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Posted on 5 novembre 2014 in Vins suisses

Des humagnes faites pour durer

Des humagnes faites pour durer

Si Leytron met l’accent, par la dégustation, sur ses humagnes, blanc(he)s et rouges, ce vendredi et samedi 7 et 8 novembre, l’Association des vignerons encaveurs, forte d’une quinzaine de membres, a pu démontrer que ces deux fleurons de la commune valaisanne s’améliorent dans le temps. Vendredi, de 17 à 20 h., le public pourra en faire l’expérience, puis samedi de 11 h. à 17 h. 30, dans l’ancienne église, au centre du village.

Par Pierre Thomas

Flanthey célébre «son» «rouge du pays», alias, en Valais, le cornalin, Fully, «sa» petite arvine, Chamoson, «son» johannisberg, et Leytron s’est réservé «ses» humagnes. Les deux cépages, en blanc et en rouge, n’ont aucune parenté. Mais ils ont été retenus pour le Grand Cru local, dont le premier millésime portera l’année 2014, pour la demi-douzaine de caves qui se sont inscrites.

Tous deux «valaisans» dès 1313

On rappellera que selon José Vouillamoz, l’humagne blanc (ou blanche) pourrait avoir été introduite en Valais par la vallée du Rhône. L’ADN des cépages a permis de vérifier qu’une variété des Pyrénées-Atlantiques, le miousat, est identique au cépage réputé valaisan. Celui-ci est le frère du completer, des Grisons, et de la bondola, du Tessin, tous trois issus du même père, le colombaud, et d’un second parent inconnu. Et l’humagne a engendré l’himbertscha et le lafnetscha, deux blancs du Haut-Valais. L’«humagny» est déjà mentionné dans le parchemin du registre d’Anniviers, datant de 1313. Quant à l’humagne rouge — que d’aucuns ont reconnu dans le même document sous le nom de «neyrum» —, José Vouillamoz renvoie à son nom d’origine en Vallée d’Aoste, le cornalin ou petit rouge. Selon cette explication basée sur l’ADN, le petit rouge et le mayolet valdôtains ont engendré le «rouge du pays» valaisan, le cornalin. De sorte que l’humagne est le parent du cornalin… et aurait pu être introduit en vallée d’Aoste vers 1750 par le baron de Champorcher, en provenance de Bourgogne.

n y était, donc, avec Eddy Dorsaz, à g., du Domaine de l'Etat du Valais et Aïda Lips, au service, vigneronne et députée suppléante au Grand Conseil, qui a déposé un postulat pour une petite arvine 100% pure (©humagne en fête)

On y était, donc, avec Eddy Dorsaz,au centre., du Domaine de l’Etat du Valais, servi par Aïda Lips, vigneronne et députée suppléante au Grand Conseil valaisan, qui a déposé un postulat pour une petite arvine 100% pure (©humagne en fête)

Une typicité aiguisée par les années

A Leytron, les humagnes représentent près de 10% de la surface cultivée en Valais, soit, pour la blanche, blanche 3 ha, des 30 ha, et pour la rouge, une quinzaine des 134 ha. Animée par Dominique Fornage, une dégustation de vieux millésimes a permis de cerner la typologie de ces vins originaux, vinifiés sans assemblage (tolérance de 15%).

Si elle est peu expressive dans sa jeunesse, l’humagne blanche s’affirme dès quatre ans. Elle peut dégager des arômes d’amande grillée (Défayes-Crettenand 2008), d’herbes sauvages, de menthe (Le Bosset 1998), avec des notes de miel, de nougat (Domaine du Grand-Brûlé 2001), avec des notes salines, minérales, voire pétrolées (Domaine du Grand-Brûlé 1990).

Pour l’humagne rouge, le plus tardif des cépages valaisans, naturellement peu de couleur, peu d’alcool et peu d’étoffe. On lui demande donc plus d’être typée, par ses arômes sauvages, que corsée. A ces conditions, elle ne perd pas d’élégance, mais exprime le millésime. La violette et la racine de gentiane (Domaine du Grand-Brûlé 2005, Domaine de La Creuse 1999) le disputent à un arôme dit d’«écorce de chêne» (Défayes-Crettenand 2000 et 1996) voire de moka, qui peut évoluer vers du cuir, comme ce 1979, en magnum, de la même cave.

Le dégustateur a bon dos...

Le dégustateur a bon dos…

Si personne ne semble avoir tenté le passerillage sur claies, comme pour l’Amarone della Valpolicella, au Grand-Brûlé, comme chez David Rossier (remarquable humagne rouge 2013!), le président des encaveurs de Leytron, on coupe la branche à fruit, pour un léger passerillage sur souche. Le 1986 du Grand-Brûlé, domaine «expérimental» de l’Etat du Valais, révélait ainsi des caractères de fruits confits remarquables. Et si la barrique ne met pas en valeur les vins jeunes, une 1998, de la Cave du Rhyton d’Or, de Jean-Jacques Défayes, et une 1999, de Gilbert Devayes, offraient une belle élégance, renforcée par les notes fondues de chêne. Encore faut-il savoir attendre 15 ans ! Cette année, Gilbert Devayes a remporté la catégorie des «autres cépages rouges purs» du Grand Prix du Vin Suisse avec son humagne rouge non barriquée 2012, hélas épuisée, comme est en passe de l’être la 2013, qu’il juge d’une qualité équivalente… A Leytron, la chasse aux derniers flacons est ouverte !

Sur le net : www.wine-leytron.ch

Paru dans Hôtellerie et Gastronomie Hebdo du 6 novembre 2014.