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Posted on 9 janvier 2005 in Vins suisses

Valais — Grain Noble ConfidenCiel: l’or du Rhône

Valais — Grain Noble ConfidenCiel: l’or du Rhône

Grain Noble ConfidenCiel
Les folles années de l'or du Rhône
Les vins liquoreux valaisans sont splendides. Plus de trente producteurs ont adhéré à une charte qui donne droit à un label désormais reconnu. Les 2001 sortent de barriques: grand millésime! Marie-Thérèse Chappaz toujours au sommet. Et les 2003?Par Pierre Thomas
S'il y a une chose que les «vendanges tardives» ne supportent pas, c'est bien l'impatience! Pour dissiper tout malentendu, écrivons-le d'emblée: il est trop tôt pour savoir si le millésime 2003, hors norme, donnera naissance à de grands vins liquoreux. La majorité des raisins laissés sur souche devraient se cueillir de fin novembre à mi-décembre. A moins que le blocage des sucres, enregistré de fin septembre à fin octobre, sur des raisins restés sains — du moins début novembre — pousse à récolter ces raisins encore plus tard, à mi-janvier. Comme en 1996? «Cette année-là, qui reste très intéressante, avait donné des vins de type tokays hongrois. Les grappes avaient connu un botrytis tardif et même la neige», se souvient Stéphane Gay, le Monsieur Grain Noble valaisan.
Un cercle toujours plus large

C'est lui, avec une poignée de passionnés (dont Marie-Thérèse Chappaz), qui a fondé, en cette année 1996, une charte, devenue «Grain noble ConfidenCiel». Plus de trente vignerons y ont adhèré, et le chiffre est en augmentation. Ils doivent satisfaire à des critères très précis (lire encadré), dont la dégustation — à l'aveugle, sans connaître les «auteurs» des échantillons — du dernier millésime, à mi-janvier, est une réelle épreuve. Si un producteur voit son vin éliminé trois ans de suite, il ne peut plus se réclamer de la charte.
Ca n'est, certes, pas encore arrivé… Et pour cause! Les vignerons valaisans ont amélioré leur technique. De plus en plus, ils procèdent à des «tries» et ramassent, presque grain à grain, les raisins qu'ils considèrent «à point». Car la nature reste, en permanence, la maîtresse du jeu, dans les «vendanges tardives» plus encore que dans tout autre vin. Grise ou noble, toute la différence
Pour réussir de grands vins liquoreux, il faut bénéficier de la «pourriture noble», le «botrytis cinerea». Il suffit que l'humidité gagne les vignes pour que ce champignon reste au stade de «pourriture grise», une moisissure rédhibitoire. Mais si le fœhn se lève, le pire ennemi du vigneron se transforme alors en précieux allié: les raisins se couvrent d'un fin duvet, les arômes se transforment et prennent la note de «rôti», propre aux plus grands liquoreux du monde, du Sauternais au Tokay, en passant par l'Alsace.
Mais attendre le botrytis est risqué, rappelle Stéphane Gay: «Les grands millésimes comme 1990 et 1994 sont aussi ceux où le botrytis s'est développé très rapidement. Combiné à une haute teneur en sucre, on a là les plus grands vins!». Avec un botrytis moyen à fort, selon les microclimats valaisans, 2001 est, ainsi, un excellent millésime, à ranger à côté de 1999, 1998 et 1997. Tandis que 2000, 2002 et — peut-être — 2003 sont plus hétérogènes, certains vins ayant des caractéristiques moins complexes de raisins simplement «flétris», donc desséchés par le soleil et le temps…
Vers des 2003 rares et chers

Autre ombre au tableau de 2003: certains vignerons, face à une vendange très faible en quantité, mais excellente en qualité, ont préféré miser sur les «spécialités» sèches. Le chiffre de quelque 100'000 demi-bouteilles par an de «vendanges tardives» en Valais, en moyenne, risque donc de ne pas être atteint, loin s'en faut. Mais le prix — que le président de la charte évalue à 25 francs les 37,5 cl, «prix plancher» — pourrait bien grimper, selon l'adage «tout ce qui est rare est cher». Raison de plus pour apprécier le millésime 2001qui, aujourd'hui, sort à peine des barriques et des caves.
Eclairage
Dix points clés

