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Posted on 30 octobre 2009 in Vins suisses

Valais — Provins, première vendange centralisée

Valais — Provins, première vendange centralisée

Provins-Valais

Première vendange centralisée à Sion

La centralisation à Sion de la vinification de Provins-Valais, la plus grande cave de Suisse, a été une réussite. Grâce à une matière première de grande qualité et aux vendanges par un temps superbe, dès la mi-septembre. Le dossier de Pierre Thomas: visite de la cave, inaugurée le 12 novembre 2009, commentaire des vins proposés à la «vente à quai» les 27 et 28 novembre et coup de projecteur sur le distributeur Enomatic.
Début octobre, la coopérative et ses 3’300 fournisseurs travaillant 1150 hectares, avait passé le cap de la moitié des 11 millions de kilos de raisin à vinifier. L’humagne rouge — les dernières grappes à l’exception de celles destinées aux vins liquoreux — aura été cueillie autour du 20 octobre. «La bonne surprise, ce fut la qualité du millésime et la météo parfaite», se réjouit le directeur technique, Gérald Carrupt. «Avec du raisin parfaitement sain et un temps splendide, les vignerons n’étaient pas stressés. Ils ont donc bien pu se faire au nouveau processus.»

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Gérald Carrupt et Madeleine Gay et les nouvelles cuves inox.

Une réception de vendange automatisée
Concrètement, Provins a ouvert trois sites de ramassage du raisin pour les vignerons, à Noës, près de Sierre, à Conthey et à Leytron. Les raisins étaient ensuite transférés par camion dans des «palox» d’une contenance de 320 kilos, jusqu’à Sion, unique centre de vinification. «Comme tout était mûr en même temps, les premiers jours, nous avons pu amener près de 500’000 kg de raisin par jour à Sion et vérifier si les nouvelles installations pouvaient absorber une telle quantité. Malgré une ou deux nuits blanches pour les derniers réglages, nous avons été rassurés : le tri du raisin par lots était efficace et les lignes automatisées conduisant aux pressoirs absorbaient ces gros volumes sans problème, à raison de 18 tonnes à l’heure. La nouvelle cuverie maîtrise les températures de vinification par thermorégulation. Le circuit de passage du raisin a permis de diminuer la pénibilité du travail en cave : tout va plus vite et dans une hygiène accrue. Nos cinq équipes de travail représentaient un tiers de l’effectif dont nous avions besoin auparavant pour vinifier sur quatre lieux», explique Gérald Carrupt. Et dans un communiqué, l’entreprise a pu annoncer «des cuvées beaucoup plus homogènes et pointues pour le plus grand plaisir des amateurs de vins».
Une nouvelle cathédrale en inox
Cet été, une visite de la plus grosse cave de Suisse, avec 14 millions de litres de capacité, avait montré la qualité de l’outil à disposition. Sur deux étages, la nouvelle cuverie inox a été acheminée par quarante camions depuis Bordeaux. Une soixantaine de nouvelles cuves sont raccordées, grâce à 2 km de conduites mises bout à bout, et à 5 km de tuyau d’énergie chaud-froid.
Ce jour-là, le fabricant des cuves, Gilbert David, était sur place et parlait «de tradition dans la modernité». Et Gérald Carrupt disait vouloir «rendre flexible le travail et non standardiser le produit», tandis que Madeleine Gay, œnologue-vedette de la coopérative, se réjouissait, les yeux brillants : «J’aime le changement !» A 56 ans, elle collabore de plus en plus avec l’œnologue Damien Caruzzo, 30 ans: «J’ai bossé seule pendant des années, maintenant, je trouve presque plus intéressant de travailler en groupe.» Et elle se félicite de la «différence générationnelle» avec son cadet.
Une cave pour les cuvées haut de gamme
Dans une halle à côté de cette cuverie pour les grands volumes, la cave pour les spécialités et les domaines. Le local est équipé de quatre cuves de vinification tronconiques en chêne et de cuves inox italiennes Ganimede, qui favorisent l’extraction, et d’une batterie de contenants de plus petits formats (3000 à 5000 litres). Plus loin, des foudres de 12’000 litres ont été rapatriés de Sierre, à l’entrée du chais où sommeillent 1’500 barriques, dans une atmosphère au taux de 80% d’humidité. Chaque fût est enregistré sur ordinateur et permet une traçabilité de la vigne à la barrique. «Mon boulot n’est pas d’être dans la cave, mais en amont, pour contrôler le processus qui va de la vigne à la bouteille», explique Madeleine Gay.
Cette nouvelle cave aura coûté la bagatelle de 24 millions de francs, soit «2,20 francs par litre encavé cette année», rappelle Gérald Carrupt. Et l’inauguration aura lieu le 13 novembre, une fois que toute la vendange aura été rentrée. Sauf quelques grappes pour les fameux «grains nobles», pour lesquels Damien Caruzzo a aussi pris la relève de Madeleine Gay. Le jeune œnologue s’occupe aussi dès le millésime 2008 de la gamme Riondaz, qui a changé d’habillage, «des vins pointus, ciselés, pour les blancs, sans fermentation malo-lactique et vifs».
                                   

Dégustation
Les cuvées haut de gamme

Depuis dix ans, la «vente au quai» attire la foule chez Provins : près de 6’000 personnes se sont pressées en 2008. Cette année, elle aura lieu le vendredi soir 27 et le samedi 28 novembre. A cette occasion, la coopérative présente ses cuvées haut de gamme du dernier millésime mis sur le marché. Pierre Thomas les a goûtées avec Madeleine Gay (ses commentaires sont entre guillemets).

Petite Arvine Maître de Chais 2008

Nez minéral, de pierre à fusil ; arômes de rhubarbe, de citron vert ; beau volume et pointe saline en finale. «L’objectif, c’est d’avoir un vin sec, avec zéro gramme de sucre.»

