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Posted on 26 mars 2018 in Vins italiens

Amarone : petite année pour des «noces d’or»

Amarone : petite année pour des «noces d’or»

L’Amarone entre dans le nouveau millésime en faisant déguster le dernier mis sur le marché avec cinq ans de décalage. 2018 marque les 50 ans de ce rouge capiteux, réussite économique sans précédent, tandis que le 2014, petit millésime, arrive dans les rayons. Court-circuit !

Pierre Thomas, de retour de Vérone

«Noces d’or», à Vérone, dans la ville de Roméo et Juliette, entre la Valpolicella, l’arrière-pays connu pour ses vins rouges secs ou liquoreux, et ce «nouveau» vin intermédiaire, apparu il y a un demi-siècle… seulement. Mais toujours à la mode ! S’il s’est renforcé en Italie, l’Amarone a encore cru de 10% à l’export (68% de la production). Derrière l’Allemagne (24% de l’export), les Etats-Unis (13%), la Suisse (11%) pointe toujours au troisième rang. Chine et Japon affichent un taux de croissance de 15%, les Etats-Unis, de 10%, la Suisse et l’Angleterre, de 5%, en 2017.

Ces chiffres n’intègrent pas le millésime 2014. Des pluies diluviennes durant le printemps et l’été ont mis en péril la vendange des principales variétés de raisin locales, corvina, corvinone et rondinella. Mais la «recette miracle» de l’Amarone, c’est le sèchage à l’air des raisins, l’«appasimento», avant pressurage. Un automne radieux, plutôt sec et naturellement ventilé, lui a sauvé la mise, avec une quantité volontairement limitée de 35% du volume possible dans les vignes qui lui sont dédiées, sur les 8’000 ha que compte la Valpolicella, pour 2’300 producteurs et 600 millions d’euros de chiffre d’affaires. La proportion paraît faible. Pourtant, en 2016 et 2017, elle ne dépassera pas 40%. Pour des raisons économiques, cette fois, afin de maintenir les prix et ne pas tuer la poule aux œufs d’or. Comme les règles de produire du «ripasso» ont été durcies, pour éviter un «sous amarone», plus attractif que le «classico», en années très chaudes.

Les meilleurs font l’impasse sur le 2014

Pour corriger l’image d’un seul vin technique, issu de la géniale astuce que consiste à sécher le raisin pour en concentrer sucres et arômes, de nombreux domaines plaident désormais soit pour des sélections en cave, soit pour des vins de terroir.

Dans un millésime comme 2014, il se dit que les vedettes, comme Quintarelli, Dal Forno et Bertani, ne mettront pas sur le marché leur cuvée prestigieuse d’Amarone, tandis que Tedeschi, se contentera de sa version de base, certes enrichie des meilleurs raisins de ses crus. Et, à la dégustation «officielle» du Consorzio, que préside désormais Andrea Sartori, de la cave homonyme, qui fête cette année ses 120 ans d’existence, il n’y avait qu’une quarantaine d’échantillons, dont vingt déjà en bouteilles.

Sur la base des meilleurs dégustés (lire les commentaires ci-dessous), les 2014 récompenseront ceux qui ont le mieux travaillé par des vins d’une certaine élégance, avec une fraîcheur conférée par une acidité bien présente, à l’exact inverse d’un millésime riche.

Pourra-t-il vieillir, vingt, trente ans ou plus ? La réponse est non, au contraire des 2009 et des 2011. Toujours en bisbille avec le Consorzio, le cercle des treize «familles» faisait déguster ses vins en «off», à la fameuse Bottega del Vino, institution du centre de Vérone, précisément dans le millésime 2011, où les classiques Allegrini et Zenato, Begali, avec son Monte Ca’Bianca, et Tedeschi, avec son cru Monte Olmi (pas produit en 2014 !), sortaient du lot (lire les commentaires détaillés ci-dessous).

