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Posted on 24 septembre 2010 in Vins suisses

Du vin et du rêve à la Maison du Moulin

Du vin et du rêve à la Maison du Moulin

Yannick Passas, La Maison du Moulin, Reverolle (VD)

Du vin et du rêve au Moulin

Coup d’essai, coup de maître pour le jeune œnologue d’une maison originale : il a décroché une des quatre médailles d’or vaudoises du Mondial du Pinot.
Par Pierre Thomas
Il nous avait interpellé au bar d’Arte Vitis, au Paléo nyonnais, un soir où une équipe (joyeuse) contribuait activement à faire remonter la courbe de consommation (déprimée) des vins vaudois : «Je viens de reprendre un domaine du côté de Morges; j’ai fait de jolis vins.» Et de penser «in petto» : «Cause toujours !» Puis, cet été, j’ai bu le gamay tout en fruit de Yannick Passat à la table de «Chez Cavu» (Gérard Cavuscens, ancien bras droit de Frédy Girardet), dans la banlieue industrielle de Bussigny. Et est arrivée cette médaille d’or au dernier Mondial du Pinot, à Sierre. Un exploit, puisque les pinots vaudois (125 au départ) n’ont obtenu que 4 récompenses suprêmes. Pas de doute, ce curieux Moulin valait une visite…
Coup de foudre et choc
Voilà une belle maison, avec une belle histoire. La maîtresse de maison est là, Catherine Baudet Horovitz. Avec son mari, Jacques Horovitz, professeur de management des services à l’IMD, la fameuse «business school» lausannoise, elle réside depuis quinze ans dans le canton de Vaud. Amoureux de belles demeures, le couple et ses trois enfants en ont occupé plusieurs, avant celle-ci, à Reverolle, où, accueillis à bras ouverts il y a quatre ans, ils ont obtenu la nationalité suisse. A côté de sa charge d’enseignant, M. Horovitz est consultant et, avec son épouse, a développé un réseau de séminaires d’entreprises, Châteauform’, dans des lieux «comme à la maison», aux quatre coins de l’Europe (Champéry, mais aussi en Espagne, France, Belgique, Italie et Allemagne). A chaque fois, Catherine Baudet Horovitz y met sa patte : elle a réaménagé une trentaine de bâtiments, soignant le décor, à la fois cosy et de bon goût.
A Reverolle, le coup de foudre pour une ferme entre la gare du BAM (Bière-Apples-Morges) et le village, au bord du Curbit, s’est accompagné d’une surprise : le propriétaire entendait se séparer du logis, des vastes granges, du magnifique jardin, mais aussi des quatre hectares de vignes. Mais, selon le droit foncier rural, pour acquérir des vignes, il fallait s’engager à les exploiter. «Ca nous trottait dans la tête, de faire notre vin, quand on était en France. Mais ici, ça été un choc !», rigole Mme Horovitz. Et la voilà sur les bancs de l’Ecole du vin de Changins, et obligée d’avoir recours à des pros pour cultiver les 4 hectares disséminés du lac aux coteaux de l’Aubonne.
Croché à son terroir
Il fallut d’autres circonstances — dont la rencontre avec le regretté jeune maître-caviste Stéphane Locher, décédé accidentellement, du Domaine de Marcy, à Saint-Prex — pour que Yannick Passas se retrouve, à la veille des vendanges 2009, à la tête de ce petit domaine et d’une cave fort modeste, mais habilement aménagée. Le voilà investi d’une mission que le maître de maison considère aussi comme étape du cursus professionnel, pour compléter le diplôme d’ingénieur obtenu à la Haute école spécialisée de Changins.
Lorrain (de Nancy), fils d’un informaticien, le jeune œnologue a des idées bien précises. Et le mérite de les mettre en pratique : «J’adore le chasselas. Et ça n’est pas au Chili qu’on apprend à le vinifier ! Pour le vin, si on veut crocher, on ne doit pas se sauver. Quand on «chope» un terroir, on reste dessus». Il a la tête pleine de projets sur ce domaine (60% de rouge, 40% de blanc) : planter du païen et du riesling (après le viognier, bientôt en production), mettre en évidence l’«amphithéâtre» de Lavigny et déposer un dossier de 1er Grand Cru pour Saint-Livres, d’où vient le pinot noir médaillé d’or. A 26 ans, il a l’avenir pour lui: ici, il y a tout à faire, avec un employé à plein temps et le fils de la Maison, David, 21 ans. Et ça commence plutôt bien !

Quoi?
Un domaine de 4 hectares (AOC La Côte), réparti en quatre parcelles, sur les communes de Saint-Livres, Lussy-sur-Morges, Lavigny et Buchillon.
Comment?
Quelque 20’000 flacons par an, auprès des privés et de la restauration. Vente sur place, du mercredi au vendredi en fin d’après-midi (17 – 19 h) et le samedi matin (10 h 30 – 13 h 30).
Combien?
Une dizaine de vins, de 11 fr. (chasselas) à 35 fr. (Pinot Noir 2009 Réserve en barriques).
Où ?
Maison du Moulin, Reverolle, www.lemoulinwinery.com. Vendanges, prévues dès le 10.10.2010, ouvertes aux amis (au sens large), sur inscription préalable au 079 579 80 00.

3 coups de cœur

Gamay 2009, de Buchillon, 12 fr.
Robe rubis brillante ; nez de fruits rouges, avec des notes d’épices ; texture fine, légérement granuleuse, croquante, fraîche, sur des arômes de framboises et de poivre ; note minérale d’amande amère. «Je n’ai pas voulu forcer l’extraction, pour privilégier le fruit», explique l’œnologue (2’000 bouteilles).

Pinot gris 2009, de Lavigny, 16 fr.
Robe aux reflets dorés ; nez ouvert de fleurs blanches ; attaque fraîche ; du gras ; des fruits exotiques, de la mangue, de la papaye ; légère amertume finale, sur une belle longueur en bouche. Commentaire de l’œnologue : «J’ai travaillé au pressurage, tout doux, pour ne pas perdre la fraîcheur du raisin» (1’000 bouteilles).

Pinot noir 2009, de Saint-Livres, 19 fr.
Belle couleur ; nez légèrement masqué (doit être ouvert une heure avant la dégustation) ; attaque franche, sur les fruits rouges, la cerise ; trame et texture fines, avec de la fraîcheur et une belle jeunesse ; un vin qui «pinote» agréablement. Médaille d’or au Mondial du Pinot Noir à Sierre, août 2010 (3’000 bouteilles).

Paru dans 24 Heures, le vendredi 24 septembre 2010.