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Posted on 24 octobre 2011 in Actus - News

La disparition de Jean Crettenand

La disparition de Jean Crettenand

La disparition de Jean Crettenand

Ancien «œnologue fédéral», actif à Lausanne-Montagibert et à Changins, où il a formé des centaines d’œnologues et d’œnophiles passionnés, Jean Crettenand est décédé le 16 octobre 2011, à l’âge de 84 ans. Ses obsèques ont eu lieu dans l’intimité, selon son désir.
On le savait malade, et on ne le croisait plus à la boulangerie du boulevard de Grancy, où il avait eu, longtemps, ses habitudes… Forte personnalité du monde viti-vinicole helvétique, impressionnant, et aussi intransigeant, en dégustation, il ne manquait pourtant jamais de souligner que «la dégustation est une école de modestie».
Il s’efforçait aussi de défendre toutes les régions viticoles suisses, autant Lavaux — dont il avait regretté qu’aucun Dézaley n’eût jamais gagné la défunte Coupe Chasselas… —, que le Tessin, où il vantait les qualités du label VITI, que le Valais, où, avec son beau-frère, il avait fondé, à Leytron, le domaine Desfayes-Crettenand, pionnier des «spécialités valaisannes», mais au grand jamais élevées en barriques.
Il avait aussi fortement encouragé les producteurs suisses à envoyer leurs vins dans des concours internationaux, dont il fut, aux quatre coins du monde, un des éminents membre de jurys, notamment à Mendoza. Il avait aussi fondé l’Union suisse des œnologues. Et était l’oncle de Corinne Clavien, «œnologue cantonale» valaisanne, un titre arraché de haute lutte.
Ecole de modestie… à Changins
Et, surtout, il m’avait formé à la dégustation, il y a juste 20 ans, à Changins, au «cours de marchand de vins», très couru. Je me souviens d’un lundi matin printanier, où on attaquait une série de chasselas, plus ou moins réussis. Puis, soudain, un autre vin dans le verre : toute la classe — on était bien 50… — décrétait, un dégustateur après l’autre, que c’était un chasselas «un peu vert et pas mûr».
Dernier à parler autour de la table (parce que premier arrivé dans la classe), j’avais émis, avec une petite voix, l’hypothèse que ce vin pouvait être un sauvignon blanc. Hilarité à peine masquée, sauf chez Jean Crettenand, impassible, en blouse blanche au milieu de la pièce, qui laissait rire et dire. Avant de laisser tomber: «C’est un sauvignon». Je n’avais aucun mérite : j’étais rentré la veille au soir d’un voyage touristique à Sancerre. Et le reste de la classe avait une circonstance atténuante : un vigneron vaudois avait été le premier à s’exprimer sans le moindre doute sur ce vin, et les autres, moutons de Panurge, avaient suivi.
Aujourd’hui, ce «baron» défend avec brio le sauvignon blanc en terroir vaudois. La preuve indubitable que la dégustation, effectivement, est une belle leçon de modestie!
Pierre Thomas
©thomasvino.ch