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Posted on 1 mars 2019 in Vins suisses

Les 50 ans des vignerons-encaveurs du Valais

Les 50 ans des vignerons-encaveurs du Valais

Ensemble, ils pèsent autant que la coopérative Provins, la plus grande cave de Suisse, soit 28% de l’économie vitivinicole valaisanne. Les vignerons-encaveurs du Valais fêtaient, lundi 12 novembre 2018, leur cinquantième anniversaire, dans l’ensemble médiéval du château de Loèche.

L’Union des vignerons-encaveurs du Valais (UVEV) regroupe 128 membres. Elle est issue d’une fusion, en 2000, entre l’Association des vignerons-encaveurs et la Confrérie Saint-Théodule, fondée en 1967. Celle-ci observe une charte de qualité volontaire, sanctionnée par une dégustation des vins, à laquelle 78 des membres de l’UVEV ont adhéré. Présidée par Marie-Thérèse Chappaz, c’est elle qui a organisé la journée-anniversaire au Château de Loèche.

Une journée à pile ou face

Il fallait choisir entre pile ou face : pile, une dégustation de vieux millésimes représentatifs de l’évolution du vignoble valaisan, face, une dégustation de deux vins de chacun des signataires de la Charte, dans une autre salle du château, sur trois étages, prolongée par un repas proposé par les «alter ego» des vignerons-encaveurs, la Guilde suisse des restaurateurs-cuisiniers (270 membres). La journée se voulait conviviale, sans discours politique, au moment où le vigneron devrait s’adapter aux AOP – IGP, un régime calqué sur l’Union européenne. Les Valaisans sont les seuls de Suisse à ne pas avoir tiré à boulets rouges sur ce projet, que l’Office fédéral de l’agriculture vient mettre en consultation (et qui a motivé une levée de boucliers de la branche fin février 2019).

Ancien président de la Maison Gilliard, «ministre» valaisan de la viticulture, le conseiller d’Etat Christophe Darbellay avait tenu à participer à la journée, dès la dégustation des vieux millésimes. Elle fut commentée de manière hédoniste par l’œnologue cantonale Corinne Clavien, et par Denis Saverot, le rédacteur en chef de la Revue du Vin de France (qui a publié la notation d’une sélection de vins valaisans, où les vins valaisans de la Mémoire des vins suisses sont fort bien placés, dans son édition de mars 2019).

Parmi les vins dégustés, un magnifique cornalin 2008 de Denis Mercier, figurant au trésor de la Mémoire des vins suisses et deux vins surprenants d’un membre fondateur de la Charte, feu Louis Imhof, de Sion : un pinot noir 1967, suave, riche et plein, «un pinot comme on les aime», selon Corinne Clavien, et un très étonnant Rouge d’Enfer 1964, aux arômes de cerises au marasquin, «là, le temps s’arrête, c’est un monument !» Fille d’Edmond Defaye, autre fondateur de la Charte, l’œnologue cantonale ne cache pas sa prédilection pour le «rouge du pays» : «Un cépage sans concession à la vigne et à la cave. Dans les années 1960, on ne coupait pas de raisin pour maîtriser les rendements, on vendangeait très tard au besoin, et peut-être qu’on n’égrappait pas avant fermentation», rappelle-t-elle.

En blancs, dégustés après les rouges, le johannisberg, ce sylvaner à l’acidité basse mais au volume large, s’est bien défendu, avec les ermitages, le 1996 de Romaine Blaser-Michellod, marsanne au «bouquet ensorcelant de truffe blanche et d’eau-de-vie de framboise» et ce 1967 d’Eloi et André Roduit, Président Troillet, dont les vignes, plantées en 1924, ont été reprises par Marie-Thérèse Chappaz, un «vin d’anthologie, qui rappelle l’Orient et pousse à succomber au péché de gourmandise». Une petite arvine de Simon Maye 1986, logée dans sa flûte rhénane, et une Grain Noble 1998 de Benoît Dorsaz, aux arômes d’agrumes confits, «à la bouche explosive, un vin magique», ont brillé, des années après la vendange…

Un plaidoyer pour les cépages locaux

«Le Valais doit être fier de ses cépages qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Les vignerons-encaveurs se sont battus pour les sauver, au nom du vrai, de l’authentique et de la nature», a rappelé Corinne Clavien. Un discours appuyé par Marie-Thérèse Chappaz, la plus emblématique de la corporation. Cette véritable icône helvétique a mis l’accent sur «l’idéal» de la Charte, portant le nom de l’évêque patron des vignerons et de tout le Valais. Le conseiller d’Etat Christophe Darbellay a souligné le rôle de «mouche du coche» des «petits vignerons» à l’époque où la quantité primait sur la qualité. Ils furent aussi les seuls à défendre les cépages réputés autochtones — comme ce cornalin de Loèche, planté en 1798, et qui serait le plus ancien cep de Suisse. Et le magistrat de louer la «rectitude» de ces gens de la terre qui puisent «leurs racines jusqu’à la roche mère».

A l’heure de l’apéritif, dans un coup de fœhn qui contribue à la richesse des vins du Valais, sur la pelouse de la terrasse de cet ensemble médiéval remarquable, les deux anciens présidents de la Charte, Axel Maye et Thierry Constantin, ont servi l’apéritif, le premier avec son pinot noir de Chamoson, le cépage le plus planté du Valais, sur 1600 des 4800 ha, le second avec une petite arvine, un des plus confidentiels, sur moins de 180 ha, tous deux de 2017, que la dégustatrice valaisanne Marie Linder a encouragé à imaginer «comme un paysage»

Paru dans Hôtellerie et Gastronomie Hebdo en décembre 2018.

©thomasvino.ch