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Posted on 4 mai 2010 in Tendance

Le meilleur Chasselas est le Gutedel, vraiment?

Le meilleur Chasselas est le Gutedel, vraiment?

Chasselas – Gutedel
Les rois sont (toujours) du coin

Fin avril s’est jouée dans le Pays de Bade, non loin de Bâle, une coupe internationale consacrée au Gutedel. Autrement dit au Chasselas, mais les Allemands n’ont pas le droit d’utiliser ce mot français pour qualifier un cépage qui fut d’abord nommé «Lauzannois»… Dans la catégorie internationale, les Suisses n’ont pas fait mieux que 7ème, pour le meilleur, un Fendant Les Mazots de Maurice Gay SA à Chamoson, et 9ème pour le premier vaudois, le Roche-Ronde, un Lavaux de Saint-Saphorin de Testuz, tous du millésime 2009. Magnanimes, les organisateurs publient une liste «suisse» trompeuse.
Par Pierre Thomas
Le pays de Vaud se targue d’être la plus grande région de Chasselas de cuve au monde, avec 2400 hectares, le Pays de Bade (Markgräflerland) arrive au deuxième rang, avec 1050 ha, et le Valais au troisième, avec 1000 ha (750 ha arrachés en dix ans). A croire les résultats allemands, le domaine Lämmlin-Schindler, de Schliengen-Mauchen, est le roi incontesté du Chasselas, avec un Kabinett au 1er rang et son Sonnenstück au 6ème rang. La coopérative de Schliengen-Mühlheim est son dauphin, avec un Markgräfler Lindenhof, 2ème, et un Mülheimer Burg Neuenfels, 5ème.
Des styles franchement opposés
Près de la moitié des vins (56 sur 120) de cette catégorie internationale venaient de Suisse. Le dossier de presse explique qu’une majorité de jurés étaient des Allemands, avec une minorité de Suisses. Dans la catégorie internationale «sèche» (trocken), le style des vins a joué un grand rôle. D’un côté, le style allemand, qui suit ce qui se fait aujourd’hui dans l’œnologie moderne, pour tous les cépages blancs, soit des vins certes secs, mais sans fermentation malolactique, avec une acidité décapante, parfois compensée par un chouia de sucre, plus ou moins avoué. De l’autre, le style romand, avec malolactique, pour des vins tendres, un peu beurré ou crémeux, un style que certains œnologues étrangers repèrent immédiatement comme des défauts rédhibitoires, ajoutés au gaz carbonique qui fait le pétillant du Chasselas de Suisse romande. Autant dire deux styles qui s’opposent radicalement. Même si, en 2009, les chasselas suisses se révèlent différents d’une année moins généreuse en sucre, avec, parfois, des malolactiques faites partiellement seulement…
Une revanche au Château d’Aigle ?
Le verdict badois confirme que le Chasselas est presque impossible à juger en dehors de son biotope… Mais tout n’est pas perdu : les jurés du Concours Mondial de Bruxelles, heureusement souvent affranchis des «a priori» des techniciens, parce qu’ils sont plus proches des consommateurs que de la production, ont distingué par une médaille d’or un Fendant, et trois Chasselas vaudois, un Vieilles Vignes d’Yvorne et deux réserves, dont l’un fermenté et élevé 12 mois en barriques, récemment, à Palerme.
On prend le pari que si le concours allemand et mondial (quatrième du genre) s’était déroulé en Suisse romande, avec les mêmes vins, mais avec des jurés à majorité Romands, les résultats eussent été diamétralement opposés ! Il existe un projet de ramener à Aigle, dans le giron du nouveau Musée de la vigne et du vin, cette compétition, à tour de rôle, une fois dans le Chablais, une fois dans le pays de Bade. Si les jurys sont harmonisés, l’exercice peut être effectivement intéressant… Sinon, bonjour la cacophonie, en-deça ou au-delà du Rhin !
Et qu’on nous évite le blabla habituel sur le Chasselas venu de Palestine il y a 5’000 ans, en passant par Constantinople et Mâcon, genre de fariboles que le généticien José Vouillamoz a balayées l’été passé. La seule chose exacte, c’est que le Gutedel du Markgäflerland vient bel et bien de Vevey : le margrave Frédéric de Bade vint lui-même le chercher en 1780. A l’époque, il lui trouvait des vertus, (trop) généreusement magnifiées aujourd’hui.
©thomasvino.com