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Posted on 30 juillet 2009 in Tendance

La mode des déjeuners-dégustation

La mode des déjeuners-dégustation

Grâce aux sommeliers

Dégustation-déjeuner, un duo gagnant

La formule dégustation de vins, avec la présence du ou des producteurs, et déjeuner met en lumière le réseautage des sommeliers. Exemple à Chamonix.
Par Pierre Thomas
Le sommelier Christian Martray est une figure bien connue en Suisse romande. Ce fils de régisseur de domaine du Beaujolais — sa mère veille sur les caves du Château de La Chaize —, et frère de vigneron, s’était fait connaître chez Bernard Ravet, à Vufflens-le-Château. Depuis six ans, il officie aux portes de la Suisse, pour ne pas dire de Genève, à Chamonix, dans le Relais & Châteaux le Hameau Albert 1er, fief de la famille Carrier et du chef Pierre Maillet.
Un bar à vins lounge branché
Le chalet principal cache bien son jeu : outre un restaurant gastronomique, il abrite un futuriste bar à vins-lounge, le Quartzt Bar, où une dizaine de crus sont servis au verre, grâce au système de conservation des bouteilles sous ajout de gaz, Enomatic (également connu en Suisse, diffusé par Provins-Valais). Christian Martray invite régulièrement des vignerons pour des dégustations sur deux jours, le samedi et le dimanche midis, en trois temps. Premier temps, Christian Martray fait profiter les autres sommeliers de la station de la présence des producteurs, pour une présentation en petit comité. Ensuite, les amateurs de vin sont conviés à une dégustation commentée par les vigneron. Puis tout le monde passe à table pour partager un repas gastronomique, assorti de quelques flacons — souvent, des magnums —de millésimes plus anciens et introuvables.
Les Rhodaniens du Priorat
Ce «duopack» gagnant, dégustation-déjeuner, conviait, début juillet, un «trio infernal». Sous ce nom ne se cache pas une formule marketing, mais deux vins rouges produits dans le Priorat catalan par trois des meilleurs vignerons de la vallée du Rhône.
Si le bruit a couru que Peter Fischer, allait vendre son domaine de Révelette (25 hectares), dans les Coteaux d’Aix, il n’en est plus question. Avec Laurent Combier, qui signe régulièrement un des meilleurs Crozes-Hermitage, le Clos des Grives, en blanc, mais surtout en rouge, une pure syrah cultivée en bio, et Jean-Michel Gérin, un des porte-drapeaux de la Côte Rôtie (Champin le Seigneur, Les Grandes Places, La Landonne), les trois Français ont jeté leur dévolu sur le Priorat.
Un choix pour se démarquer
«On aurait pu choisir le Languedoc-Roussillon, comme d’autres vignerons alsaciens ou bourguignons. Ou le Piémont. On a préféré être les premiers dans cette région catalane en pleine renaissance. Nous avons, du reste, bénéficié dès le départ, en 2002, du coup de pouce de René Barbier, une des figures du renouveau du Priorat, avec son Clos Mogador. Vinifier dans un autre contexte, d’autres cépages, c’est passionnant !», racontent en chœur les trois vignerons. En prime, les aléas du climat : au pied de leurs coteaux abrupts, plantés comme en Côte-Rôtie, les Français ont aménagé un lac, pour retenir l’eau si rare. «En 2006, la région a connu une sècheresse de sept mois. On a choisi de vendanger parmi les premiers. En 2007, tout était facile et ce sera une belle année! L’avantage du Priorat est de fournir des raisins bien mûrs, aux arômes concentrés, mais d’une belle acidité, indispensable à l’équilibre du vin, quand il titre naturellement 15 degrés d’alcool.»
Un, deux… en attendant le trois
Pour l’instant, le domaine d’une dizaine d’hectares, sur trois parcelles, ne produit que trois vins. D’abord, un nouveau venu en 2007, le Riu (qui joue sur les mots ruisseau et sourire en catalan), tiré des jeunes vignes replantées en grenache et en syrah. Ensuite, le premier Trio Infernal, le «un sur trois» (1/3 sur l’étiquette), un vin puissant en 2006, assemblage de grenache et de syrah âgées de 15 à 35 ans, concentré, à la touche minérale, signature du terroir, et un 2/3, tiré d’une parcelle de vieux carignan plus que centenaire (planté en 1906 !). Trois hectares ont produit quelque 4000 bouteilles, soit moins d’un décilitre au mètre carré… Un vin hors norme, étonnant par ses arômes. En attendant le 3/3. «On le sortira de notre cave quand on aura tout compris. Notre objectif, c’est de faire le plus grand vin du monde, cette année ou dans dix ou vingt ans. On ne le sait pas encore, on se laisse cette ouverture», raconte, les yeux brillants, Peter Fischer.

Eclairage

La formule plaît en Suisse romande

Depuis avril 2008, Christian Martray a organisé à l’Albert 1er seize dégustations-déjeuners. La prochaine aura lieu les 22 et 23 août, avec Pierre Trimbach, un des meilleurs vignerons alsaciens. Bruno Prats, le Bordelais, ex-Cos-d’Estournel, installé près de Morges, mais partenaire dans trois domaines (Douro, Chili et Afrique du Sud), et René Barbier, le refondateur du Priorat, devraient monter à Chamonix dans les mois qui viennent.
En Suisse romande, Jérôme Aké Béda, le sommelier de l’Auberge de l’Onde, à Saint-Saphorin, a inscrit le Toscan Bibi Graetz à sa «soirée vigneronne» du 5 novembre et un autre «trio infernal», début décembre, les biodynamistes valaisans Stéphane Reynard et Dany Varone, du Domaine Cornulus à Savièse, et l’ex-sommelier Hervé Bizeul, du Clos des Fées, un des plus réputés du Languedoc. Le réaménagement du Beau-Rivage Palace, à Lausanne-Ouchy, avec la création du restaurant d’Anne-Sophie Pic et la rénovation de la Rotonde, a mis en veilleuse les soirées «Wine & Dine» du chef sommelier Tony Decarpentrie. Mais ce n’est que partie remise pour l’an prochain.

Paru dans Hôtel Revue du 30 juillet 2009.