Pas de place non plus pour une année comme 2014 dans la dégustation rétrospective pour célébrer les 50 ans de l’Amarone, où le 1969 de Montrésor, dans un «old style» classique, le 1997 de Roccolo Grassi, dans plus moderne, plus concentré et plus boisé, et le 2004 de Romano Dal Forno, magnifique de complexité, de puissance, mais aussi de fraîcheur, se sont signalés.

Bio souhaité mais difficile à appliquer !

Montrer les millésimes les plus remarquables l’année où sort l’un des plus faibles, on prenait l’Histoire à rebrousse-poil. Comme à évoquer le bio, sur fond de pluies incessantes de deux douzaines de traitement pour tenter de mener à l’«appasimento» automnal des raisins malmenés tout l’été 2014. Il n’empêche : 114 producteurs pratiquent le bio sur un peu moins de 1’000 ha. Le Consorzio, et sa directrice Olga Bussinello, confirment l’objectif de 60% (5’000 ha) à moyen terme. Tandis que le professeur Diego Tomasi, qui passe au crible chaque millésime, avoue qu’en Valpolicella, au pied sud des Alpes, «le bio ne sera jamais facile», sauf à remplacer des produits chimiques de synthèses par des molécules naturelles contre les maladies fongiques. Dernière à se manifester, la «pourriture grise» est un ennemi redouté de l’«appasimento». «En Italie, le bio peut se pratiquer de la Toscane au Sud», confesse le scientifique. Et les changements du climat n’ont pas fini de réserver des surprises : en 2017, année chaude, avec des vendanges précoces, le séchage des raisins a été raccourci de 15 jours et était terminé à Noël ! Pour quel style d’Amarone ? Réponse en 2021 !

Paru dans Hôtellerie et Gastronomie Hebdo du 28 mars 2018.

Les meilleurs Amarone 2014

Corte Sant’Alda, Adalia 2014 (échantillon tiré du fût!)

Joli nez, fumée froide, suie, sec, bon volume, tanins ronds, de la fraîcheur et bon volume, sur l’élégance; acidité bien arrondie par l’élevage; prometteur! ***

Accordini Stefano, Classico, Acinatico 2014

Nez un peu fumé, un peu vert, peperoni, attaque assez ample, assez sec, un peu café, chocolat, épicé, poivré en finale. ***

Cesari Classico 2014

Nez de confiserie, fin, crémeux; cacaoté; bon volume en bouche; bien arrangé par le bois; joli volume; de l’élégance; rétro sur les framboises écrasées; jolie complexité, bon exemple du millésime, avec un bon soutien acide. ***

Recchia, Classco, Masua di Jago 2014

Beau nez de confiserie; boisé, jolie trame, de la densité; une certaine douceur; grenadine et framboise; de la fraîcheur; bien fait! Élégant et agréable! Un peu brûlant en finale. ***

Santa Sofia, Classico, Antichello 2014

Joli nez classique, fumée froide, cacao en poudre; feuille morte; attaque ferme; jolis arômes, du fruit; bon équilibre, bon soutien acide. ***

Corte Lonardi, Classico 2014

Nez discret, notes de fumée froide, de cacao en poudre; attaque fruitée; joli volume, assez élégant, frais, sur les fruits rouges en compote, pas très long, mais bien fait, bâti sur l’acidité… **(*)

I Tamasotti 2014 (petit domaine de 3 ha, 1er millésime, 2013)

Nez fermé, boisé; attaque suave, bon volume, de la sucrosité, vanillé, fruits rouges au rhum; de l’ampleur, un peu trop flatteur, mais bien fait! Un peu brûlant. **(*)

Bertani, Valpantena 2014

Nez boisé, un peu foin ; attaque sur la minéralité, le graphite, milieu de bouche un peu doux-amer; bon volume en bouche; boisé assez marqué, astringent; bon volume et sec, tenu par l’acidité, assez complexe. **

Ca’Rugate, Punta Tolotti 2014

Nez de café, attaque aromatique, sur le peperoni, arômes poivrés et végétaux de carménère (!), fumée froide, bon volume; tenu pas l’acidité; assez rustique; de la mâche et du volume, un peu brûlant en finale. **

