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Posted on 1 mai 2010 in Vins suisses

Neuchâtel — Un Pinot Noir très ambitieux

Neuchâtel — Un Pinot Noir très ambitieux

Louis-Philippe Burgat,
Caves de Chambleau, Colombier (NE)

Le pinot noir dans le sang

Ils sont toujours plus nombreux, les Neuchâtelois, à tirer leur pinot noir vers le haut. Louis-Philippe Burgat en bride un sous le nom de Pur Sang.
Par Pierre Thomas
«Dans cette bouteille, il y a toute ma vivacité, tout mon sang. Mieux que ça, je ne peux pas faire… On est entre mon vin de garage et ma danseuse. J’ai construit ma cave autour de cette recherche du Graal.» Louis-Philippe Burgat, grand gaillard de 44 ans, a l’œil qui s’anime et la langue qui galope pour caractériser son pinot noir Pur Sang. A 400 francs la caisse de six, mazette, il a intérêt à être bon ! Rassurez-vous, il l’est…
Du raisin pour une coopérative
Depuis juste 60 ans, en ce mois d’avril 2010, le domaine de Chambleau est dans la famille Burgat. On se dit qu’avec le réchauffement climatique, ces coteaux neuchâtelois, avec le lac au loin, sont mieux placés que ceux d’outre-Jura, en Bourgogne. On est là sur un plateau morainique à 500 m. d’altitude. Qu’y naisse un grand pinot noir ne va pas de soi…
D’abord, les Burgat ont été des «comitards» : Paul-Henri fonda la Cave du Prieuré, à Cormondrèche, qu’il anima durant un quart de siècle. Dans la foulée, son fils, Henri-Louis, fut patron de cette coopérative, des vignerons neuchâtelois et de Chambleau durant le quart de siècle suivant. Puis le «petit dernier», Louis-Philippe s’en revint d’un stage chez un encaveur zurichois, son chemin de Damas : «On doit faire notre vin dans notre propre cave !».

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Les bonnes années seulement
Plus facile à dire qu’à réaliser, quand la famille amenait un gros tiers du raisin de la Cave du Prieuré. «On a dû divorcer à l’amiable», commente celui par qui l’indépendance est arrivée. Le voilà au domaine depuis dix ans et il encavera sa cinquième vendange dans sa cave cet automne. Rien de bien luxueux : des cuves en inox, certes équipées pour le microbullage, une technique d’aération contrôlée du vin en vogue aujourd’hui, et, en sous-sol, un chais peint en noir mat, à l’éclairage tamisé, pour le contraste avec le chêne blond des barriques.
C’est l’écurie et l’écrin de ce rare Pur Sang, produit en 2005 et en 2007, et pas en 2006. 2008 est encore en «stand by» dans ses quatre barriques, et 2009 commence à se faire dans neuf fûts… neufs. «Grâce au chêne, on double la vie d’un pinot noir. Mais il faut des fûts de plusieurs provenances, y compris taillés dans du bois d’ici, de Pierre-à-Bot, de Cortaillod ou de Bevaix. C’est l’assemblage des fûts qui est intéressant : les défauts s’annulent et les qualités se cumulent», assure l’encaveur, dont le Pur Sang est élevé entre 18 et 24 mois dans des «pièces» de 228 litres, transvasées le moins possible, pour garder leurs lies, régulièrement bâtonnées. Avec une touche vaudoise, puisque la jeune caviste de Chambleau, Estelle Vagnières, vient de Chavornay, et que Nicolas Ryser, œnologue-conseil d’Onnens, suit ces cuvées pas à pas.
Une production de 300g au mètre carré
On aurait tort de croire qu’un grand vin ne se fait qu’en cave. A Chambleau, un clos de 5,5 ha d’un seul tenant est planté quasi-exclusivement de pinot noir. Pourtant, dans ce canton de Neuchâtel où les grands crus sont inconnus, le Pur Sang vient de parcelles disséminées sur les 14 hectares du domaine, du plateau au lac. Le choix du meilleur se fait à la vigne, avec une taille très courte, puis des vendanges vertes en juillet et une limitation à 300 g. au m2. «Le petit rendement, c’est la clé, pour obtenir un vin de garde, à la fois aromatique, sans cheveux gris prématurés, et avec un potentiel tannique suffisant pour tenir dans le temps. Le pinot noir n’admet pas la médiocrité.» Cerise sur le gâteau, le succès du rosé, l’œil-de-perdrix, permet la «saignée» sur les cuves de rouge : en retirant du jus clair de la cuve, on concentre le rouge restant. A Neuchâtel, terroir et savoir-faire jouent simultnanément en faveur du pinot noir: depuis 2008, le cépage d’origine bourguignonne est devenu majoritaire, occupant 300 hectares des quelque 600 ha du vignoble.

Les 3 coups de cœur de Pierre Thomas

L’inattendu 2009

Müller-Thürgau, 14,20 fr.
Nez ouvert, aromatique, muscaté et épicé ; attaque sur le gras ; longue finale sur la mangue, les fruits exotiques ; bonne fraîcheur (sans malo) et rondeur plaisante (léger sucre résiduel) d’un vin blanc qui porte bien son nom.

Œil-de-Perdrix 2009
17 fr.

Reflets violacés brillants ; nez de bonbon anglais — arômes fermentaires voulus pour garder la fraîcheur; du gras à l’attaque ; puissant, avec des nuances de fraises écrasées et une finale légérement épicée. Un classique, même si chaque cave neuchâteloise garde ses petits secrets d’élaboration…

Pinot noir Pur Sang 2007
67 fr. (en caisse de six)

Nez vanillé et légérement toasté et de fruits compotés ; belle attaque sur la puissance, la structure, élégante ; arômes de cerise et de noyau de cerise ; une pointe d’acidité fondue lui donne de la fraîcheur ; un beau pinot noir, fort bien élevé ! En théorie, les 150 coffrets de 6 bouteilles pour 400 francs sont épuisés. Mais ce vin réapparaît ici ou là, au restaurant notamment… Il vient de rejoindre le projet Mémoire des vins suisses (www.mdvs.ch).

Portrait paru dans le quotidien 24 Heures du 29 avril 2010.