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Posted on 24 janvier 2005 in Adresses, Restos

Vétroz (VS) — La Régence

Vétroz (VS) — La Régence

La Régence-Balavaud, Vétroz (VS)
Quand la régence régale

Ce fut, sur la route de la plaine du Rhône, depuis la fin du 19ème siècle, un relais de diligences, une maison de commune puis une cave à vins. Depuis trois mois, c’est une maison d’hôtes, qui porte bien son nom, les hôtes n’étant pas, ici, les personnes reçues, mais bien celles qui reçoivent. Car le couple Yasmina et Daniel Luttringer est bien connu, depuis une dizaine d’années, en Valais pour leur aménité… Alsacien et baroudeur, petit-fils de restaurateurs, lui est cuisinier et seul maître à bord ; elle reçoit comme à la maison.
La Régence, élégant bâtiment aux lignes classiques, dos aux terrasses du Clos de Balavaud, s’est muée en table d’hôtes, et bientôt en «maison» —dès mai — avec quatre chambres «assez spéc’» promet le patron. Ces anciens du Café du Grand-Pont, puis du légendaire Bagdad Café et de son annexe à tapas le Zanzibar, au cœur du Sion historique, aiment les ambiances déjantées.
Avec l’avocat-notaire Stéphane Imboden déjà engagé dans la cave de la Régence Balavaud (lire ci-dessous), les Luttringer ont acheté une partie de la bâtisse, écrin idéal pour créer, au cœur du Valais, un coin de Toscane. Yasmina rêve d’un rideau de cyprès pour couper le vent, de buissons, au lieu de goudron, et de terrasse fermée par un espace-lounge. Déjà, la cave, voûtée en pierres sèches — les célèbres brisés de schistes noirs de Vétroz —s’est transformée en antre pour gourmets. Un demi-étage plus haut, une enfilade de chambres crépies aux couleurs chaudes (jaune, ocre, brique) égrènent les saisons : «le printemps», avec vue sur les vignes, «l’automne», dans la pénombre, et, enfin, le salon moelleux pour l’apéritif ou prolonger le dîner. Il faut voir le décor, genre bric-à-brac sophistiqué, comme cette armature de parapluie suspendue, avec une guirlande d’ampoules à corolles orange, ou ces meubles dénichés dans des brocantes.
La cuisine est à l’image de cette inspiration débridée. Pas de carte, mais une grande ardoise. Et quelques standards. Même s’il est parti de Bâle pour aboutir quinze ans plus tard en Valais, après un périple en Australie et au Japon, le patron ne renie pas ses origines alsaciennes, avec du foie gras en terrine et poêlé (à 22,50 fr.). «On m’égorgerait si je renonçais au tartare» (à 29,50 fr.), confie-t-il. Qui fait la paire avec une entrecôte rassise sur l’os d’un boucher d’Ardon (à 37,50 fr.). Mais l’autre dimanche à midi (oui, c’est ouvert !), on y a mangé un excellent couscous (27,50 fr.), riche en légumes, à la semoule délicatement parfumée, et aux viandes variées, merguez comprises. Et un risotto à la sauge fraîche et aux piments à l’huile (23,50 fr.). «J’adore la cuisine toscane», avoue le chef, qui réinterprète le chèvre chaud en bruschettes (ail, tomates, huile d’olive). Au dessert, des glaces surprenantes, au miel, aux épices douces ou à l’eau de rose. Les vins sont tirés de la propre cave. Blancs et rouges peuvent être servis au verre : appréciable par ces temps néoprohibitionistes.  Et quelques incartades invitent les voisins proches (Les Fils Maye, Jean-René Germanier) ou les «cousines» (Marie-Thérèse Chappaz, Fabienne Cottagnoud). Bref, on a l’impression d’être tous de la famille…

La bonne adresse
La Régence, 267,
rte cantonale, Vétroz-Magnot
Tél. 027 346 69 40
Fermé le dimanche soir et le lundi

Le vin qui va avec…
L’humagne, fierté maison
Depuis 1999, l’œnologue Pierre Clavien, beau-frère de Stéphane Imboden, préside aux destinées de la cave La Régence. 2,5 hectares de vignes disséminées «un peu partout» à Vétroz et des achats de vendange, pour une production de 40'000 bouteilles par an. En 2003, le «coq» de la maison est une humagne rouge, saluée par le Guide Hachette 2005 (deux étoiles pour le jury valaisan) et médaille d’or Nobilis (parmi pas moins de quinze congénères). C’est que le caniculaire 2003 est un millésime faste pour le plus tardif des cépages valaisans. Cette «sélection», obtenue de raisins cultivés à Leytron par un cousin par alliance, est charnue, élégante et souple. Un vin rouge plein de charme, élevé en cuve, sous les nouvelles chambres à manger, et qui n’a donc pas connu de barrique : «Le bois dénaturerait la pureté du cépage», explique Pierre Clavien. On croirait, famille toujours, entendre son oncle par alliance, l’illustrissime Jean Crettenand.

Chronique de Pierre Thomas, dans Le Matin-Dimanche du 23 janvier 2005