Giuseppe Campagnola, Classico 2014

Nez primeur, un peu banane, attaque un peu poudrée, bon volume, tanins un peu collants, finale un peu acide et chaude; jolie complexité… **

Vigneti di Ettore, Classico 2014

Nez fermé, peu expressif, attaque fraîche, de l’extraction, du boisé, un peu astringent en finale, fruits rouges à l’eau-de-vie, marasquin, graphite; sec et assez complexe! **

Zonin 2014 (sur fût)

Nez complexe, de bois, de fruits rouges et de pruneau; attaque ronde; joli volume, bien emballé par l’élevage; tanins fins; acidité arrondie par l’élevage; arômes assez complexes et épicés; encore marqué par l’élevage. En devenir! **

Montresor 2014 (sur fût)

Nez un peu organique; un peu végétal, vert, peperoni; attaque assez fraîche; un peu rustique; bonne finale fruitée; de l’acidité, mais bons arômes, frais… **

Amarone Familles d’Arte 2011

Begali Monte Ca’Bianca Classico 2011

Nez un peu végétal, vert, attaque fraîche, sur les tanins du bois; boisé bien présent; bonne structure, type plutôt sec; tanins et acidité; encore jeune; graphite en fin de bouche; belle tenue en bouche, un peu brûlant sur la fin. ***

Zenato Classico 2011

Nez de papier mouillé; un peu épicé, bouillon de poule; attaque large, puissante, beau volume, avec des notes de cassis, longueur en bouche; finale un peu sèche; plus intéressant en bouche qu’au nez; finale poudrée sur le cacao; belle complexité et retour sur la fraîcheur. ***

Tedeschi Monte Olmi Classico Riserva 2011

Nez de bouillon, avec une note de graphite, minérale; attaque fraîche, sur le cassis; bon volume, assez strict; de l’astringence encore, finale un peu minérale, sur les herbes sèches, le foin coupé; beau potentiel, à garder… **(*)

Allegrini Classico 2011

Beau nez de fruits rouges et fruits à noyau et de cassis; attaque sur le boisé assez strict encore; belle matière en bouche; fumé, boisé, cassis en finale; tanins serrés; belle structure, ferme; finale sur le graphite, en devenir, encore un peu astringent, bon potentiel… **(*)

Speri Vigneto Monte Sant’Urbano Classico 2011

Nez de foin, attaque souple, du fruit, de la cerise, de la douceur, souple, un peu sucré, gras, acidité bien enveloppée, type riche et un peu doux. **(*)

Musella Riserva 2011

Couleur discrète; nez un peu de chou, végétal; attaque ferme; jolis arômes de cerises, de marasquin; finale un peu séchée par le bois, perceptible; douceur assez importante; fin de bouche un peu sèche et astringente, brûlant… **

Tenuta Sant’Antonio, Selezione Antonin Castagneti, Classico 2011

Nez discret, un peu café et mûr; attaque sur le iode, acidité-volume; manque un peu de chair, mais matière assez sèche; assez complexe; bonne acidité; paraît en devenir, un peu astringent et sec en finale. **

Guerrieri Rizzardi Calcarole Classico 2011

Nez un peu planchu, boisé, barrique neuve ?; attaque sur la cerise; grande douceur; meilleur en bouche qu’au nez; à la fois cerise, marasquin, et vanillé et boisé un peu balsamique; bouche large, assez ample; petite note balsamique en fin de bouche… **

Brigaldara Case Vechie 2011

Nez de cuir avec une pointe végétale; attaque sur le café, les fruits rouges, le cassis; finale un peu verte; tanins encore stricts; astringent et acidulé; plutôt frais… **

Torre d’Orti, Cavalchina 2011

Nez de banane flambée au rhum, de levures, de vanillé; attaque sur du boisé luxuriant; milieu de bouche sur les fruits rouges, le cassis; finale un peu boisée, de confiserie; étonnant! Bon volume, moderne, jolie complexité. **

©thomasvino.ch.