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Posted on 29 janvier 2006 in Conso

Les marques vont-elles sauver le bordeaux?

Les marques vont-elles sauver le bordeaux?

TEST paru dans Tout Compte Fait, janvier 2006
La marque au secours des châteaux?

Face à un marché mondialisé, Bordeaux et ses milliers de châteaux contre-attaque. Les négociants, pierre angulaire du marché bordelais, reprennent la main. Et leurs vins rouges se retrouvent dans les supermarchés. Palmarès.
Qu’est-ce qu’un «bordeaux de marque» ? Un vin d’assemblage, élaboré dans les chais d’un négociant. Il s’en écoulerait plus de cent millions de bouteilles par an. Rappel: depuis 1911, tout vin produit dans le département de la Gironde a droit à l’appellation bordeaux. L’assemblage consiste donc à acheter à des viticulteurs des quatre coins du département des vins qui sont ensuite élevés par les négociants. Ceux-ci, en fonction d’un marché, peuvent jouer sur les provenances et les cépages. Le merlot a le vent en poupe, suivi du cabernet-sauvignon, du cabernet franc et du petit-verdot. Un vin de château, lui, provient d’un périmètre délimité sous influence d’un microclimat.
Profiter d’un nom (re)connu
Expert nommé par Paris en 2001, Jacques Berthomeau avait plaidé pour les marques, dans un rapport fameux: «La marque est une porte d’entrée simple, rassurante pour le non initié habitué à ce type de confort dans les autres actes d’achat alimentaire».
Il s’agit, aussi, d’utiliser la notoriété d’un nom pour écouler de «petits vins». Notre dégustation le démontre : le vainqueur, «d’Estournel», rappelle à tout amateur de bordeaux le fameux Château Cos d’Estournel, un des 59 grands crus classés en 1855. A moins de 10 francs, il ne s’agit pas d’un «petit Cos», pas même du «second vin» du domaine, mais bien d’un assemblage de négociant, mentionné comme tel sur l’étiquette. Même démarche avec «Dourthe No 1», revendiqué comme un bordeaux moderniste, à base de deux tiers de merlot, plus souple que le cabernet sauvignon. Et ce sont deux 2001 qui s’imposent : ces «petits bordeaux faciles à boire» ont tout de même besoin de deux ou trois ans pour que leurs tanins s’arrondissent.
Au troisième rang, le Royal Saint-Emilion, marque de coopérative. Elles sont très importantes sur le marché du bordeaux : 48 coopératives produisent un quart de la vendange. Elles ne mettent pas tout leur vin en bouteilles, mais le livrent en vrac aux négociants. Ensuite, «Malesan» (fondé puis revendu par Bernard Magrez, désireux de miser sur les bordeaux de bon prix, dans le silalge de Pape Clément et d'une vingtaine de châteaux qu'il a rachetés), qui, avec une dizaine de millions de bouteilles, est une des rares marques importantes, derrière «Mouton-Cadet» (15 millions de cols). Pourtant parmi les plus chers de notre dégustation, les vins signés de Rothschild (tant de Lafite que de Mouton) sont à la traîne, certes sur trois produits et millésimes différents.
La marque pour sortir de la crise ?
Aujourd’hui, la crise fait rage, à Bordeaux. Fin 2005, les viticulteurs ont obtenu à l’arraché des négociants 1'000 euros par tonneau de 900 litres, soit à peine 1,50 franc (suisse) par litre de vin produit ! Le vignoble bordelais est passé de 70'000 ha en 1975 à 123'000 ha en 2004, pour une production qui frise les 7 millions d’hectolitres. Les exportations ont chuté à 1,8 millions d’hl en 2004, soit au niveau de 1988. La Suisse (qui importe 78'000 hl) pointe au sixième rang, pour une valeur de 96 millions d’euros (contre 155 mios, respectivement 146 pour la Grande-Bretagne et la Belgique, en tête). Ce chiffre, pour la Suisse, a baissé de 18% par rapport à 2003 !
Pour la Chambre d’agriculture, «la diversité des vins de Bordeaux ne répond pas à la demande». Et verdict du négociant Christian Delpeuch, président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) depuis juillet 2004 : «La marque c’est l’avenir des bordeaux face aux vins du Nouveau Monde. Encore faudrait-il se donner les moyens de faire des produits qualitatifs.» On ne saurait mieux dire !
                                                                                                       Pierre Thomas

Eclairage
Redorer le blason des petits bordeaux

Fin 2004, le CIVB a demandé aux guides de vins français de sélectionner «100 vins de Bordeaux à moins de 15 euros». Ces crus ont été présentés à Paris (liste sur www.vins-bordeaux.fr) puis à Londres, New York, Bruxelles, Tokyo, Shanghai, Moscou… L’exercice vient d’être fait en Allemagne, où un jury de sommeliers et de journalistes spécialisés a décrit 100 bordeaux «pour tous», parmi 250 échantillons fournis par les importateurs. Cette fin janvier, la Sopexa, l’antenne zurichoise de l’organe de promotion des produits français à l’exportation, met sur pied une dégustation pour le marché suisse (réd. : Pierre Thomas fait partie du jury). Le CIVB rappelle que seuls 5% des vins vendus sous l’appellation bordeaux coûtent plus de 15 euros. En France, 86% des bordeaux consommés par les ménages sont achetés en grandes et moyennes surfaces (60% en hyper et supermarchés), pour un prix moyen de 4 euros (6 francs suisses), selon un rapport de la Chambre d’agriculture pour l’année 2004.

12 bordeaux de supermarchés notés:
1) Bordeaux d'Estournel 2001, Prats Frères, Coop, 9,90 fr. 13,6/20
2) Dourthe No 1, 2001, Vignobles Dourthe, Coop, 13,90 fr. 13,2
3) Royal Saint-Emilion 2003, Union des producteurs, Magro/Cadino, 19,90 fr. 13
4) Malesan 2003, Chais Malesan, Denner, 7,45 fr. 12,6
5) Réserve de Monsieur Louis 2003, Louis Eschenauer, Aligro, 8,70 fr. 12,6
6) Calvet Réserve 2002, J. Calvet, Denner, 9,95 fr. 12,6
7) Cuvée Colline 2000, Sélection A. von Essen, C. Moueix, Manor, 16,95 fr. 12,2
8) Bordeaux 2002, Barton & Guestier, Aligro, 9,10 fr. 11,8
9) Réserve Louis de Montgérac 2003, L. de Montgérac, Aligro, 6,70 fr. 11,6
10) Réserve spaéciale 2002, Barons de Rothschild (Lafite), Coop, 13,90 fr. 10,8
11) Bordeaux 2004, Baron Philippe de Rothschild (Mouton), Manor, 14,90 fr. 10,4
12) Mouton-Cadet 2003, Baron P. de Rothschild (Mouton), Magro/Casino, 13,95 fr., 10,4