Pages Menu
Categories Menu

Posted on 24 octobre 2005 in Adresses, Restos

Yvorne (VD) — La Roseraie

Yvorne (VD) — La Roseraie

La Roseraie, Yvorne (VD)
«Le petit jeune qui monte»

La récente livraison du guide gastronomique GaultMillau 2006, quand on va au-delà des notes, me paraît plus incisive que jamais, malgré, ou à cause, du climat morose de la restauration. Lisez donc les commentaires des tables lausannoises : une vraie noce à Thomas (jeu de mots qui ne coûte rien). Dans l’Est vaudois, le guide opère une mise à plat. Deux ex-jeunes premiers, longtemps chéris du même guide, Etienne Krebs, à l’Ermitage à Clarens (VD), et Martial Braendle, à l’Auberge de Vouvry (VS), en prennent pour leur grade. Ils doivent laisser filer une emblématique troisième toque. Et se retrouvent avec deux bonnets et 16 points.
C’est la notation obtenue cette année par Christophe Rod, avec louange: «Un point de plus pour le petit jeune qui monte, qui monte…» Réaction à chaud du chef chablaisien : «Icare aussi, il est monté. Si haut qu’il a fini par se brûler les ailes au soleil !»
Une pinte de bon sang
Le soleil luit sur la Roseraie… J’y avais mangé juste avant la sortie du guide, libéré de toute pression. Et j’ai été ébloui ! A la pinte, une salle plus petite que celle du restaurant, toujours aussi «provençal» dans son décor de couleurs vives, le chef nous a réservé un chassé-croisé de ses deux cartes. Celle qui permet de goûter, midi et soir, un menu à 49 fr. (une entrée, un plat, un dessert), et la «grande» ; celle qui marche, se réjouit Christophe Rod : «Chez nous, les gens aiment se faire plaisir et prennent en majorité le menu le plus cher, à 150 fr.».
Voici donc, pour se mettre en appétit, un morceau de lard grillé et mariné (36 heures !) au poivre et paprika : canaille! Puis une délicieuse brochette d’escargots (28 fr. à la pinte, 31 fr. à la carte) au gingembre et courgette confite — le légume est traité au sel, au sucre et au curry durant quatre jours, puis scellé en semi-conserve.
Formé chez Girardet et Rabaey
La fantaisie de foie gras aux figues et noix n’était pas mal non plus, présentée, coïncidence, comme le gâteau du néo promu GaultMillau à 19, le Sierrois Didier de Courten. On croirait entendre Frédy Girardet : «En cuisine, on n’invente rien». Ca tombe bien ! Car Christophe Rod avoue sans détour s’être inspiré du maître de Crissier, qu’il a côtoyé durant huit ans, après son apprentissage ici même, à La Roseraie tenue alors par le fantasque Denis Martin. Ensuite, Rod a enchaîné avec un an de Rochat et quatre ans de Rabaey, surfant sur la vague des meilleures brigades de Suisse romande… Mais, ils ne sont que quatre en cuisine à Yvorne. Et vous servent ce petit chef-d’œuvre qu’est la galette de risotto aux pétoncles (mini-coquilles Saint-Jacques — 46 fr. au resto). Et, pour 29 fr. à la pinte, une cuisse de cannette confite (trois heures et demie à 110° au four) au citron et sa paupiette de laitue aux oignons confits. On l’a compris : il faut de l’imagination, du talent, et savoir se démultiplier pour apprêter ces compositions… On retournera pour les canellonis de lièvre à la farine de châtaigne (26 fr.) ou la bécasse entière au foie gras et raisins. A 73 fr. par personne : faut pas s’y fier, une bécasse, ça coûte énormément!
Le jeune chef a tout juste. Sa femme, Nadine, charmante à l’accueil, et deux maîtres d’hôtels qui assurent. Christophe Rod, 35 ans, peut briller dix ans encore chez les Jeunes restaurateurs de Suisse. Et il vient de pousser la porte du cénacle des Grandes tables de Suisse. Sa cuisine, se félicite-t-il, s’accorde avec les plus rares cuvées que lui réservent les vignerons chablaisiens (lire ci-dessous). L’un d’eux lui a fourni des raisins frais, du gamay servi en granité, sous un nuage crémeux à la cannelle. Divin point final!

La bonne adresse
La Roseraie, Yvorne
Tél. 024 466 25 89
Fermé le dimanche et le lundi
www.roseraie.ch

Le vin tiré de la cave…
Pinot réduit au carré
La réduction, c’est la base des sauces modernes. En œnologie, c’est un défaut rédhibitoire. Mais, en viticulture, la baisse des rendements reste un gage de qualité. Tous les vignerons l’affirment: «On produit moins !». A voir ! Là, le syndic d’Yvorne et gouverneur de la Confrérie du Guillon, Philippe Gex, a joué du sécateur jusqu’à l’épycondilite. Son meilleur pinot noir, au Clos de Planavys, il le récoltait à un très honnête 800 g. au mètre carré. Son œnologue, le talentueux Bernard Cavé, continue à en vinifier, deux tiers en barriques, un tiers en cuves. En 2004, en parallèle, le duo est descendu à 400 g. au m2. Juste pour voir ! Le nectar a passé neuf mois (seulement) en barriques neuves. Qu’est-ce qu’on y gagne? Réponse de Cavé : «Le gras, le fruit, le goût du raisin». Ce Pinot noir 2004, étiqueté «Mythologie», démontre par soustraction (800 — 400) comment faire vraiment de la qualité. Il est imparable: vanillé ce qu’il faut, friand, élégant et prêt à être consommé. Confidence d’œnologue pressé : «Pour moi, un vin doit pouvoir se boire vite.» Vite lu, vite bu.

Paru dans Le Matin-Dimanche du 22 octobre 2005.