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Posted on 22 janvier 2012 in Vins français

Côte-Rôtie: le marché d’Ampuis 2012

Côte-Rôtie: le marché d’Ampuis 2012

La Côte-Rôtie recto verso

Pas descendu de Lausanne à Ampuis depuis une bonne dizaine d’années… Les 20-23 janvier 2012, c’était le «marché aux vins de Côte-Rôtie», 84ème du nom. Cela fait donc une paie que les amateurs de pressent dans la grande salle d’Ampuis pour déguster le vin du lieu et quelques crus des environs. 61 exposants, cette année. J’y suis allé un peu au pif.
Par Pierre Thomas, de retour d’Ampuis

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Avec une grande majorité de syrah, souvent 100%, ou un petit peu de viognier, en principe complanté et récolté et cuvé en même temps la syrah, pour lui donner fraîcheur et élégance, la Côte-Rôtie est un de ces grands vins du monde, quasi-monocépages. Comme les bourgognes, les barolos et barbarescos et les brunellos de Montalcino.
La Côte-Rôtie (CR plus bas) me fait du reste penser davantage à ces deux derniers italiens, bien connus (de nos services): Barolo et Montalcino. En quatre heures de dégustation, dans une salle noire de monde (photo prise au vol par l’ami Thierry Cloux, chauffeur du jour!), autant par le nombre que par les habits, la parka antipluie et brouillard, voici un essai de typologie des vins dégustés.
Précision d’emblée: j’ai évité les «grands», Guigal, Chapoutier, Delas, Jaboulet, Vidal-Fleury, Bonserine. Impossible d’accèder, tant il y avait de monde, chez Clusel-Roch, Alain Voge, François Villard, les Vins de Vienne (pris d’assaut par un tsunami asiatique…) et Stéphane Montez. Samedi midi, Gangloff avait été dévalisé: plus rien à déguster, puis griffonné sur un papier, «plus de stock».
Restaient une cinquantaine d’autres, écrémés, vite fait, bien fait. Les meilleurs n’avaient déjà plus rien à vendre, les très bons, le 2010 seulement, très jeune, difficile à apprécier, les bons, du 2009 encore — magnifique millésime, d’une très belle densité ! — et les moins bons, du 2009 et le très délicat 2008, aux tanins souvent verts…
Les modernes, d’abord
Pierre Gaillard, aux étiquettes vives, peintes par un ami de la famille, où la relève est bien là… ; beau fruité de son Saint-Joseph 2010, frais (14,50 euros), CR 2009 et 2010 (37 euros), élégante, longue, fraîche en 2009, au parfum de violette, juteux, sur une belle qualité de tanins en 2010.
Au GAEC François et fils, la CR 2009 (18 mois de fût) reste très fermée, tannique et acide, avec une finale sur le graphite, un vin «froid» et construit; le 2010 paraît un peu étriquée, dure en finale, malgré un peu d’épices au cœur.
Les charmeurs, ensuite
Jean-Michel Gérin faisait un tabac: il y a de la suavité, pour ne pas dire de la douceur, dans la plupart de ses cuvées, comme Champin le Seigneur 2009, très flatteur, souple, épicé, avec des notes finales d’épices et La Viallière 2009, très moka, douce à l’attaque, ample, ronde.
Dans le même registre, Christophe Pichon, au condrieu de base carrément doucereux, et un Caresse 2009 (40 euros, mazette!), vanillé et suave en diable, des caractéristiques qu’on retrouve dans sa CR 2010 (30 euros), marquée chêne neuf, caramel, et suave en bouche.

