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Posted on 7 octobre 2010 in Tendance

Boire le vin autrement

Boire le vin autrement

Entre Sion et Las Vegas

Faire boire le vin autrement

L’un, Valaisan, est le président des négociants suisses, l’autre, Genevois expat’, est un agent de propagande des vins suisses aux Etats-Unis. Regards croisés sur deux acteurs qui veulent voir et faire boire le vin autrement.
Par Pierre Thomas
Cet été, au Sihl Park de Zurich, lors d’un cocktail, les convives se sont confrontés à un «bar sensoriel». Pas d’étiquette conventionnelle sur les magnums de vin proposés. Juste un mot, une image et une matière à toucher. Et, avant de déguster le vin, il suffisait de choisir selon ces critères. Au diable l’origine du vin, le cépage ou le millésime…

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C’est une des manières voulues par Philippe Varone (ci-dessus avec les bouteilles aux étiquettes «tactiles»), encaveur sédunois, et par Anne-Christelle Luisier, de Senso Creative, pour faire apprécier le vin autrement. Une démarche que le désormais actionnaire unique (depuis juillet) des vins Varone et président de la Société des encaveurs de vins suisses (depuis 2009) veut étendre à toute la gamme des vins de sa maison familiale, fondée en 1900.

Une nouvelle cave démonstrative

Lié à la maison Charles Bonvin Fils à travers une société commune, les Celliers de Champsec, devenus de Sion, Philippe Varone, 45 ans, va devoir, désormais, s’entendre avec la famille Rouvinez, qui a racheté Bonvin, il y a un an. Vidé de ses cuves, le bâtiment des Celliers de Sion a été promis-vendu à Christian Constantin, architecte et promoteur, qui a jusqu’au printemps prochain pour proposer un projet immobilier. La vendange de cette année et de la suivante seront encavées par Orsat-Rouvinez. Mais Philippe Varone a bon espoir que pour les vendanges 2012, Bonvin et Varone, dont les gammes de vins subsistent, retrouveront une cave. Démonstrative, elle devrait être construite au bord de la route cantonale Sion – Uvrier, au pied de l’un des meilleurs coteaux viticoles valaisans. L’approche pédagogique de l’art de choisir et de boire du vin y sera magnifiée. Pour Philippe Varone, il faut dépasser les «codes de lectures hermétiques» des «spécialistes prescripteurs» de vins et «clarifier la lecture» en voyant d’emblée le vin au-delà de l’étiquette. Un travail de fond mené sur toute la gamme des «vins de caractère et de domaines», décrits dans un langage simple et facilement abordable.

Le vin trop sérieux pour les œnologues

Faut-il aller jusqu’à modeler les vins au goût du consommateur ? Le patron de Varone s’offusque : le producteur propose et le client dispose. Le Genevois Sébastien Gavillet (photo ci-dessous), installé aux Etats-Unis depuis quinze ans, lui, n’hésite pas à sauter le pas.

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Pour lui, l’assemblage de cépages ou de vins dans une bouteille est un exercice trop sérieux pour être laissé à l’œnologue. «C’est au sommelier, qui servira le vin et connaît sa finalité, d’accomplir cet exercice». Une approche iconoclaiste ici, mais sans doute plus pragmatique et américaine, pour un «go between» des vins suisses, âgé de 37 ans. Installé à Las Vegas, il est pourtant attaché aux valeurs européennes des vins, fruités, élégants et digestes. Il a commencé par vendre en Californie des coffrets du «Nez du vin», de Jean Lenoir, une des premières approches des arômes à la portée du consommateur, puis à organiser des cours et séminaires sur la connaissance des vins. «Cette éducation passe par un «profiling» des clients et des produits», assure Sébastien Gavillet, dont le blog sur Internet, www.winevibe.com, est traduit en neuf langues.

Un passeur à… l’aveugle

Il a aussi participé à «Swiss Wines in the City», opération montée par la «publiciste» zurichoise Chandra Kurt ce printemps, où les Valaisans de Provins et de Bon Père Germanier ont fait leur pub au cœur de New York. Ses services, le Suisse de Las Vegas les vend : un «package» forfaitaire pour rédiger un reportage sur ses clients, diffusé sur le Net, et organiser des dégustations. «Je fais déguster les vins, souvent mis en carafe pour que personne ne repère la forme du flacon, à l’aveugle. Les sommeliers aiment ou n’aiment pas. Que le vin soit suisse ou d’ailleurs ne pose pas de problème!» Le passeur, c’est lui, Sébastien Gavillet. La petite arvine du Valaisan Mike Favre, le chasselas d’Auvernier des frères De Montmollin ou le chasselas passerillé du Vaudois Patrick Fonjallaz connaissent ainsi un début d’aventure américaine.

Paru dans Hôtel Revue, le 7 octobre 2010.