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Posted on 26 février 2011 in Vins français

Arbois — Sur les traces du Vin Jaune et de Pasteur

Arbois — Sur les traces du Vin Jaune et de Pasteur

Le savant a vécu à Arbois, capitale du vin jaune. Mais le «père de l’œnologie moderne» n’a pas percé son mystère.

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Les vignerons l’appelaient le «médecin du vin». Ils lui apportaient leurs flacons, dans sa maison au bord de la Cuisance, pour qu’il leur donne des conseils de cave. Louis Pasteur, était fils de tanneur, établi à Arbois, peu de temps après sa naissance (à Dole, en 1822). Aujourd’hui, sa maison se visite : elle est restée tel quel, comme un témoignage de la vie quotidienne du 19ème siècle. Entre la chambre à coucher du grand homme (qui ne mesurait qu’1,61 mètre) et le laboratoire où sont conservées ses précieuses fioles, une carte de la Suisse en relief de plâtre. C’est qu’à la fin de sa vie (il meurt en 1895), Pasteur aimait à emmener ses visiteurs sur les hauteurs du Jura, de part et d’autre de la frontière.

Une Suisse toute proche

La Suisse est à deux pas. Et les Francs-Comtois soulignent qu’ils n’ont appartenu à la France que de force. Il a fallu plusieurs sièges — sanglants — des rois de France pour rattacher le duché de Bourgogne à la couronne. Arbois était une ville fortifiée (on voit encore la tour Gloriette) blottie au pied du château Pécaud, aujourd’hui musée viticole et siège de l’Institut franc-comtois des vins et du goût (www.ifcvg.com). Richelieu et Louis XIV n’y allèrent pas de main morte… La Suisse servit de refuge aux Arboisiens qui se rendaient en pèlerinage à Einsiedeln. Et les échanges existaient : des payans gruériens, les premiers, sont venus fabriquer le fromage «comté» dans le Jura.

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Le terroir requinqué

La bourgade, tapie au sortir de la «reculée des Planches», cul-de-sac creusé dans le calcaire du Revermont, conserve de belles maisons vigneronnes. Sur la rue, elles ont un «trappon», entrée de leur cave voûtée. La Cuisance donne à la bourgade un petit air de Bruges, renforcé par le fier clocher de l’église Saint-Just. L’été, on peut gravir les 209 marches jusqu’à son balcon sommital.
Les rues sont commerçantes, avec des magasins de produits régionaux, vins, fromages et charcuterie en tête. Au coin de la place de la Liberté, percée d’arcades au XIX siècle, le chocolatier Edouard Hirsinger, meilleur ouvrier de France en 1997, propose ses ganaches et ses glaces artisanales. Ses chocolats sont créés pour accompagner le vin jaune, au nez rappelant les vins liquoreux, mais sec en bouche, et riche en alcool (14 à 15%). Le vin et la gastronomie rythment la vie de la cité. Fondue au comté ou saucisse («jésu») de Morteau, mais aussi bonnes tables. Les produits du terroir ont redonné du lustre à la ville.

Plutôt Courbet ou Pasteur?

La culture n’est pas en reste. «Il est plus facile d’attirer du monde avec le peintre Gustave Courbet, dont l’œuvre gravé sera exposé cet été au Musée Sarret-de-Grozon, qu’avec Pasteur. Pourtant, la science, c’est passionnant !», s’emporte l’adjoint au maire Philippe Brugnaux. Grâce au scientifique Hervé Thys, Pasteur passe même pour le précurseur de la «gastronomie molléculaire». Et sa Maison (tél. 0033 03 84 66 11 72) organise des démonstrations de «sphérisation» et autre cuisson à l’azote liquide. Mais, aussi génial qu’il fut, le savant ne perça jamais le mystère du «voile» qui recouvre, durant six ans et trois mois au moins, les vins du cépage savagnin, élevés en fûts. Aujourd’hui encore, on ne sait s’il vaut mieux laisser la levure naturelle du vin jaune se développer aléatoirement en surface ou s’il faut ensemencer les fûts. La science —heureusement — n’explique pas tout.

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A voir : La cité idéale

Cette «cité idéale», à Arc-et-Senans, voulue par Claude-Nicolas Ledoux, en 1773, fut d’abord les salines royales. Puis, les bâtiments, majestueux, tombérent en ruines. Depuis 40 ans, cet ensemble unique revit comme «centre international de réflexion sur le futur», par des expositions sur le sel, sur la botanique (cet été) et même sur Solar Impulse, le projet d’avion solaire de Bertrand Piccard, appuyé par l’empire industriel de Solvay. Depuis trois ans, on peut loger dans les pavillons de la saline, classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Un havre de paix! www.salineroyale.com

Manger : Mets et Vins

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Il y a Jean-Paul Jeunet, fils d’André, un des papes de la gastronomie française. Ce double étoilé Michelin garde le cap d’une cuisine régionale de haut vol (www.jeanpauljeunet.com). Rue Courcelles, Thierry Moyne, (en photo) à l’enseigne de La Balance Mets et Vins (www.labalance.fr), revisite le terroir franc-comtois. On y a mangé des maquereaux au savagnin, une tempura de truite au vin jaune et nuoc-mâm (sauce vietnamienne au poisson fermenté) et une crème brûlée vin jaune – curry, encadrant un classique coq au vin jaune. Autre bonne adresse (hôtel, table et belle carte des vins), Les Caudalies (www.lescaudalies.fr), à l’avenue Pasteur.

Déguster : Du jaune, mais pas que…

Il y eut jusqu’à 20’000 hectares de vignes dans la région d’Arbois, avant les ravages du phylloxéra (1880). Il en subsiste le dixième. Le vin jaune, parent par son élaboration des jerez andalous et du tokay hongrois, est un des plus originaux parmi les vins blancs du monde. Les vignerons proposent aussi du chardonnay, du savagnin «ouillé» (sans «goût de jaune» donc) et deux rouges intéressants, le trousseau, à la fois vif et épicé, et le poulsard (ou ploussard), peu coloré («corail»). Vignerons à Arbois même : Jacques Tissot, Rolet Père & Fils, Domaine de la Pinte.

Dormir : Au château

A 10 km d’Arbois, près de Mouchard (gare TGV), Port-Lesney est une agréable étape, grâce à un Relais & Châteaux, le Château de Germigney (www.chateaudegermigney.com). Restauré il y a 15 ans par un architecte zurichois, décédé depuis, c’est un cocon luxueux. Restaurant gastronomique, magnifiques terrasse et parc. Au bord de la Loue, Le Pontarlier (www.bistrotdeportlesney.com), agréable table, avec un nouveau chef. Entre-deux, l’Edgar (www.ledgar.fr), ouvert par un patron haut en couleurs, dans l’ex-hôtel Bonjour, du village d’origine de l’homme d’Etat et académicien français Edgard Faure (1908-1988).

Comment y aller

Arbois est à 122 km de Lausanne, par l’A 9 via Orbe, puis douane de Vallorbe, Jougne. A Pontarlier, prendre la D 72 sur Levier et Salins-les-Bains ; à l’entrée, à Bracon, à gauche la D 94, un «raccourci» qui mène à Arbois par la D 107. Sinon rejoindre la N 83 à Mouchard (pour Port-Lesney et Arc-et-Senans).
Deux TGV de Lausanne à Mouchard le matin (7 h 22) en 1 h 18 seulement, et le soir (18 h 03). Retour de Mouchard à 10 h 18 et à 17 h 55. Attention, horaire différent le week-end.
Infos générales : www.arbois.com

Version en PDF, 24 Heures Samedi, 19 février 2011.