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Posted on 26 avril 2006 in Conso

Des blancs espagnols en évidence

Des blancs espagnols en évidence

(Paru dans «Tout Compte Fait» de mars 2006)
Vins blancs de
supermarchés: olé !

Qui l’eût cru ? Dans les supermarchés, les blancs espagnols font des ravages. Les Suisses essaient de régater, en vain, en-dehors de leur chasselas, chasse gardée.
Il y a vingt ans, personne n’eût parié une peseta sur les vins blancs espagnols. Le plus vaste pays viticole du monde (1,2 millions d’hectares) s’est diversifié. Rouges modernes et blancs itou. Et si la consommation espagnole a chuté, passant de près de 50 litres à 30 litres par habitant, dont un quart de blanc, mousseux (cava) compris, l’exportation dépasse les 20%. Ainsi, par rapport à 2002, l’importation de vins blancs espagnols en Suisse a doublé, passant de 1,5 à près de 3 millions de litres (dont les 2/5 en bouteilles).
Des vins aromatiques
Les deux vins classés en tête de notre test sont des fers de lance d’entreprises modernes. Venu de la Rioja, Marquès de Riscal a planté près de 200 hectares de cépages blancs dans une région connue pour ses blancs, la Rueda, dénomination d’origine depuis 25 ans, dans la région nord de Valladolid. On y trouve la variété autochtone, le verdejo, complétée par un peu de viura. Ce vignoble cultive aussi le sauvignon blanc.
Même volonté de diversification en Catalogne, avec le «Vina Esmeralda», résolument aromatique. La grande maison Torres a planté des muscats, d’Alexandrie et à petits grains, et du gewurztraminer (15% dans ce vin) dans les collines de l’arrière-pays de Barcelone, entre 750 et 850 m. d’altitude. De toute sa gamme, ce blanc est le plus aromatique et, dans la dégustation, il «paie» sa générosité, plus adaptée à des mets iodés ou à la cuisine asiatique qu’à une table de cuisine française.
Des mariages arrangés
Question de goûts, bien sûr… Mais cette dégustation concernait des vins «surprise», à l’exclusion du chasselas si helvétique, toujours bien représenté (lire l’encadré), et les chardonnays et autres sauvignons «mondialisés». Outre des vins «exotiques» — le viognier sicilien ou le moschofilero grec —, plusieurs assemblages. Plus qu’en rouge, ces mariages paraissent souvent arrangés pour des raisons commerciales.
Dans le millésime 2004, de grosse production, les Suisses ont mis en supermarché plusieurs assemblages «nouveau style». Aucun n’a franchement convaincu. Les mieux placés sont des vins genevois, «La Feuille d’Or», fruit de riesling X sylvaner et de pinot blanc, mieux noté que «La Cuvée Blanche», de culture bio, qui marie les mêmes cépages à une base de chasselas. En queue de dégustation, les cuvées valaisannes et tessinoises se livrent à un chassé-croisé : le «Haut de Cry» ne révèle pas sa formule au consommateur, tandis que le pinot blanc et chardonnay de la Cave du Tunnel souffrait d’un problème technique.
Le Tessin, canton à blanc?
Plus étonnante encore, la présence de deux vins tessinois, le «San Giorgio» mélange de chasselas, riesling X sylvaner, pinot gris et chardonnay (rien que ça !) et «Il Mattirolo», de sauvignon, sémillon et chardonnay. Quand on sait qu’à peine 10% des 1'000 hectares tessinois sont plantés en cépages blancs, on se demande comment ces vins peuvent finir en supermarché… Et on aura cherché en vain des assemblages vaudois du même acabit. Si la Banque Cantonale Vaudoise, dans un récent rapport sur la viticulture vaudoise, flétrit la monoculture du chasselas (2470 ha, soit deux tiers du vignoble), pour le consommateur suisse, ce blanc sec traditionnel n’a pas dit son dernier mot. Il offre moins de «surprise», mais moins de désillusion aussi!
                                                 
Eclairage
Le prix (biaisé) de la mondialisation
Attaque classique contre les grands distributeurs : en Suisse, ils gagnent sur deux tableaux. Pour les vins, ils font pression sur les producteurs indigènes, mais le prix, relativement élevé qu’accepte de payer le consommateur, permet de vendre cher des produits importés où la marge est importante. Pourtant, les chiffres ne permettent pas de faire endosser à la grande distribution le rôle de fossoyeur de la viticulture suisse. Depuis l’ouverture des frontières, en 2001, l’importation des vins blancs se situe certes autour de 23 millions de litres, soit un tiers de la consommation des blancs, mais elle est stable. Jusqu’à l’assouplissement des contingents, la part du vin suisse était, il est vrai, de 100%! Pour les rouges, l’importation à hauteur de 134 millions de litres en 2005 n’a jamais été aussi basse depuis 2001 (année record : 142 millions). L’indice, vraisemblablement, que la consommation du vin a chuté en Suisse, l’an passé. On parle de 10% : confirmation par l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) au printemps 2006.

Le classement
1) Marquès de Riscal 2004, DO Rueda,  Espagne, Aligro, 9,50 CHF 14,8/20
2) Vina Esmeralada 2004, DO Catalunya, Espagne, Aligro, 12,10 CHF 14,8
3) Academia del Sole 2004, IGT Sicilia, Italie, Manor, 9,95 CHF 13,6
4) La Feuille d'Or 2004, AOC Genève, Suisse, Denner, 8,45 CHF 13,4
5) Colombard-Chardonnay 2004, VdP Gascogne, France, Aligro, 6,30 CHF 13,2
6) La Cuvée Blanche 2004, AOC Genève, Suisse, Coop, 9,50 CHF 12,8
7) Moschofilero 2003, Boutari, Grèce, Carrefour, 8,90 CHF 12,6
8) Haut de Cry 2004, Orsat, Valais, Suisse, Casino, 12,30 CHF, 12
9) Bianco del San Giorgio 2004, Tessin, Suisse, Manor, 11,95 CHF, 12
10) Pinot Blanc-Chardonnay 2004, Cave du Tunnel, Valais, Suisse, Casino, 12,60 CHF, 11,2
11) Chardonnay-Pinot Grigio 2004, Veneto, Italie, Coop, 6,90 fr., 11
12) Il Mattirolo 2003, Tessin, Suisse, Carrefour, 15,30 CHF non classé

Classement complet et commentaires de dégustation dans Tout Compte Fait de mars 2006.