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Posted on 1 août 2008 in Gastro

Manger en Valais, selon la tradition

Manger en Valais, selon la tradition

Bien manger en Valais
La cuisine valaisanne? «On vous répondra invariablement qu’en dehors des fromages, du jambon cru, de la viande séchée et de la raclette, il n’y a pas grand-chose à signaler», écrivait, en 1975, feu le chef Fritz Balestra, de Champéry, président de l’Académie suisse des gastronomes, en préface de son opuscule «Le Valais gourmand». Et d’enchaîner: «Et pourtant, les spécialités gastronomiques sont plus nombreuses qu’il n’y a de vallées latérales !». En voici la preuve.
Par Pierre Thomas
Des plats qui parlent le patois
La cuisine valaisanne parle le patois et se souvient que, dans les villages, il n’y avait ni eau, ni électricité jusqu’au milieu du XXe siècle. La vie à la montagne était fruste et on ne mangeait de la viande guère que le dimanche. Les soupes, de pommes de terre, de riz, de fèves, à l’orge, à la farine, constituaient l’ordinaire à midi; le pain et le fromage, le repas du soir. Le dimanche, les potées sont servies du Bas au Haut-Valais: en pot-au-feu «valaisan», en «tsarfion» du Val d’Hérens (chou farci), en «fartsouniri» (une toile de chanvre qui permet de retenir les ingrédients dans la marmite et de les sortir comme on extrait le fromage de la chaudière) ou, dans le Haut-Valais, en «Gsottus», un bouilli de viandes séchées ou salées.
Au Val d’Anniviers, on sert le «tsarkolèt», un ragoût de veau mijoté au vin blanc. La polenta, ou le gratin de maïs du val de Bagnes, sont courants. Ailleurs, on mélange des pommes de terre, des macaronis et des oignons, c’est le «macarong tsila» sorte de «cougenaze» (cuisinage, soit le mélange de plusieurs ingrédients). A Savièse, on fait grossièrement des pâtes de blé, les «keneflé», servis avec des pommes de terre. Au dessert, le «sii» savièsan, «pain perdu» de seigle rassis, mouillé au vin rouge, puis pressé, enrichi de raisins secs, de sirop de sureau, puis chauffé au beurre et servi avec de la crème fraîche. Estomacs sensibles, s’abstenir !
Autour du fromage, richesse valaisanne
Le fromage représente le plat de résistance du Valaisan. Si la raclette est évoquée par Eugène Rambert en 1875, confirmée par une grande fête à Sion en 1909, elle est loin de constituer le seul mets au fromage. La fondue, sans doute, l’a précédée, même si Joseph Favre, dans son dictionnaire décrit sous ce mot la…raclette.
Vieux de plus de douze mois, le fromage est débité en rebibes. Il entre dans la composition de «la soupe au plat» du Val d’Illiez, sorte de croûte au fromage humectée au bouillon et accompagnée de châtaignes. La «tarte savièsanne» lui fait la part belle, sorte de quiche au poireau, au lard fumé et au fromage à raclette bien mûr, selon Fritz Balestra. De même «la caillée de Chamoson», croûte au fromage gratinée au four.
Tous les fromages ne font pas le poids du raclette: dans le val d’Hérens, on presse de petites «tome» (avec un seul m). Les sous-produits du fromage se mangent aussi: le «fotchiu», à base de «garbô», le lait caillé, ou le sérac dilué à l’eau, le «misera».
Une tradition symbolise bien cette frugalité, communion de saison: la «brisolée», courante dans la région de Martigny, de Fully et de Savièse, un repas aux châtaignes grillées, l’automne, servies avec du fromage de l’été passé, du saucisson cru et du moût encore trouble, quand «on y trouve encore le goût du raisin et la promesse de l’alcool» (Balestra).
Un jardin extraordinaire
L’endiguement du Rhône et le dégagement de plusieurs milliers d’hectares de «bonnes terres» favorisent les cultures, à la fin du XIXe siècle. Les premières asperges blanches apparaissent dans la région sablonneuse de Fully, Saillon et de Saxon dans le courant du XIXe siècle. On en récoltera jusqu’à 600 tonnes dans les années 1950 avant que cette récolte tombe à 40 tonnes un demi-siècle plus tard.
L’agriculture valaisanne connaît la surproduction: c’est la période des «tomates jetées au Rhône». Légumes et fruits se développent: primeurs, puis pommes, poires, abricots, framboises de Nendaz, fraises de montagne. Les saisons s’allongent, les cultures se diversifient. Sous la marque Valais-Wallis sont enregistrés, depuis 1997, des produits aussi divers que des plantes aromatiques du Grand-Saint-Bernard, les tisanes de Valplantes, à Sembrancher (verveine, sauge, menthe, mélisse, thym, etc.), le thé Bio Alp Tea, le génépi, etc.
Le Valaisan Joseph Favre,
pape de la gastronomie française

Né à Vex en 1849, Joseph Favre passe pour le premier pape de la gastronomie française. Son destin croise celui d’un autre Valaisan, César Ritz, l’hôtelier qui installa dans ses cuisines le grand Auguste Escoffier. Les trois se retrouvent à Paris, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Favre meurt à Boulogne-sur-Seine en 1903, le jour de ses 54 ans. Ritz dix ans après avoir ouvert son palace parisien, en 1918, à 68 ans.
Orphelin tôt, apprenti à Sion, Joseph Favre s’en va à l’hôtel Métropole, à Genève, avant de gagner Paris, puis Wiesbaden où, à 18 ans, il dirige la brigade du restaurant du Kursaal. On le retrouve à Paris et à Londres, dans les meilleures adresses, puis il revient en Suisse, passe par Genève, Lausanne, Fribourg, Lugano, Bâle, Bex, le Righi, avant de repartir à Berlin, puis à Paris, dans un périple épuisant. A Clarens, il se prend d’amitié pour Gustave Courbet, le grand peintre, opposant au régime français d’alors, qui brosse son portrait.
Dès 1877, Joseph Favre édite La Science culinaire, le premier journal de cuisine rédigé par un professionnel. Il accumule plus de 6'000 recettes, publiées par son journal, puis réunies dans les quatre volumes du monumental Dictionnaire universel de cuisine pratique: encyclopédie illustrée d’hygiène alimentaire, complété par son épouse en 1903. Un exemplaire de cette deuxième édition, reproduite à l’identique en 1978, peut être consulté au Bureau communal de Vex, où une plaque commémorative a été apposée sur la maison natale de Joseph Favre en juin 1977.
Tiré de L'Encyclopédie du Valais en ligne, rubrique Société (2006).