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Posted on 12 janvier 2005 in Adresses, Restos

Genève (GE) — Bistropôle/Hôtel Métropole

Genève (GE) — Bistropôle/Hôtel Métropole

Bistropôle, Hôtel Métropole, Genève
Un sandwich cinq étoiles

Sandwich, késaquo? L’Hôtel Métropole, à Genève, lui redonne ses lettres de noblesse, en le déclinant «high-tech» dans une «lounge» à l’entre-sol de son restaurant. N’allez pas dire que le sandwich est «le degré zéro» de la cuisine, sans quoi le chef Alain Bleton, qui apprête aussi les meilleurs poissons, vous toisera d’un œil de merlan frit : «C’est dans la tête, ça ! Moi je fais mes sandwichs avec le cœur». Avant de régaler les employés stressés de la City genevoise, ce pain fourré de viande froide, charcuterie et cie, emprunte son nom à l’Anglais John Montagu, quatrième comte de Sandwich vers 1760.
Au passage, cette rubrique n’a jamais mieux mérité son en-tête («le pain et le vin»). Primo, parce qu’Alain Bleton travaille avec un artisan-boulanger, pour que chaque sandwich ait son pain. Secundo, parce que, pour faire passer le tout, mais aussi pour attirer une clientèle d’«after», rien de tel que de proposer des vins au verre — à un tarif soutenu, pas moins de quarante-cinq crus. Et dès ce mois, chaque jeudi, un vigneron vantera ses nectars.
Un téléchoc
Le cinq étoiles genevois a repoussé les limites de l’en-cas. L’assiette de dégustation (25 francs pour une personne) ou tête-à-tête (49 francs pour deux) remporte le plus grand succès. Pas question de pain anémique et de jambon régime. Voilà, sur une originale vaisselle colorée, un gaspacho, puis un doigt de «grissini» entouré de saumon moelleux, à tremper dans une barigoule d’artichauts pimentée. Dommage que l’élément «sec» ait ramolli au contact du poisson… Car le pain permet de jouer sur les textures, comme cette brioche au sésame, tartinée d’une terrine de foie gras maison, genre Maïté, la vedette TV à l’opposé de Fashion TV, la chaîne qui tourne en boucle sur un écran plat.
Ensuite, on frise les tapas avec cette tartine de pommes-cannelle et crevettes géantes (assez insipides). Entre-deux, une bouchée de tomates cerises confites ou de salade d’alfa-alfa rapicolante. Et on enchaîne, toujours sur le même plat généreux, avec un pain polaire, un peu mollachu, garni de wasabi, le raifort japonais, et de lamelles de Saint-Jacques. Bien épicé, mais un brin douceâtre à notre goût, le tartare éclipse son pain.
Les desserts sont du même acabit. Pour 13 francs, un pain blanc en tarte d’abricots à la sauce au chocolat ou un pain au levain (genre toast) avec des tomates confites et glace à la vanille. Le chef, en ajoutant un filet d’huile d’olive et quelques épices provençales, n’a pas osé l’interpréter en pur dessert. Pour cet automne, Alain Bleton promet des déclinaisons avec gibier et champignons. De quoi varier l’ordinaire.

La bonne adresse
Le Bistropôle, Hôtel Métropole
34, quai Général-Guisan, Genève
Tél. 022 318 32 00
Ouvert de 11 h. à 22 h.
Fermé samedi soir et dimanche.

Le vin qui va avec…
Diable travesti
Un diable, c’est rouge. Celui du Domaine du Paradis, à Satigny (GE), est blanc. Et pour corser l’opération, tiré de raisins rouges. On reconnaît bien là le talent provocateur de l’œnologue Didier Cornut, qui a déjà obtenu du propriétaire (et pépiniériste viticole) Roger Burgdorfer des plants de primitivo, pour produire le seul zinfandel du nord des Alpes… Cette fois, c’est une recette tessinoise qui fleurit du côté de Genève : le merlot pressé en blanc. Quand on l’a goûté (à 10 francs le verre au Bistropôle), on l’a trouvé indéfinissable, de la couleur (type «vin gris») au goût, fruité discrètement, mais marqué par le vanillé de la barrique. La même ambiguïté frappe la Dôle blanche valaisanne et la Perdrix blanche neuchâteloise, termes contrôlés dans leur canton respectif. Au Tessin, le merlot vinifié en blanc permet d’écouler près du tiers de la récolte du raisin de lointaine origine bordelaise, dans un canton qui manque de blanc. Ce qui n’est pas encore le cas en Suisse romande, que l’on sache, même si Genève, après le Valais et Neuchâtel, a basculé vers le rouge dominant.

Chronique de Pierre Thomas, parue dans Le Matin-Dimanche du 12 septembre 2004