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Posted on 10 avril 2005 in Vins du Nouveau Monde

Chili — Le Chili à Arvinis: le choc des (vitivini)cultures

Chili — Le Chili à Arvinis: le choc des (vitivini)cultures

Le Chili, hôte d'honneur du 10ème Arvinis 2005 à Morges
Un choc des (vitini)cultures

Avant l’élection d’Allende, puis son renversement et la dictature de Pinochet, on surnommait le Chili, «la Suisse de l’Amérique du Sud». Pour sa dixième édition, Arvinis invite le dixième pays viticole mondial, qui a retrouvé un président socialiste, mais pratique le libéralisme économique. Et qui est aussi le plus gros exportateur de vin au monde, pour un revenu, l’an passé, d’un milliard de francs.
Pierre Thomas
Au moment où les vignerons suisses, et vaudois particulièrement, redoutent la baisse de la consommation, qui a fléchi de 1,3% en 2004, accueillir le Chili sur La Côte vaudoise pourrait paraître de la provocation. Mais les Vaudois se contentent de «lobbyisme» stérile à Berne, agitant l’épouvantail de l’ouverture des frontières et réclamant le retour au bon vieil oreiller de paresse du protectionnisme. Cette fermeture des frontières avait pourtant endormi les vignerons suisses, repliés sur leur chasselas, sans qu’ils se rendent compte que les consommateurs préféraient les vins rouges. Depuis dix ans, le Valais, puis Genève et Neuchâtel, après la Suisse alémanique et le Tessin, produisent plus de vin rouge que de blanc. Et la question du blanc se résume à un enjeu économique vaudois : si Berne affirme que la consommation de blanc s’est maintenue en 2004, l’état des stocks vaudois montre que celle des meilleurs blancs a baissé de 4,7% (1,2 million de litres).
Des échanges inversés
C’est, du reste, un conseiller national UDC de La Côte, André Bugnon, qui a pris les rênes du groupe vitivinicole du Parlement. Et ce même André Bugnon préside aux destinées du groupe de coopératives de la Côte UVAVINS… qui a engagé un œnologue double national, Rodrigo Banto, nidwaldien par son grand-père maternel, mais né et élevé au Chili.
Depuis 2003, ce jeune pro de 35 ans s’est attelé à insuffler à la coopérative vaudoise quelques recettes d’inspiration chilienne, tournées vers l’attente du consommateur et les goûts nouveaux (80% des vins chiliens sont rouges !), plutôt que de réclamer un retour au protectionnisme. Sur le terrain économique, Suisse (15'000 ha de vignes) et Chili (110'000 ha) sont du reste diamétralement opposés. Notre pays est le plus petit exportateur (1% de la production) et le plus gros importateur (60% de la consommation) parmi les producteurs de la planète ; et le Chili, le plus gros exportateur (60% de sa production) et le plus petit importateur (3% de la consommation)!
Nouveau Monde, poids léger
Mais qui, dans le temple de la dégustation, où une quinzaine de stands présenteront des vins chiliens, aura en tête ces rapports de forces? Pas même ceux qui achèteront la «Cuvée Arvinis 2005» : des raisins de carmenère, — cépage rouge bordelais qui ne mûrit correctement qu’au pied de la cordillère des Andes, où il fut confondu jusqu’en 1997 avec le merlot — récoltés ces jours au Chili et expédié par avion, pour être pressés et vinifiés par Rodrigo Banto à Morges. Un échange «culturel» qui n’est pas une première, puisqu’il y a dix ans, Arvinis faisait de même avec du pinotage d’Afrique du Sud.
Un demi de blanc par an et par habitant!
C’est l’occasion de rappeler que sur le contingent douanier global de 160 millions de litres de vins importés en Suisse, en 2004, en rouge (136 millions de litres), un quatuor du Nouveau Monde (Californie, Australie, Chili et Afrique du Sud) totalise 11,6% du volume contre 83% au trio du Vieux-Continent, Italie-France-Espagne. Pour les blancs, le Nouveau Monde fait à peine mieux : 17,4% contre 73% au Vieux-Continent. Soit 3,85 millions de litres de blanc à la valeur de 3,85 fr. le litre. C’est peu : un «demi» de chasselas par an et par habitant que les Helvètes n’auront pas bu. Par rapport au bon vieux temps, s’entend!

Paru dans Hôtel + Tourismus Revue du 14 avril 2005.