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Posted on 15 mai 2012 in Tendance

Chamoson avant le Grand Cru: revue des 2011

Chamoson avant le Grand Cru: revue des 2011

Chamoson avant le Grand Cru

Revue de détail du 2011

Rudes semaines pour les producteurs du Valais. Non seulement les «caves ouvertes» ont lieu dès jeudi (de l’Ascension) jusqu’à samedi, mais douze d’entre eux, parmi les meilleurs, participent à deux sessions des 4 Glorieuses. Cette dégustation strictement réservée à des professionnels, à Martigny, existe depuis 12 ans.
Par Pierre Thomas

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Les deux organisateurs en sont Nicolas Reuse (à droite) et Christophe Roch. Le premier s’apprête à quitter les assurances pour rejoindre sa passion de toujours, au service de la vente des vins du talentueux Nicolas Zufferey, du Domaine des Bernunes, à Sierre. Le second a fait du Caveau de Chamoson une «table d’hôtes» où il cuisine d’excellents petits plats, en plus d’accueillir les amateurs de vins «filtrés» par une commission de dégustation sérieuse, donc sévère.
Surtout, les Glorieuses permettent de se faire une idée du millésime. Pour 2011, mai est bien tôt et même trop tôt. Les premiers vins sont ou bien des échantillons, ou bien viennent d’être mis en bouteille. Les vins élevés sous bois sortent de barriques. Mais la plupart des producteurs ne les font pas déguster : ils ont tout vendu. Voilà le drame de la viticulture suisse du «small is beautiful» : les meilleurs, qui sont des petits, n’ont rien à vendre et les autres se battent sur fond de quotas et de stocks à écouler.
On n’est pas loin d’une vitiviniculture à deux vitesses, même si les meilleurs doivent aussi faire des progrès dans la vente ou alors reserrer leur gamme de vins. Car la prophétie de voir les meilleurs producteurs de tel ou tel vin se concentrer sur ce qu’ils savent le mieux faire ne s’applique toujours pas : le bon petit vigneron suisse, et valaisan en particulier, est un généraliste, fier de signer du fendant jusqu’au liquoreux, en passant par des assemblages en barriques…
On y est allé un seul lundi, celui consacré à Chamoson-Saint-Pierre-de-Clages, principale commune viticole du Valais, là où sont implantés quelques uns des meilleurs vignerons du Valais. Plus de 150 vins à déguster : en trois heures, impossible de faire le tour. Mais, ci ou là, quelques coups de cœur. Parlons assemblage, justement. Meinrad et Catherine Gaillard, Le Vidomne, proposent deux rouges rares en Valais parce que… internationaux. Bâton Rouge est une curiosité absolue, classée «vino da tavola» (sic !). Deux millésimes en vente, le 2006 et le 2007, car ce vin, issu de sangiovese (toscan) et de barbera (piémontais) moitié-moitié, est élevé plus de 4 ans en foudre (1500 bouteilles). Le 2006 exprime des qualités de vin mûr, ample, riche, souple, avec des notes de pruneau ; le 2007 est plus ferme, avec des notes de cuir, des tanins puissants, mais déjà fondu et, toujours, une belle richesse sudiste. Un des vins suisses les plus originaux, c’est sûr ! Le Modus Vivendi se la joue bordelaise, avec une dominante de cabernet sauvignon (55%) et de merlot (30%) ; le 2009 affiche une belle fraîcheur, avec des notes de fumée froide, et une structure en bouche d’uen grande élégance. Et Meinrad Gaillard promet pour bientôt un assemblage à faire pâlir un Bordelais moderne : malbec, petit verdot et carmenère !
On peut snober les assemblages, en oubliant que la dôle en est un! Chez Axel et Jean-François Maye, le Camuso est une superdôle : moins de pinot noir que ne l’oblige la loi (45% au lieu des 51% règlementaires), autant de gamay et 10% de merlot (on peut aller jusqu’à 20% de cépage complémentaire, avec une majorité de pinot) : belle fraîcheur, belle puissance, et signature du merlot en fin de bouche — un merlot qui s’exprime bien en pureté dans la cuvée Vieille Vigne, soit non pas de vieux ceps, mais élevée en barriques. Didier Joris a arraché son cabernet sauvignon, remplacé par du galotta, dans son assemblage Ophiuchus, avec, en proportion égale, du merlot et du cabernet franc. Un beau vin, mais en cépage pur, son cabernet franc est magnifique, frais, fruité, à la trame serrée, sur des tanins fins. Curiosité chez Olivier Cosandey (Le Potier) et son Gamaret-garanoir 2010 : l’ex-œnologue de Badoux, à Aigle, sort un assemblage très vaudois, mais à la fois extrait, puissant, intense et tannique, avec une finale épicée. Un pirate qui ne doit rien au Léman!
