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Posted on 5 février 2015 in Tendance

Neuchâtel non-filtré  Premiers flacons pour premiers flocons

Neuchâtel non-filtré
Premiers flacons pour premiers flocons

Premier millésime de non-filtré pour la nouvelle directrice de l’Office des vins et des produits du terroir de Neuchâtel, Violaine Biétry-de Montmollin, née un an avant la spécialité qui fête ses 40 ans.

Par Pierre Thomas

Rien de plus élémentaires, particules comprises, qu’un vin non-filtré : c’était la règle des siècles durant, avant que la technologie s’en mêle, pour les blancs et pour les rouges. Et c’est en hiver 1975 que la mode a été relancée, chez un encaveur d’Auvernier. 300 bouteilles refilées quasi sous le manteau. Et aujourd’hui, 140’000 bouteilles, soit 10% du chasselas de Neuchâtel, écoulées à 80% sur place, pour 10% en Suisse romande et 10% en Suisse alémanique. «La folle fraîcheur du non-filtré attire la folle jeunesse, une clientèle pas forcément friande de chasselas neuchâtelois», constate Violaine Biétry-de Montmollin.

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Fille de vigneron, mais économiste de formation, elle a même tenté (et réussi !) de vendre des vins suisses à New York, il y a dix ans… Engagée politiquement, elle a aussi été au service de l’Etat de Neuchâtel. Grâce à une subvention du canton, et au fond viticole, devenu depuis peu agricole, l’OVPT n’est plus sous tutelle de l’administration, mais bénéfice d’un «mandat de prestations» pour une enveloppe d’un demi-million de francs par an. Violaine Biétry-de Montmollin va se concentrer sur trois axes vinicoles, en trois couleurs, blanc, pour le non-filtré, rose, pour l’œil-de-perdrix et rouge pour le pinot noir. Trois vins qui font de Neuchâtel un canton «petit en surface, mais grand en qualité». Et la directrice de l’OVPT verrait bien une «appellation d’origine protégée» (AOP) pour le non-filtré, tout en soulignant que la moitié du pinot noir est transformé en œil-de-perdrix.

Les 80 ans de La Béroche

Ses 40 ans, le non-filtré les a célébrés chez une octogénaire, les Caves de la Béroche, un des 30 parmi les 50 encavages neuchâtelois qui en proposent. Sur l’aile sud-ouest du canton de Neuchâtel, de la frontière vaudoise à Bevaix, il n’y a que trois encavages, dont la coopérative, rappelle Caleb Grob (à g. sur la photo ci-dessous), son directeur depuis 7 ans. Avec une centaine de sociétaires, dont 39 producteurs qui cultivent 53 hectares de vignes, elle transforme et met en valeur 350 tonnes de raisin. En 2013, elle a moins souffert de la grêle que le reste du canton (pour une récolte représentant 60% d’un millésime) et, en 2014, elle a été épargnée par le fameux drosophile suzukii, qui lui a coûté 10% de production, surtout sur des rouges précoces (comme le garanoir).

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L’œnologue de la cave, Michaël Loubry (à dr. sur la photo ci-dessus), en poste depuis 5 ans, vinifie aussi les raisins d’un des plus grands domaines «bio bourgeon» de Suisse, Les Coccinelles. Les caves de La Béroche commercialisent deux gammes, une «classique» et une «bio», une double voie qu’on retrouve dans le non-filtré. L’œnologue assure avoir utilisé les mêmes levures pour les deux cuves : les 1’000 bouteilles du non filtré des Coccinelles exhalent un parfum exotique exubérant, avec des notes de pamplemousse rose, tandis que les 5’000 bouteilles de «classique» offrent davantage de gras, avec des arômes frais, citronnés, et une note d’amertume finale, qui souligne la minéralité du vin.

Du non-filtré toute l’année !

A ce stade précoce de mise en vente, rituellement et légalement dès le 3ème mercredi de janvier, le trouble est bien là, avant que les levures en flocons se déposent au fond du flacon… «On tient notre non filtré toute l’année, même si l’essentiel se vend de janvier à mars», commente Caleb Grob, «et le vin poursuit son élevage sur lies en bouteille». La coopérative, depuis sept ans, confie à un de ses clients le dessin de l’étiquette de la cuvée «classique», avec une entorse pour le 2014, qui reprend le label original de 1935 et son côté rétro. Outre un curieux assemblage Nord-Sud, de 50% de pinot en cuve et de 50% de merlot en barriques, de la Cave tessinoise de Giubiasco, tiré à 600 bouteilles en 2012 — et qui sera reconduit avec le 2013 —, et un assemblage rouge bio Cuvée Scarlet, des Coccinelles, fait en 2013 de mara, garanoir et de divico, la cave propose sous l’étiquette Hôpital de la Béroche, un pinot noir en levures indigènes, sans collage et sans filtration. Mais pas «non filtré», une précision qui, selon un décret du Conseil d’Etat neuchâtelois, est réservé exclusivement au chasselas.

Sur le Net : www.neuchatelnonfiltre.ch

Paru dans Hôtellerie et Gastronomie Hebdo du 5 février 2015.

©thomasvino.ch