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Posted on 19 décembre 2007 in Tendance

Bouquins sous le sapin (Noël 2007)

Bouquins sous le sapin (Noël 2007)

Pour Noël 2007 (et au-delà…)
Bouquins sous le sapin

Il faut bien l’admettre, l’édition connaît deux vendanges, une au printemps, l’autre aux abords de Noël, quand déboulent les premières avalanches — surtout quand il a fallu abattre quelques arbres pour faire tourner les rotatives… Voici donc, pêle-mêle, notre «sélection de grains nobles» récoltés en décembre.

Les éditions Weber (magasin en ligne), dans les environs de Thoune, publient depuis quelques années de beaux albums en forme d’itinéraire gastronomique. Après Zermatt et Gstaad, Berne. Titre anglais pour la série : «… for gourmets» (89 CHF l’album). Et texte bilingue, allemand-français, avec, toujours, de magnifiques photographies de Marcus Gyger et des textes d’Annette Weber.
«Bern for gourmets»

La formule est simple : un rapide portrait illustré d’un restaurateur et trois ou quatre recettes. Dernière publication, Berne. Le bilinguisme se justifie pleinement, pour présenter 24 restaurants et, petit plus, quelques artisans. L’ouvrage montre que la ville fédérale est l'une de celle qui s’est le plus vite adaptée à une offre gastronomique large. Et quel Romand ne va pas à Berne une ou plusieurs fois par année? Restos gastros, italiens ou franchement avant-gardistes, tout y est, sans afficher de préférences — laissées aux guides gastronomiques classiques. Au passage, l’album (240 pages grand format) annexe les vignobles du Vully (l’excellent Jean-Daniel Chervet), du lac de Bienne (le rénovateur Charles Steiner à Schernelz) et de Spiez (les vignes autour du romantique château bernois, principale et insolite illustration du chapitre suisse du tout nouveau «Atlas of Wine» (voir plus loin).
L'amitié d'Irma

Dans la même série, Irma Dütsch avait choisi l’éditrice bernoise pour publier «Amitié gourmande», au singulier (89 CHF). On pouvait craindre le «spécial copinage», de l’ex-cuisinier de l’année, rangée officiellement des casseroles (du moins du Fletschorn de Saas Fee). Elle retrouve du reste son successeur et bras droit, Markus Neff, salué par GaultMillau en 2007, mais aussi le fantasque Fribourgeois Jean-Pierre Corpataux (too), cette valeur sûre qu’est Claude Frôté au Boca’ de Saint-Blaise (NE), Fabrice Taulier, de l’Hôtel du Lac à Vevey, et quelques artisans, comme le vigneron de Chamoson Jean-Daniel Favre (La Tornale) ou Julien Morand (de la distillerie homonyme). Bien sûr, au passage, quelques concessions au snobisme, du côté des stations des Grisons, notamment… Mais un fort beau livre encore ! En attendant Saas Fee, les restos de golf et Saint-Gall «for gourmets», déjà planifiés… Et la Suisse romande, Genève, Lausanne, Fribourg? Et les vins suisses?
Hervé, Feran, Denis, Guillaume et les autres

En Suisse romande, l’éditeur Pierre-Marcel Favre occupe bien sûr le créneau. N’a-t-il pas planifié un «deuxième Rabaey» (Le Pont de Brent) et un Pierre-André Ayer (Le Pérolles à Fribourg) pour 2008? En attendant, pour les amateurs de cuisine moléculaire ou, comme l’annonce Hervé Thys, son chantre et préfacier de l’ouvrage (avec un compliment de Feran Adria, d'El Bulli), de «constructivisme culinaire», l’«évolution» (en minuscules) de DENIS MARTIN (en majuscules). La mise en page d’Oscar Ribes est d’une sobriété somptueuse, les photos de Pierre-Michel Delessert d’une beauté plastique à couper le souffle, les commentaires et recettes d’un simplisme confondant… En refermant l’album (210 pages, 84 CHF), on se dit : «Dis, maman, ces trucs, ça se mange ?».
Avec les mêmes metteurs en scène (graphisme et photo), Guillaume Trouillot, trentenaire conquérant, a droit à un bel ouvrage aussi (173 pages, 69 CHF), où il revendique sa qualité d’«artisan cuisinier», lancé avec brio à L’Esplanade d’Aubonne par un feuilleton estival, en 2006, à la défunte émission de la TSR Classe Eco. Beau coup de pub et le jeune chef d’origine champenoise surfe au fil des saisons, avec un album coloré, un tantinet moins «flashy» que le précédent…
Spécial confrères