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Les «terroiristes» et autres «cuvéeistes» malins, ensuite
Ce sont ceux qui ont compris le système de la «parkérisation» (et des autres guides…). Il suffit de présenter une, deux ou trois cuvées, à trois prix différents, pour être certain d’obtenir une très bonne note avec la cuvée haut de gamme; ça marche à Montalcino, avec du 100% sangiovese, et à Châteauneuf-du-Pape, où le 100% grenache est un habile dérivatif possible, mais moins en Côte-Rôtie, où, pas de pitié pour la syrah! Certains vinificateurs de «climats» se leurrent, en séparant exposition plein sud ou moins favorable, en mi-coteau, gneiss ou granit, côte blonde ou brune, avec ou sans viognier, etc.. Surtout, la cuvée de base est toujours péjorée par ce transfert du haut du panier.
A la clé, un prix différencié: 25 à 30 euros la cuvée de base, 45 à 60 euros le haut de gamme.
Chez Duclaux, en 2009, on a bien aimé la cuvée de base, jeune et fraîche (31 euros) et Maison Rouge, mentholé, gras, puissant, une classe en-dessus, avec une «prime» de 16 euros (47 euros).
Christophe Billon, avec les Elotins 2008, au nez de café, de boisé trop présent et dominant, tandis que la même cuvée 2009 paraît mûre, mais tannique et manquant de gras; La Brocarde 2009 (40 euros), possède un nez fumé, beaucoup de tanins, et un élevage encore très marqué, qui masque le fruit.
Chez Barge et fils, trois cuvées, Du Plessy 2009 (30 euros), au nez un peu animal et caramel, assez suave, mais avec de l’acidité, on retrouve un peu d’animal sur Le Combard 2009 (35 euros), avec des notes de paille, de foin coupé ; la Côte Brune 2009 (39 euros) est la plus intéressante, classique, avec un côté vieux fût, puissant, rond, et une finale un brin rustique.
Chez Patrick Bonnefond, une CR 2010 Colline de Couzou (30 euros) au nez marqué par la réduction, avec du fruit, mais une pointe de végétal en finale, Les Rochains 2009 (45 euros) est puissante, avec une note de chêne à l’attaque, de la fraîcheur, du minéral, mais résolument moderne.
Des trois de Guy Bernard, on a préféré nettement les Coteaux de Bassenon 2009 (30 euros), au nez fumé, avec un beau fruit croquant en milieu de bouche, et une finale agréable.
Niero père et fils, là encore, proposent d’intéressants condrieu, assez souple pour Les Ravines 2010 (28 euros), vif, sur des arômes d’ananas et de fruits exotiques, et Cheiry 2010 (34 euros), plus concentré, complexe, avec des notes de poivre blanc, et deux CR, la cuvée de base 2010 (29 euros), assez tendre, florale, et une pointe finale végétale, alors que la 2009 (30 euros) est bien typée, violette, fraîche, bien balancée par l’acidité ; la CR Vires de Serine 2009 (48 euros) offre des arômes de boisé, de la puissance, du fruité, des épices, mais sur une finale très chaude, qui trahit les 14,5% d’alcool.
Faury, père et fils, Lionel, revenu d’Australie, avec des vins frais, un rien «géranium», trop extraits sans doute, comme la CR Réviniscence 2010 (31 euros), juteuse, appuyée sur l’acidité, mais avec cette touche végétale, certes pas toujours néfaste sur une CR jeune; la cuvée Emporium 2009 (47,50 euros) a fait 24 mois de fût, et ça se sent, avec une certaine fraîcheur, et la signature «géranium», qu’on retrouve sur les Saint-Joseph.
Les classiques, toujours et enfin
Ils sont rares, les vignerons qui osent proposer une seule Côte-Rôtie, vraiment traditionnelle, assemblage de plusieurs parcelles (souvent une douzaine…), dispersées tout le long de l’appellation (et des coteaux du Rhône).
On a retrouvé avec plaisir Patrick Jasmin: son père, décédé il y a douze ans, avait été un des refondateurs de la Côte-Rôtie, qui a failli disparaître parce qu’il était plus facile de cultiver des arbres fruitiers que de la syrah sur échalas… Son 2009 (28 euros), classique, est à la fois floral au nez, avec un poivré pas trop présent, des épices douces, un magnifique volume et une grande longueur, gage de vieillissement. Par le passé, Jasmin a été suspecté de mettre en bouteilles par petits lots, tout le long de l’année, d’où de grandes disparités, même s’il s’agit d’une seule vinification; aujourd’hui, il n’y a toujours qu’une seule cuvée, mais deux mises en bouteilles, l’une en décembre (celle présentée au marché aux vins de janvier), l’autre, après Pâques, au printemps.
Chez Bernard Burgaud, autre bon producteur, c’était du 2010 ou rien du tout (28 euros), de bonne facture, même si un vin si jeune est difficile à apprécier.
Chez les frères Jamet, une cuvée «spéciale Marché des Vins», «Fructus Voluptas» 2009 (28 euros), au nez de violette et de fumée, souple, avec une belle concentration et une touche de «laine mouillée» en finale.
Au Domaine des Rosiers, Louis Drevon n’offre qu’un CR, 2009 (28 euros: ces quatre là s’étaient donné le mot ou plutôt le chiffre!), avec un nez à la fois fumé et floral, souple à l’attaque, mais avec une belle concentration, et aussi une touche de «laine mouillée» en fin de bouche.

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Parmi les satellites, on en retiendra deux: le fanfaron Jérôme Coursodon propose trois saint-joseph, le Silice 2010 (16 euros), un rien végétal, L’Olivaie 2010 (22 euros), épicé, bien fait et la cuvée haut de gamme 2010 (30 euros), marquée par le fût, ample, grasse, avec de la finesse et de l’élégance, mais tout de même moins puissant qu’une CR, du moins de 2009.
Enfin, Stéphane Robert, du Domaine du Tunnel, à Cornas, s’attendait à épuiser son très beau saint-jo’ 2010 (16 euros), très frais, avec une pointe de café vert, de belle extraction, long en bouche, tandis que son Cornas 2010 (23 euros) montre une belle puissance, de la fraîcheur, moderne, avec des tanins jeunes et fermes, mais fins, comme son «Vin Noir» 2010, de belle extraction et de bonne fraîcheur.

A condition d’aimer jouer des coudes, l’exercice est amusant. Sinon mieux vaut viser une dégustation à thème, chez un producteur, ou dans une œnothèque…
©thomasvino.ch