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Posted on 6 janvier 2005 in Vins du Nouveau Monde

Chili — Trois conquistadors suisses

Chili — Trois conquistadors suisses

Trois conquistadors suisses au Chili
Le Chili, qui est passé de 40 exportateurs de vin à 200 en douze ans, attire aussi des Suisses. Coup de sonde sur trois domaines où l'aventure le dispute à la passion. Et dégustation des tout premiers vins «suisses» du Chili: l'un d'eux vient de décrocher une grande médaille d'or au Concours mondial de Bruxelles.
De retour du Chili: Pierre Thomas
Trois destins, tous différents. Il y a d'abord la passion de l'avocat tessinois Mauro von Siebenthal. Au cœur de la vallée de l'Aconcagua, au nord, là où Francisco de Carrabantès fit ses premières vendanges en 1550, il exploite un domaine de 30 hectares.
Tout à l'opposé, au sud, des viticulteurs thurgoviens, autour de la famille Lenz, du domaine d'Iselisberg, ont planté des vignes dans la région de Bio-Bio. Ils ambitionnent de devenir (affirme leur site Internet www.lenz-weinbau.ch) «en cinq ans, la meilleure exploitation de vin du Chili». Leur malbec, issu de très vieilles vignes trouvées sur place, est d'une belle finesse et paraît plus suisse que chilien.
Novelle qui vole

Et puis, rejoignant les «flying winemakers» internationaux, le talentueux «créateur de vins» genevois Jean-Michel Novelle s'est aussi envolé aux antipodes. Il vient de signer à la fois un vin mousseux épatant, le «Fresita», à la pulpe de ce petit fruit ramené du Chili en 1717 par Amédée Frézier, et un magnifique pinot noir, à San Antonio, sur la côte Pacifique, une région qui a le vent en poupe. Le domaine qu'il conseille, Amayna, a été inauguré à fin avril. Le célèbre journaliste chilien Patricio Tapia a trouvé le pinot noir «délicieux et concentré». Nous aussi… à Genève. Avec lui c'est une forme d'«école européenne» qui s'impose, à l'opposé des vins «bodybuildés» — trop foncés, trop doux, trop alcoolisés — souvent l'apanage du Nouveau Monde, gorgé de soleil.
Heureux hasard, les trois exemples «suisses» illustrent la richesse naturelle du Chili, entre le 30ème et le 42ème parallèle: un climat aride de type méditerranéen. Il est si favorable à la vigne qu'il le met à l'abri de toutes les maladies dont souffre ou a souffert le vignoble européen, y compris le phylloxéra, ce puceron qui détruisit les ceps au début du XXème siècle. Jusqu'ici, le Chili en est exempt, protégé au nord par le désert d'Atacama, à l'ouest par l'océan Pacifique, à l'est par la Cordillière des Andes et au sud par l'Antarctique.
Terre d'aventuriers

Ces terres lointaines appellent l'aventure. Les hommes qu'on y rencontre sont étonnants, à l'image de Francisco Klimscha. Le représentant, sur place, du domaine von Siebenthal est aussi président de Slow Food et patron de l'Association des sommeliers du Chili. A 37 ans, il a fait le tour du monde. Tchèque, il est né à Santiago, où son père, ingénieur, travaillait pour les Nations Unies. Sa mère, Suissesse, était professeur à l'Ecole suisse de Santiago. Le jeune homme a suivi une école hôtelière en Autriche. Puis fait son armée en Suisse, où il a travaillé dix ans dans la restauration, à Zurich, à Saint-Gall et au Cheval-Blanc à Saint-Blaise (NE).
Des syrahs haut de gamme
Avec l'aide d'un œnologue italien établi en Argentine, le domaine produit des vins rouges (uniquement) très fins. Dès son premier millésime, 2002, la jeune syrah «Carabantès» a rencontré un beau succès (médaille d'or à Bruxelles). Quant au «Montelig 2002», c'est un assemblage comme les Chiliens les développent désormais, mêlant 60% de cabernet sauvignon, 30% de carmenère et 10% de petit verdot, élevés quatorze mois en fûts de chêne français. Un vin solide, aux arômes de cacao et de café. Et qui vient de décrocher une grande médaille d'or au Concours mondial de Bruxelles. «Nous figurons à la carte des trente meilleurs restaurants de Santiago», dit fièrement Klimscha. Mais le Chili exporte la majeure partie de ses vins: à hauteur de 60% et même de 90%, pour les meilleurs et les plus chers.

Le Chili, invité d'honneur d'Arvinis en 2005
A Morges, les Chiliens ont posé des jalons de futur invité d'honneur d'Arvinis, du 13 au 18 avril 2005. L'ambassade du Chili, pays qui a signé un traité commercial bilatéral avec la Suisse, encourage l'exportation des vins, pour équilibrer la balance commerciale défavorable. Les liens entre le Chili et la Suisse sont aussi anciens qu'étroits. Des Helvètes, et leurs descendants, sont établis depuis longtemps à la pointe de l'Amérique du Sud. Ainsi Francisco Baettig, le jeune œnologue du grand domaine Errazuriz. Il ne connaît du pays d'origine de son arrière-grand-père (bernois) qu'une brève escale, un jour, à Genève. Un autre jeune œnologue, Rodrigo Banto, ex-«winemaker» de Caliterra («joint-venture» entre Errazuriz et le Californien Mondavi, qui vient de retirer ses billes), a, lui, renoué avec la patrie de son grand-père maternel, originaire d'Unterwald. Il est désormais au service d'UVAVINS à Tolochenaz (VD). Pour lui, «l'ambition du Chili, c'est qu'il soit reconnu comme producteur de vin de bonne qualité». En Suisse aussi!

Reportage paru dans Hôtel + Tourismus Revue, Berne, en mai 2004