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Posted on 9 décembre 2016 in Tendance

Amigne et johanis’, les «outsiders» valaisans

Amigne et johanis’, les «outsiders» valaisans

Derrière le fendant, l’arvine et le païen, le johannisberg et l’amigne sont les outsiders des vins blancs du Valais. Coup de sonde à Chamoson et à Vétroz. Les vins que j’ai préférés dans les deux dégustations sont commentés ici.

Par Pierre Thomas

Les deux villages mettent en lumière leur cépage emblématique, début décembre. Chamoson, avec Johannissima, le premier samedi de décembre, Vétroz, avec ses caves ouvertes d’hiver, centrées sur les Grands Crus où l’amigne occupe une place de choix, le deuxième samedi de décembre.

Le johannisberg, abrégé johannis’, ou sylvaner, ou encore plant du Rhin, reste le deuxième cépage blanc le plus planté du Valais, sur 256 hectares, dont 84 à Chamoson. Fini le temps des gros rendements, où il finissait en assemblage dans la marée de fendant ou dans la dôle blanche, ni vu, ni connu.

Deux jeunes œnologues en évidence

Chamoson veut le défendre comme une variété locale digne d’être magnifiée. Ainsi, pour la quatrième fois, un jury a dégusté 15 vins secs (jusqu’à 4 grammes de sucre, maximum) du millésime 2015 pour en réserver 90 bouteilles de deux exemples destinés à vieillir et à être redégustés dans le futur. En finale, la Cave de la Petite Vertu et Magliocco se sont clairement imposés, devant La Siseranche, Maurice Gay SA, La Tornale (Jean-Daniel Favre), L’Ardévaz (famille Boven) et John et Mike Favre.

Le millésime 2015 s’est révélé très positif pour le johannis’, à l’acidité naturellement basse, marqué par une amertume qui rappelle l’amande, plus ou moins douce. Un blanc ouvert, sur des arômes d’herbes sèches, de tisane, de menthe poivrée ou de mangue et de fruit de la passion ; un vin souvent gras, presque huileux, parfois marqué par des notes de pierre-à-fusil, et vinifié en sec, avec ou sans seconde fermentation malolactique. Le résultat a bien fait les choses, en distinguant deux caves où vinifie la relève, les jeunes œnologues François Schmaltzried et Mikaël Magliocco.

Deux cépages dignes du «grand cru»

A Chamoson, le johannis’ a accès au «grand cru», unique en Valais. Chaque commune peut en effet choisir quatre cépages : à Chamoson, le johannis’ côtoie l’arvine, le pinot noir et la syrah. Une douzaine de vignerons se soumettent à cette législation plus sévère que l’AOC. A Chamoson, c’est 1% de la commune, mais le johannis’ est le vin le plus produit en grand cru, sur 7 hectares, soit autant que les trois autres cépages réunis…

Non loin, à Vétroz, la dynamique des grands crus est un succès plus significatif. Chasselas et pinot noir (sur plus de 7 ha chacun) sont certes plus importants que l’amigne (5 ha), mais devant le gamay incorporé à la dôle. Vétroz est ainsi la seule commune valaisanne à promouvoir la dôle en grand cru et l’amigne, bien sûr, puisque les quatre cinquièmes des 41 ha de ce vieux cépage aux origines locales est cultivé dans cette commune.

Amigne sèche: une image souvent floue!

Amigne de Vétroz sèche: une image souvent floue!

La tentation de la douceur

Si le johannis’ retrouve une seconde jeunesse en vin sec, l’amigne paraît s’orienter vers davantage de sucrosité, qui est aussi un support d’arômes pour ses notes d’agrumes, entre la mandarine et le zeste d’orange. La douzaine d’encaveurs de Vétroz ont, du reste, introduit un sigle, sous forme d’abeille, pour signaler le taux de sucre résiduel : la version la plus sèche grimpe déjà à 8 grammes, puis, avec deux abeilles, jusqu’à 24 g., et, avec trois abeilles, sans limite, pour des vins surmaturés sur souche.

Dans une récente dégustation d’une vingtaine de vins du millésime «solaire» 2015, les vins secs se sont révélés très riches en alcool (entre 14% et 15%) pour les moins sucrés. On a apprécié, en version une abeille, le Grand Cru de Romain Papilloud et le Grand Cru de Serge Roh, ainsi que la version en barrique de la Régence Balavaud (la «cave de l’année» du Grand Prix du Vin Suisse 2016). Et en deux abeilles, la cuvée de Serge Roh, au bon soutien acide, la Grand Cru de la Cave de La Madeleine, d’André Fontannaz, la Grand Cru de la Cave des Deux Rives et celle de Thierry Constantin.

Ces vins restent difficiles à servir. Grand connaisseur du Valais, le sommelier Geoffrey Bentrari consate que l’amigne est souvent impossible à placer à table, trop lourde tant à l’apéritif qu’au dessert. Elle s’accorde des plats de poisson ou de coquillages en sauce ou de la cuisine asiatique épicée. Présent aussi à Chamoson, le sommelier s’est dit conquis par les arômes ouverts et envoûtants du johannisberg, tout en déplorant l’image de vin de comptoir que ce plant du Rhin a conservée. Et là où il officie, au restaurant du Président Wilson, à Genève, ni l’amigne, ni le johannis’ n’ont leur place sur la carte des vins.

*Samedi 10 décembre 2016, 10 h. – 17 h., caves ouvertes à Vétroz, www.amigne.ch

Article paru dans Hôtellerie & Gastronomie Hebdo du 7 décembre 2016.