Signée en septembre 1996, la charte «Grain noble»* a pour but de «promouvoir et défendre les vins blancs doux naturels du Valais». Les dix points concernent la vendange des «meilleurs coteaux»; l'âge des vignes «de plus de 15 ans»; le choix limité des cépages (arvine, marsanne, johannisberg, malvoisie, amigne et païen); la surmaturation, exclusivement sur souches; le non-enrichissement des raisins et des moûts (chaptalisation, concentration); la teneur en sucre élevée (130° Oechslé minimum); l'élevage en bois de 12 mois au moins; la renonciation au label «les années climatiquement défavorable», liée à l'obligation de produire du «grain noble» les années favorables et la défense de «l'esprit de la charte qui repose sur l'éthique et la confiance». Dès 2002, avec son enregistrement à Berne comme «marque de garantie», le label répond à une certification officielle, sous le logo renouvelé de «Grain noble ConfidenCiel terroir du Valais», apposé obligatoirement sur les bouteilles.
*Internet: www.grainnoble.ch, très complet, avec l'adresse de tous les domaines et de nombreuses informations.

Mes dix «Grain Noble» 2001 préférés

Ermitage, Marie-Thérèse Chappaz, Fully

Robe dorée; nez d'abricot, de raisin de Corinthe; épicé en bouche (poivre blanc); bel équilibre arômes-sucre-acidité, orange confite; vin très élégant et déjà équilibré.
Ermitage, Denis Mercier, Sierre

Robe dorée; nez explosif d'abricot séché; attaque sur les fruits confits, la pâte de fruits; belle montée en puissance en bouche, légère note boisée et épicée, une pointe d'alcool; un vin au corps plein et splendide.
Amigne, Fabienne Cottagnoud, Vétroz

Robe jaune à reflets dorés; nez d'encens, de miel, de pâte de coing; attaque patinée, style «rancio»; en bouche, un goût de banane caramélisée, belle complexité; un vin à la fois puissant et élégant.
Malvoisie, Fabienne Cottagnoud, Vétroz

Robe jaune à reflets dorés; nez de safran, de «rôti»; attaque encore sur le bois, un peu dissocié; beau fruité en bouche; finale sur l'eau-de-vie de framboise et la truffe blanche, un vin élégant.
Ermitage Octoglaive, Domaine Cornulus, Savièse

Robe orangée; nez de thé noir, de sous-bois; attaque sur la matière sucrée; vin hors norme, style Tokay concentré (Essenczia); finale sur la pomme caramélisée.
Ermitage Merle des Roches, Domaine du Mont-d'Or, Pont-de-la-Morge

Robe jaune à reflets dorés; nez de fraise des bois; attaque sur la finesse et finale sur la résine et le poivre rose; l'élégance privilégiée au détriment de la puissance.
Petite Arvine, Marie-Thérèse Chappaz, Fully

Robe jaune à reflets dorés; nez de bonbons à l'anis, de raisins au rhum; attaque fraîche, sur une structure massive, qui rappelle la marmelade d'orange; vin complexe, bien soutenu par l'acidité.
Ermitage, Philippe Darioly, Martigny
Robe dorée; nez de fruits confits et de raisins secs; attaque sur la truffe (trahissant la pourriture noble) et le caramel; arômes de nougat, de café; boisé pas encore fondu.
Malvoisie, Philippoz Frères, Leytron

Robe jaune à reflets dorés; nez fruité; attaque grasse et crémeuse, rappelle l'eau-de-vie de framboise; structure moyenne, bon soutien acide, boisé un peu assèchant.
Johannisberg Larme de décembre, Thierry Constantin, Pont-de-la-Morge

Robe jaune à reflets dorés; nez d'amande grillée; attaque sur les raisins de Corinthe, le safran, la mirabelle; du gras, de la matière; finale sur des arômes secondaires, vin encore sur la réserve.

Article paru dans Al Dente/L'Illustré en décembre 2003