Dans les humagnes, celle de Jean-Daniel Favre (2011) La Tornale présente une belle typicité, avec de la fraîcheur, et cette note d’«écorce de chêne» typée; celle du Potier (2010), avec son nez viandé, sur une matière bien mûre, est un bon exemple, souligné par une acidité rafraîchissante. La 2011 de la Cave L’Ardévaz, de Rachel Boven, offre aussi un exemple sur la même ligne aromatique, à la fois souple et typée du cépage, sans extraction exagérée. Le Vent d’Or 2010, assemblage en cuve, est souple et agréable, alors que l’Ardévine 2009 est plus concentrée, avec une touche de bois neuf qui va se fondre : ce vin reste un des assemblages rouges valaisans les plus «buvables», même dans sa prime jeunesse.
Le match Axel et Jean-François Maye et Didier Joris tient toujours la corde, dans les syrahs. On l’avait proposé un jour au bar à vins Midi 20 sur une dizaine de millésimes, hélas pas tous comparables. Mais le style des vins, malgré les années, s’était clairement dessiné. Chez Maye, une puissance et une dynamique avec une pointe de végétal et d’acidité, garante de longue vie; chez Joris, des arômes plus mûrs, davantage d’extraction, et un boisé un peu plus luxuriant. Dans le temps, les deux vins s’expriment sur la longueur, mais gardent la patte de leur vinificateur… sinon de leur terroir. Deux archétypes de syrah(s) valaisanne(s), à mettre au pluriel. On y ajoutera celle de Daniel et Mikaël Magliocco, père et fils, avec, en 2010, des notes mentholées de fraîcheur et des épices plein la bouche, avec un élevage en barriques discret : un très joli vin… comme Nuance noire 2010, encore un assemblage, avec une moitié de cabernet sauvignon contrebalancée par un quart de syrah, un vin dynamique et abordable à la fois, d’une belle fraîcheur.
Rayon fendant, on a bien aimé le basique et classique La Tornale 2011, de Jean-Daniel Favre, moins carbonique que le Chamoson, candidat potentiel au Grand Cru, dont Chamoson bénéficiera après inscription volontaire et dégustation probatoire dès 2012, et pour autant que le chasselas soit retenu parmi les trois ou quatre cépages donnant droit au GC. Chez Axel et Jean-François Maye (alors que leur papa Simon, un des pionniers des vignerons-encaveurs valaisans est décédé ce printemps), des trois grands classiques que sont le Fauconnier, Trémazières et Moëttes, on a préféré Trémazières, plus minéral.
Chamoson est un des hauts lieux du Plant du Rhin, alias le Johannisberg, alias le Sylvaner. En 2011, acidité et PH très bas, et plusieurs producteurs tentés par l’impasse sur la malolactique : Jacques Remondeulaz, La Bacholle, a choisi de faire une demi-malo (sur la moitié de ses cuves, donc), pour un résultat amplet et riche, gras et rond. Jean-Claude Favre, Sélection Excelsus, jure qu’il ne fera jamais de johanis’ sans malo : son 2011, sous un beau nez élégant, cache une splendide puissance et de la minéralité. Et chez les frères Axel et Jean-François Maye, leur johannisberg est toujours d’une magnifique puissance mâtinée d’élégance — confirmé en 2011.
Les petites arvines? Comme toujours, difficile à goûter à la sortie de cuve. Leur potentiel aromatique a de la peine à s’exprimer, comme bridé par l’élevage ou le reste d’arômes fermentaires, mais belles promesses chez les frères Axel et Jean-François Maye, avec une finale nette sur le pamplemousse.
Beau Païen 2011 du Domaine de Clavaux, cultivé en biodynamie par Jean-Daniel Favre, très exactement entre le johannisberg, pour la minéralité, et le petite arvine, pour le fruité et la note d’amertume finale, un vin étonnant, comme, du même terroir sédunois, son Altesse, puissant et intense aromatiquement, alors que le Riesling est très loin d’un modèle nordique, mais gorgé de chaleur et étonamment floral, puis sur les fruits blancs et le gras. Le païen signé des Maye est passé en barriques : le 2010 s’avère puissant, presque tannique, avec des fruits jaunes et une note encore légérement boisée en finale, qui doit se fondre.
Le Muscat 2011 du Potier, où Olivier Cosandey a repris le domaine de Jérôme Giroud-Briguet, est puissant, expressif, tandis que celui de Jean-Claude Favre joue sur l’équilibre acidité-douceur et celui de Boven, sur la fraîcheur et l’expression aromatique, avec une touche de minéralité.
©thomasvino.ch