Cormis-Chiesa, Eric De Cormis et Henriette Chiesa-Burckhardt

Si les artisans de cette vénérable propriété sont de jeunes pros, ce sont de nouveaux visages qui se sont établis, depuis quelques mois, au Château de La Bâtie. «Depuis la fin du 18ème siècle (le bâtiment actuel date de 1722), le domaine est transmis de génération en générations par des femmes», souligne Laura Chiesa De Cormis, qui a rejoint sa mère, Henriette Chiesa-Burckhardt, sur le domaine. La grand-mère de la «châtelaine» actuelle était en effet la jeune épouse du diplomate, témoin capital de Dantzig, et historien Carl J. Burckhardt, et son arrière-grand-mère, l’épouse de l’écrivain fribourgeois Gonzague de Reynold. Les De Cormis sont venus de la Champagne, où Laura a notamment travaillé pour Veuve Clicquot, tandis que son mari, Eric, architecte, a construit des caves de maisons champenoises.

Des 1ers Grands Crus (trop) modestes

A La Bâtie, le 1er Grand Cru n’échappe pas à la logique, discutable par excès de modestie, qui a présidé à la démarche vaudoise. Sous prétexte qu’ils ne sont pas réputés, ces chasselas, bien qu’au sommet de la pyramide vaudoise, sont vendus (trop) bon marché : 16 francs pour le top de La Bâtie parce que c’est un La Côte, contre 12 fr. pour la bouteille «normale» chez Cidis, où l’appellation Vinzel apparaît en gros caractères, et 10.90 fr. chez Coop, qui met en avant le château.

La législation tolère le parcellaire, selon la technique du salami : mais un jour, peut-être, les 10 hectares de chasselas de La Bâtie, déjà classés, seront commercialisés en totalité en 1er Grand Cru à 30 francs la bouteille ! On peut toujours rêver… Et ce parcellaire paraît discutable : au Burignon, la Ville de Lausanne a présenté deux parcelles de 1er Grand Cru (Les Roches Plates et Les Rueyres). Ce dernier devrait sortir pour la Vente aux enchères publiques des vins de la Ville de Lausanne, début décembre .

On notera que, selon nos informations, six autres dossiers de 1ers grands crus ont passé la rampe de la commission ad hoc pour le millésime 2013, dont deux ou trois rouges, non pas de pinot noir et de gamay, comme prévu par le premier règlement, mais de merlots!

Saint-Nicolas ou Père Noël? Pour des vendanges «tardives» 2013, par le dessinateur Burki, © 24 Heures du 25.09.2013

Saint-Nicolas ou Père Noël? Pour des vendanges «tardives» 2013, par le dessinateur Burki, © 24 Heures du 25.09.2013

Reste à savoir si 2013 sera favorable aux 1ers Grands Crus, notamment rouges. Rodrigo Banto, l’œnologue d’Uvavins, prévoit des vendanges tardives : «En 11 ans de carrière, j’aurais vu les deux extrêmes : le millésime 2003, le plus chaud et le plus précoce, et le 2013, le plus frais et le plus tardif de ces dernières années». Il se rapprocherait de 2001 et de 2004. A la grêle (20 juin et 7 août), qui a fait perdre un quart de son potentiel de production à la coopérative de La Côte, s’est ajouté un peu de mildiou et l’humidité automnale fait craindre la pourriture. Le gamaret et le galotta, en rouge, devraient s’en tirer le mieux, assure l’œnologue, qui prédit des vendanges autour du 15 octobre, avec deux semaines de retard sur une année «normale». Tout en rappelant que tout va se jouer en septembre !

©thomasvino.ch