Aux mêmes éditions Favre, un ouvrage richement illustré (250 pages, 69 CHF) revient en détail sur le classement du «Vignoble en terrasses» de Lavaux au Patrimoine mondial par l’UNESCO. Imprimé «à l’italienne», la couverture de l’ouvrage peut créer la confusion avec «Vignobles suisses», écrit par Pierre Thomas (!) et illustré de belle manière par Régis Colombo, toujours disponible, et couronné en été 2006 du prix Rothschild du «meilleur livre sur le vin édité en Suisse». Un classique, n’est-ce pas…
Et s’il est toujours ardu de parler de «son» livre, il l’est encore davantage de celui de ses confrères. L’une publie «La dégustation revue et corrigée», les autres inventent la «bistrologie», avant la «bistronomie», nouvelle maladie du siècle… Bon, passons sur ces attributs ronflants et intéressons-nous à l’essentiel. Avouons-le, voir Myriam Broggi-Praz jouer les Démosthène du terroir et mâchouillant des cailloux pour prouver que le chasselas en tire sa substantifique moelle, laisse des souvenirs diffus… Son «nouveau guide pratique» de «La dégustation revue et corrigée» (toujours chez Favre, 37 CHF) est pourtant d’une très honnête limpidité. Dans la veine d’un Jonathan Nossiter, elle explique que tout un chacun a les moyens de déguster et d’apprécier un vin et les armes pour le juger bon (ou mauvais!). Mais si le sulfureux cinéaste de Mondovino livre un galimatias ravageur et anarchisant, l’ex-meilleure sommelière de Suisse simplifie grandement l’exercice, avec honnêteté intellectuelle. En 225 pages, c’est un peu «tout ce que vous vouliez savoir sur la dégustation sans jamais oser le demander» (pour paraphraser Woody Allen), avec des infos hiérarchisées, présentées sans discours inutile. Efficace, donc, surtout si on a un verre à la main!
Les bistrologues font la paire

Le bistrot, à Véronique Zbinden et Jean-Luc Ingold, c’est leur boulot, depuis des années! Ils rééditent en autoédition (les Editions Texto, c’est eux!) «Le petit suisse à table», 2008, sous couverture bleue représentant une pile d’assiettes. «340 restos romands, chics et pas chers, classés par spécialité», dit le dos. On peut slalomer dans ces 240 pages (compter une trentaine de francs). D’accord, le PAR («Paysage des Auberges Romandes») n’est pas très étendu et ce que les concurrents mettent en exergue, «le petit suisse» ne peut l’éviter. Mais foin de tables d’hôtel, plutôt des cafés, quelques uns discutables, du reste, et des valeurs sûres. La précédente version (8'000 exemplaires vendus, un joli succès de librairie !) avait réussi le tour de force d’être aussi lisible qu’un horaire de chemin de fer obsolète, celle-ci est claire, bien écrite (on ne se refait pas !) et fiable. Par rapport à la précédente, 30 adresses ont disparu et 80 sont nouvelles…
En anglais dans le texte

Enfin, vous aimez lire en anglais ? Au rayon des beaux livres, indispensables et efficaces, on signalera ce grand classique «The World Atlas of Wine» (chez Mitchell Beazley, 400 pages, 97,50 CHF, avec de remarquables cartes et photos), cosigné de Hugh Johnson et Jancis Robinson, les deux plumes anglo-saxonnes les plus réputées du monde du vin. Cette sixième édition (depuis 1971 — attention, la nouvelle couverture est verte!), sortie de presse en octobre dernier, risque de n’être traduite en français que dans deux ans… Elle a été refondue entièrement, avec des infos prises aux meilleures sources (voyez en page 400). Un «outil» indispensable à la connaissance!
Dans le même genre classique (chez Hardie Grant Books 83,50 CHF), le «Wine Atlas of Australia», qui se réfère au nom prestigieux de James Hallyday, journaliste et producteur de vins. La cartographie, les adresses utiles, les commentaires pertinents donnent envie d’y aller voir de plus près. Et ça tombe bien : c’est à mon programme pour le printemps 2008!

Joyeux Noël et bonne et heureuse année 2008!
Pierre Thomas