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Posted on 20 septembre 2009 in Tendance

«La fête du goût, c’est toute l’année»

«La fête du goût, c’est toute l’année»

La Gruyère a suivi Pierre Thomas au Salon des Goûts & Terroirs 2009

«La fête du goût, c’est toute l’année!»

La journaliste Sophie Roulin a emmené Pierre Thomas à Bulle, au Salon des Goûts & Terroirs (du 9 au 14 septembre). Son reportage, paru dans le journal La Gruyère, le 12.09.09.
«Dans ce type de manifestation, on a l’impression de se retrouver dans un supermarché du terroir. C’est un peu antinomique…» Journaliste libre, Pierre Thomas s’est spécialisé dans la gastronomie et plus particulièrement dans le vin. Et il n’a pas la langue dans sa poche. Nous l’avons suivi dans une balade gourmande.
Volontairement, la tournée démarre en évitant le secteur viticole, «sinon on ne s’en sortira pas». Le regard interrogateur, Pierre Thomas avance de quelques mètres, évite la foule agglutinée devant un stand d’épices et s’arrête, intrigué par une étiquette: miel à la myrtille. «Est-ce qu’il faut vraiment mélanger ces deux produits?» lance-t-il, dubitatif, à la responsable du stand de Myrline Sàrl. La réponse le surprend par sa franchise: «C’est pour les gens qui n’aiment pas le miel.»
Produits déguisés
Les produits sont naturels. Les myrtilles, sauvages, sont cueillies en Suisse. «Original», commente le journaliste en jetant la petite cuiller de plastique avec laquelle il vient de goûter le miel violacé. «Mais on déguise un peu le produit.» Et de soulever une question qui lui semble essentiel: «Où s’arrêter pour ne pas trahir le produit original?» Ce qui ne l’empêche pas d’imaginer déguster ce miel avec du fromage de chèvre.
«De la confiture au chocolat? Quand je vous disais qu’on se permet tout… Allons tester.» En puriste, il choisit celle au chocolat noir grand cru. «Le goût y est», apprécie-t-il. A l’arrière du stand, l’enseigne «Les Délices du Berry» indique que cette spécialité, déclinée en de multiples arômes et couleurs pour celle au chocolat blanc, vient de France voisine.
Rencontrer les artisans
«Vous êtes importateur?» «Oui, mais ces confitures sont produites par ma belle-mère qui vit en France, répond l’exposant bullois. C’est elle qui a mis au point la recette, qui mélange chocolat, crème et sucre.» Le journaliste est rassuré. Le salon ne trompe pas son monde en affirmant accueillir uniquement des artisans.
Sans s’arrêter, Pierre Thomas salue le développement de maisons comme Gugger-Guillod, «très dynamique». Ou le Moulin de Sévery, «qui collabore avec des scientifiques pour mettre en évidence les valeurs nutritives de l’huile de colza. Avec les années, je deviens de plus en plus sensible à cet aspect de l’art culinaire.»
Souvenirs d’enfance
Il ne résiste pas pourtant quand on lui tend un plateau de pain d’anis, au stand des sœurs du couvent du Carmel, au Pâquier. «Tout ce qui a un lien avec la bénichon me fait craquer et me rappelle mon enfance», avoue le journaliste, qui a grandi à Bulle et qui a fait ses premiers pas dans le métier à La Gruyère.
Des miels, des bricelets, des sirops, avant un détour par le stand de la fromagerie de Marsens. «Crèmeux, moelleux, le vacherin est entre le pâte dure et le pâte molle. Pourtant, il n’a rien d’un compromis. C’est splendide!»
En ressortant de l’espace patinoire, Pierre Thomas se laisse happer par le stand tessinois. «Leur Merlot Riserva Tenimento dell’Ör vient d’entrer dans la Mémoire des vins suisses. Un projet qui réunit 40 vins et qui a comme objectif d’étudier leurs vieillissements et leur potentiel.»
L’équilibre, essentiel
Le nez plongé dans le verre, le critique en hume les parfums, avant d’en goûter les saveurs. «Il a une belle élégance, des tanins fins et de l’acidité. Il est très jeune, mais on sent l’équilibre. C’est essentiel. Si un vin jeune n’est pas équilibré, il est difficile d’imaginer qu’il le devienne en vieillissant.»
Difficile pour Pierre Thomas de passer inaperçu dans le secteur viticole. Entre les nombreuses poignées de main, il prend le temps de nous faire découvrir quelques vins originaux: le meilleur rouge vaudois de l’année, Symphonie n°4, de la cave Albiez-Meylan, un monocépage de dornfelder, du domaine Chantegrive, ou un chasselas vieilles vignes, du château Le Rosey.
Pour le clin d’œil, il tente le Sire Thomas, un assemblage de trois vins rouges de Jean-Jacques Steiner, à Dully. «Un joli vin, avec pas mal d’épices mais aussi de la fraîcheur et des fruits. Il est équilibré. Pas besoin de le laisser vieillir.» Lui qui est puriste pour la nourriture ne l’est pas pour le vin et ses assemblages.
Pays viticole du nouveau monde
«La Suisse viticole est un pays du nouveau monde. Tout y a changé en vingt ans. Et, comme j’écris sur le domaine depuis dix-huit ans, je me considère comme un témoin privilégié de cette évolution.» L’arrivée de nouveaux cépages (gamaret, diolinoir, garanoir, etc.), la maturation en barrique, les efforts dans la vinification… Pierre Thomas les a suivis de près.
«Les prochains efforts doivent être faits sur la vigne et la manière de produire, estime le spécialiste. D’autres changements viendront encore avec le réchauffement climatique, qui a déjà commencé à jouer un rôle.» La tête commence à tourner. On va laisser Pierre Thomas continuer seul sa balade. Non sans prendre note d’un dernier conseil: «La fête du goût doit avoir lieu tous les jours, pas une fois dans l’année.»
 

Eclairage
Les AOC-IGP? Pas une garantie de qualité absolue!

Parmi les piques qu’il se plaît à lancer, Pierre Thomas ne résiste pas à égratigner l’AOC. «Pour les produits alimentaires, on parle avant tout d’une garantie de provenance et de méthodes de travail. Pour savoir si le produit est bon, il n’y a qu’un moyen: le goûter.»
Sur le stand des abricots de Saxon, hôtes d’honneur de cette 10e édition du Salon des goûts et terroirs, le critique cherche la meilleure eau-de-vie d’abricot du Valais. «Voyez, elle ne porte pas l’étiquette AOC. Parce que pour y avoir droit, il faut que les fruits soient produits en Valais, mais aussi qu’ils y soient distillés.»
Pour des questions de diversité et de concurrence, certains producteurs préfèrent délocaliser cette opération vers un autre canton. Résultat: ils n’ont pas droit au fameux label. «On voit qu’il y a des limites dans ces appellations. Même si elles ont du bon, on en arrive à des situations absurdes parfois.»