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Posted on 11 janvier 2005 in Tendance

Vins suisses — Les nouvelles tendances des vins suisses

Vins suisses — Les nouvelles tendances des vins suisses

Vins suisses
Nouvelles tendances

Quels vins suisses conserver en cave? Qui boira quoi demain? Deux questions que ceux qui servent du vin se posent. Et deux moyens tout neufs de connaître des réponses. Par Pierre Thomas
L'interprofession du vin suisse met en place un «observatoire du marché» qui se résumera, dès le mois de juin, à un informaticien, du côté de Sion… On aura peut-être — et enfin! — des données chiffrées fiables sur la consommation du vin en Suisse. Mais d'autres ont déjà développé des moyens originaux pour mesurer la durée de vie des vins suisses et les tendances des nouveaux consommateurs. Jusqu'ici, comme le martèle un chansonnier français, les vins suisses donnaient parfois l'impression de n'avoir «pas de passé, pas d'avenir»…
Un club très fermé

De Zurich, le journaliste Stefan Keller constate que ces vingt dernières années, «la scène viticole suisse s'est beaucoup modifiée». Les vins courants de cépages (pinot noir, gamay, chasselas, riesling X sylvaner) ont cédé du terrain au profit de vins plus élaborés «s'appuyant sur des exemples étrangers». Sous le titre de «Mémoire des vins suisses» (MVS), il a l'ambition «d'établir des archives œnologiques des vins les meilleurs et les plus intéressants de la production suisse».
Avec deux confrères, Andreas Keller et Martin Kilchmann, il a donc déjà sélectionné une vingtaine de vins dignes d'être suivis sur dix ans. Régulièrement, ces vins seront dégustés et commentés par le «Club des 3 K», comme il s'intitule lui-même. La participation à ce «trésor unique de vins suisses» n'est ni libre, ni gratuite. Ce sont les journalistes qui ont fait leur sélection (lire l'encadré) et les producteurs doivent s'acquitter d'une cotisation, couvrant les 30'000 francs annuels du budget de l'opération, et mettre à disposition soixante bouteilles du vin sélectionné, pour chaque millésime. Ce «trésor» est limité à une trentaine de vins, qui sont stockés en ville de Zurich. MDVS a été lancée à la veille de Noël passé. Et les dégustations de départ, dont les résultats seront publiés sur le site Internet*, débutent ces jours. Ainsi pourra-t-on connaître l'évolution de ces vins, régulièrement redégustés, alors que trop souvent, il faut se contenter d'en apprécier le dernier millésime…
Par et pour les jeunes

Mais qui, à part le vigneron, fixe la «recette» du vin de demain? La question a intrigué de jeunes producteurs de la Jeunesse vitivinicole de La Côte (vaudoise). Pour la troisième fois, cette année**, ils organisent une dégustation de vins produits par des jeunes pour des jeunes.
L'idée est originale: l'accès aux deux dégustations, une des vins blancs et rosés en juin, une autre des rouges et des spécialités en septembre, est limité aux 18 à 35 ans. Seuls des producteurs du même âge peuvent soumettre leurs vins. L'an passé, près de trois cents dégustateurs et trices (quasi à égalité) de toute la Suisse romande se sont inscrits. Mais seuls cents, tirés au sort, ont participé. Ils ont dégusté, en jury, près de 180 vins soumis par 60 producteurs, exclusivement vaudois. «Background» intéressant: les résultats de la dégustation permettent de distinguer quels ont été les vins les plus appréciés. Les organisateurs envisagent d'étendre la démarche aux autres régions, d'abord de Genève au Valais, puis à l'ensemble de la Suisse. Mais on imagine les problèmes d'organisation que cela soulève…
Les vins les plus appréciés

Les jeunes professionnels affichent, par ce biais, l'ambition de «cerner le goût du consommateur». Verdict, résumé par Stéphane Schmidt, 27 ans, de Lavigny: «Les dégustateurs n'aiment pas, dans le chasselas, les vins faciles et un peu sucrés, mais privilégient les expressions du terroir. En revanche, les vins blancs doux et aromatiques, annoncés comme tels, font un tabac. En rouge, la touche de vanillé de la barrique est considérée comme un plus et les jurés ont préféré les assemblages aux vins de cépages.»
La boucle paraît bouclée: si le projet «Mémoire des vins suisses» veut montrer que les nectars du pays évoluent dans le temps, le trophée Vinavenir démontre, lui, que le style des vins ne peut pas rester figé. Encore faut-il que les deux parallèles se rejoignent…*www.mdvs.ch
**www.vinavenir.chEclairageLa mémoire encore courte des vins suisses
Sur la vingtaine de vins déjà retenus par «Mémoire des vins suisses», on constate la sur-représentation du pinot noir alémanique (six, dont deux des Grisons), au détriment du pinot noir vaudois (un seul exemple) ou valaisan (inexistant…). La démarche, retenant quatre merlots tessinois, devrait être appliquée pour tous les cépages: il y a bien deux syrahs valaisannes, mais un seul cornalin. Quant au chasselas, il est d'entrée de cause largué, avec un seul dézaley. Et pourquoi pas deux fendants? Ou deux chasselas élevés en fûts de chêne ou sans fermentation malolactique? Avec deux assemblages rouges, un genevois et un vaudois, palette réduite, et géographiquement aussi, avec un unique chardonnay neuchâtelois… On imagine volontiers que pour le trio de dégustateurs zurichois (et zurichois seulement!) l'exercice risquerait de devenir rapidement non maîtrisable. Il n'empêche, l'absence de gamaret, que les producteurs genevois et vaudois désignent comme leur cépage rouge d'avenir, paraît une faute de goût. La liste de MDVS mérite d'être complétée, c'est sûr, pour sortir de l'anecdote ou de l'exercice de style.Article paru dans Hôtel+Tourismus Revue, Berne, en mai 2003