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Posted on 13 décembre 2018 in Vins suisses

Pierre Keller : y’en avait point comme lui 

Pierre Keller : y’en avait point comme lui 

J’avais été choqué de le voir très affaibli à la proclamation des résultats de la Sélection des vins vaudois, à l’Ecole hôtelière de Lausanne. Pierre Keller, 74 ans, est décédé début juillet 2019, d’une maladie du foie. Le 12 décembre 2018, les vignerons et acteurs du monde vitivinicole avaient pris congé de Pierre Keller, qui avait effectué «un septennat» à la présidence de l’Office des vins vaudois (OVV), et qui en fut nommé à cette occasion «président d’honneur». A l’ancien directeur de l’ECAL (Ecole cantonale d’arts Lausanne) a succèdé celui qui fut son supérieur à la tête de l’enseignement vaudois, Michel Rochat, devenu, dès 2010, CEO du groupe de l’EHL (l’Ecole hôtelière de Lausanne).

Par Pierre Thomas

Dans une boîte de nuit un rien destroy dans les sous-sols de la place de la Riponne, un public nombreux et mélangé s’est pressé, mercredi soir. Les hommages ne se sont guère écartés du «Y’en a point comme nous» bien vaudois, alors que le monde vitivinicole, derrière la façade des sourires de circonstance, tire la gueule, en raison d’un marché du vin, notamment blanc, lourd. On dit que certains gros acteurs alémaniques ont, jusqu’ici, fait l’impasse sur les vins vaudois 2017, alors que se profile, en cave, le produit d’une abondante et excellente récolte 2018. Mais de cela, il n’a guère été question, pas plus que des nouvelles AOP-IGP, dont les Vaudois ne semblent pas vouloir. Et qui devraient avoir une oreille attentive auprès du nouveau ministre fédéral de l’Economie, l’ex-paysan et viticulteur de Bursins Guy Parmelin, de surcroît UDC et donc peu enclin à l’ouverture sur une législation inspirée par l’Union européenne…

Ce départ, à la tête de l’OVV, fut l’occasion d’un festival de bons mots pour cette «première nuit des vins vaudois», annoncée par le jeune directeur de l’OVV, Benjamin Gehrig, diplômé de l’EHL. Gilles Cornut, président de l’interprofession (soit de la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois),  a salué le «dynamisme, le sens de la mise en scène et l’action» de «l’homme d’image» qu’est Pierre Keller. «Le vin résulte d’un travail non d’un concept» et il ne suffit pas «d’un peu de communication» pour le promouvoir et le vendre… Et de rappeler quelques slogans, comme «le monde s’agenouille devant les vins vaudois», né après quelques bouteilles de dézaley dans un carnotzet de Lavaux, et «l’ouvrier boit du rouge, le patron aussi».

Le successeur de Pierre Keller, 74 ans le 9 janvier prochain, Michel Rochat, 62 ans depuis novembre, a affiché son optimisme inoxydable, «dans un monde de changement qui s’accélère», parlant de Lausanne comme d’un «mini-Boston» et des innombrables atouts vaudois qu’il s’agit de promouvoir. Avec son humour corrosif, Pierre Keller a admis que «savoir vendre le vin vaudois est une autre chanson» que de s’appliquer à le produire : «le Vaudois, par nature, est à la porte de sa cave, mais de préférence en-dedans…».

Sous l’oeil du patriarche Louis-Philippe Bovard, tout à gauche, Pierre Keller et son successeur Michel Rochat (photos OVV).

Il a plaidé pour une union de tous les milieux appelés à vendre les «produits du terroir» vaudois, et non seulement le vin. On peut imaginer que la personnalité du président de l’OVV a, aussi, été un obstacle à une telle réunion qui est, pourtant, «une évidence, il faudra juste du temps pour y arriver». Car le conseiller d’Etat Philippe Leuba, souvent appelé comme arbitre — sa seconde nature ! — a souligné que «les qualités de Pierre Keller sont autant ses défauts» et qu’il est «une grenade dégoupillée dont on ne connaît pas la longueur de la mèche, mais qui explose à coup sûr». Michel Rochat, a assuré le magistrat, partage avec le président honoraire la «passion du vin» et «l’amour des vignerons». Après celui de l’ECAL, le nouveau président mettra son réseau international de l’EHL au service des vins vaudois.

La piste japonaise

Pierre Keller a notamment réactivé un réseau japonais autour du chasselas: je l’avais suivi dans un de ses premiers voyages à Tokyo, il y a bientôt cinq ans. Et les Japonais cultivent le koshu, cépage local qui a quelque parenté gustative avec le chasselas… La Suisse était jusqu’ici privilégiée dans ses rapports avec le Japon (depuis un accord, ALEPE, signé en 2009), mais l’Union européenne a signé cette année un accord de libre-échange, et de reconnaissance d’indications géographiques protégées (IGP), avec Tokyo, ratifié cette semaine par le Parlement européen. Il qui entrera en vigueur le 1er février 2019. Certains parlementaires, comme la conseillère nationale Elisabeth Schneider-Schneiter, craignaient que la position suisse soit désormais affaiblie. Le Conseil fédéral avait répondu (en janvier 2018) que le Japon ne tenait pas à modifier le contenu de son accord avec la Suisse, malgré la demande réitérée de Berne.

@thomasvino.ch