Humagne blanche 2008, Chandra Kurt

Nez ouvert, épanoui, de fleurs blanches (accacia) ; un vin agréable, rond, avec de la sève. «Voilà un vin blanc à l’ancienne, élevé sur lies et donc pas au fruité explosif. Je tiens à garder ce style, même s’il n’est plus à la mode», dit Madeleine Gay. Et il a plu à la journaliste zurichoise, qui a sa ligne, vendue chez Spar.

Roussanne Mémoire du Temps 2007

Nez de mangue ; belle fraîcheur, du gras, de la longueur ; finale sur l’ananas frais et la mangue. «Pour la première fois, nous avons mis en bouteille la Roussanne toute seule, issue d’une vigne de 15 ans, d’un seul hectare à Fully. Elle a été vinifiée en cuve.»

Cornalin Maître de Chais 2007

Beau nez de cerises rouges, puis noires ; de la fraîcheur en bouche, grâce à une acidité bien présente ; jolie finale dynamique, avec du fruit croquant. «Si on élève un vin rouge comme celui-ci sur l’oxydation, on perd le fruit. Au contraire, la réduction favorise l’expression des arômes.»

Rouge d’Enfer Réserve 2004

Nez de café, de moka, de fumée ; attaque sur des arômes vanillés ; belle densité en bouche et masse tannique imposante. C’est une nouvelle «tête de cuvée» élevée durant deux ans en barriques de chêne, puis maintenue en cuve et gardée un an en bouteilles, pour être prêt en 2009. «Quel stress pour ce vin, qui n’a jamais été filtré ! Il n’était pas aussi dense que le 2005 (qui sortira en 2010).»

Pinot Noir Tournelette 2007

Nez sur le bois, la torréfaction ; «pinote» agréablement à la bourguignonne ; puissant, concentré, long en bouche. «J’ai pleuré pour qu’ils ne défoncent pas ces vieilles vignes de plus de 50 ans, sur un replat de 2,5 hectares. C’est l’endroit où on trouve tous les paramètres nécessaires à faire un pinot noir.»

Corbassière 2006

Un nez floral, de violette ; mûr, arômes de réglisse ; du gras en bouche et une touche vanillée ; un vin riche, avec une finale sur le graphite, de style Nouveau Monde. «Cet assemblage de cabernet sauvignon, de syrah, d’ancelotta, de cornalin et d’humagne rouges est produit sur le seul domaine propriété de la coopérative.»

Domaine Evêché 2007

Nez entêtant, puissant, d’encens ; du gras, de la puissance, avec des arômes de réglisse, voire même floraux, de lys, en finale ; un vin exotique ! «Depuis 2003, ce diolinoir est élevé en fût de mélèze et partiellement en barriques de chêne.»

Défi blanc Les Titans 2008

Nez explosif d’abricot ; gras à l’attaque, mais tendu, grâce à une belle acidité. «Cet assemblage de 60% de muscat et de 40% de pinot gris (malvoisie) est élevé en barriques à 1500 m. d’altitude, dans une galerie fraîche (température de 7°) et humide (taux de 100%), sur les conseils de notre consultant bordelais, Nicolas Vivas.»

La révolution par l’Enomatic

La coopérative n’a pas seulement refait les coulisses (la cave), mais s’est dotée, à Sion, juste derrière la gare, d’une nouvelle vitrine : un vaste magasin, ouvert depuis avril, sur 450 mètres carrés, présentant 240 vins, dont 80 vins étrangers fournis par le commerçant zurichois Riegger. Et où le fendant en litre côtoie les meilleures cuvées de champagnes Deutz…
Cette surface de vente offre aussi un bar lounge, nommé Espace Club, une terrasse entre quatre murs, une salle de dégustation pour 80 personnes et une cuisine, où des cours sont régulièrement donnés. A Sierre et à Leytron, deux magasins, logés dans les bâtiments appartenant à Provins, reprennent cette présentation.

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Fidéliser le client
L’espace sédunois met en évidence le système de conservation des vins sous azote, Enomatic, développé en Italie, et dont Provins est l’agent exclusif en Suisse et, depuis ce printemps, pour l’Autriche et le Liechtenstein. Désormais, une personne est dévolue à plein temps à ce secteur, Michel Grand.
La coopérative n’a pas simplement décidé de se diversifier : la diffusion de l’appareil, qui peut être soit acheté, soit loué, permet de fidéliser la clientèle. Car, dans le modèle de location, le client s’engage à s’approvisionner en grande partie chez Provins (pour la moitié de l’offre en bouteilles).
Au magasin de Sion, 32 vins valaisans et 8 vins étrangers sont proposés en permanence à la dégustation. Grâce à l’azote, qui se substitue à l’air dans la bouteille, la conservation est garantie jusqu’à 21 jours. L’appareil maintient une température idéale et permet aussi de contrôler le niveau de service. Un système de clé facilite l’accès au consommateur, qui peut, en libre service, venir se servir lui-même à la machine.
Du bar au palace
En Suisse, 120 clients ont fait le choix de ce distributeur original. «Cinq se sont montrés insatisfaits», confie David Genolet, directeur du marketing. «On croyait que seuls les bars et les brasseries s’y intéresseraient, mais la clientèle évolue vers des vins de qualité et toujours plus chers. Je connais à Sion une brasserie qui a multiplié par deux la vente des crus au verre et le nouvel hôtel cinq étoiles, Le Crans Hôtel et Spa, en a pris plusieurs pour sa vinothèque, comme La Réserve ou le Mandarin – Hôtel du Rhône à Genève.»
www.enomatic.ch

 

Dossier paru dans le Journal vinicole suisse, fin octobre 2009.