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Posted on 11 juin 2007 in Tendance

Tout sur les vins d’Alinghi

Tout sur les vins d’Alinghi

Sur un air de «Tontons flingueurs»
Alinghi, du vin dans les voiles

«Que serait la voile sans eau?», interroge une marque d’eau minérale, soutien officiel d’Alinghi. Le «defender» de la Coupe de l’America peut rétorquer qu’il marche à l’eau et au…vin. Car l’amitié lie un œnologue valaisan, Gilles Besse, et Ernesto Berteralli, associés aux fins nectars par leurs oncles respectifs. Et les Vaudois ont décidé de mettre le cap sur Valence, avec chasselas, saucisson et fondue (lire en fin de texte).
Par Pierre Thomas
Du côté valaisan, l’oncle, c’est Jean-René Germanier, conseiller national radical, de qui son neveu, Gilles Besse, a repris la responsabilité de la cave, à Vétroz. Et du côté italien, le parent proche s’appelle Claudio Tipa, frère cadet de Maria-Iris, la mère d’Ernesto Bertarelli, propriétaire d’un domaine en Toscane, ColleMassari. En Suisse, les vins de Jean-René Germanier sont associés au défi d’Alinghi dès le départ, et davantage, évidemment, cette année. En Italie, le beau vin rouge, rejoint par un cru prestigieux, Grattamaco, sont moins présents. Mais ils font partie de la garde rapprochée du navigateur.
Une amitié genevosie
Pourtant, si Gilles Besse et Ernesto Bertarelli —nés en 1965 — se sont rencontrés, le vin n’y était pour rien. Dans les années 80, à Genève, ni l’un, ni l’autre ne savait quel serait son destin. Le premier étudiait les lettres et s’investissait à fond, au saxo, dans le groupe musical «Les tontons flingueurs». Le second se préparait à la biologie et au management. Ils faillirent se perdre de vue quand le premier, appelé par son oncle, décida de faire œnologie à Changins, puis de rentrer en Valais, et l’autre partit aux Etats-Unis parfaire ses études. L’amitié n’a pas cédé et les deux ont épousé une Américaine: «On faisait de bonnes rioules, on allait skier et on passait nos vacances ensemble!», se souvient Gilles Besse. Un troisième larron, Michel Bonnefous, était de la partie : son parcours l’a conduit de la fiduciaire familiale à la direction générale de la 32ème Coupe de l’America à Valence, dont la finale débute le 23 juin.
Du vin dès le départ
Quand le projet d’Alinghi germe, le trio n’a pas volé en éclats. Si l’eau paraît naturelle à la voile, comment y mêler le vin ? «Il faut un concept, pas seulement un logo sur la bouteille», dit-on au Valaisan. Depuis l’expédition de la Nouvelle-Zélande, et le coffret «Léman»  — un gamaret de Genève, un Epesses (VD) de Luc Massy et une amigne de Vétroz (VS) — Gilles Besse sera de toutes des régates. Dans le sillage de la victoire du bateau suisse en 2002, un «duopack» de chardonnay et d’assemblage rouge Gally cartonne : «On en a vendu 7'000 bouteilles la semaine après la victoire !». Deux magnums d’un coffret «Victory» saluent aussi l’exploit, une humagne rouge valaisanne et un ColleMassari.
L’alliance de l’eau et du vin est scellée. Car l’ingénieur Claudio Tipa, après une carrière dans l’industrie des télécommunications en Suisse, s’est acheté son domaine en Toscane en 1999. 450 hectares : des vignes à replanter (70 ha), des oliviers, avec, en prime, un château fort à restaurer, à Montecucco. Il reprend aussi la gestion de Grattamaco (11 ha), une des étiquettes historiques de Bolgheri qui, longtemps, n’a fait que des «vins de table» aussi prestigieux que Sassicaia, Ornellaia ou Paléo.
Assurer en cas de victoire
Ce printemps, pour surfer sur la vague, Gilles Besse a mis, petit à petit sur le marché suisse 30'000 bouteilles de «Blanc de Mer» et autant de «Rouge de Terre», des assemblages, roulant sur trois millésimes pour le blanc, et deux pour le rouge. «Si Alinghi s’impose, il faudra assurer après !» Les flacons valaisans sont devenus les «vins officiels» du «défender». L’œnologue se rend souvent en Espagne. «Je les ai fait déguster à Valence, qui est aussi un des carrefours du vin espagnol. Les sommeliers de là-bas préfèrent le blanc ; ils trouvent le rouge trop léger à leur goût. J’ai voulu proposer ces cuvées au restaurant officiel de la Darsena, mais les tenanciers, fair-play, m’ont dit : pas de favoritisme!».
Une régate de dégustation
A Valence, autant que le vent, le vin est devenu un sujet chaud. Fin avril, des vignerons de tous les pays en lice dans les régates se sont donné rendez-vous pour «Vina a toda vela» (vin à toute voile). Gilles Besse s’y est rendu avec Luc Massy, le président de la Baronnie du Dézaley : «Le père d’Ernesto aimait déjà bien le Chemin de Fer, son fils a suivi». Grattamaco et Cayas, la syrah haut de gamme de Jean-René Germanier (le 2004 vient de décrocher une médaille d’or au Concours mondial de Bruxelles) se sont tiré la bourre dans une «régate de dégustation» sur cinq millésimes, pour un parterre de journalistes. «Cayas s’en est bien sorti… Il n’y a pas eu de 5 à 0 pour la Toscane! Je retourne à Valence pour le 29 juin, et là, ça pourrait bien être le jour du 5 à 0, en faveur d’Ernesto et de son équipage, bien sûr !», se réjouit Gilles Besse. En Suisse, les ventes de vin repartiraient, avec des royalties payées à Alinghi, pour un montant que le vigneron ne dévoile pas. «Secret défense» entre amis.
Paru dans 24 Heures du 8 juin 2007.
                                             
Les vins d’Alinghi
Blanc de Mer 2006
Jean-René Germanier, 17,50 fr., en vente à la cave à Vétroz, chez Manor et Coop
AOC Valais, 80% amigne de Conthey et Vétroz et 20% chardonnay de Saxon
Gilles Besse : «L’image fonctionne bien, avec une amigne peu connue et un chardonnay, cépage international qui rassure.»
Rouge de Terre 2005
Jean-René Germanier, 17,50 fr., en vente à la cave à Vétroz, chez Manor et Coop
AOC Valais, 40% syrah, 40% de gamay, 20% de diolinoir.
Gilles Besse : «J’ai voulu faire un vin de fraîcheur, pas dans le genre confituré.»
ColleMassari 2004
Rosso Riserva, 26,90 fr., B. Cosandey, La Conversion, www.granchateaux.ch
DOC Montecucco, 80% sangiovese, 10% cilliegielo, 10% cabernet-sauvignon
2 verres (sur 3) pour le 2003 au Guide Gambero Rosso 2007
Claudio Tipa : «C’est le premier vin de mon domaine, que j’aime beaucoup. Mais je vais sortir l’Ombrone 2004, un pur sangiovese toscan.»
Grattamacco 2003
63,50 fr., B. Cosandey, La Conversion, www.granchateaux.ch
Bolgheri Superiore DOC, 65% cabernet sauvignon, 20% merlot, 15% sangiovese
3 verres (sur 3) au Guide Gambero Rosso 2007 (et déjà pour le 1985!)
Claudio Tipa : «Un excellent cru, salué avant que je gère le domaine pour dix ans (dès 2002). Je vais faire encore mieux avec l’Alberello, issu de raisins de 2 hectares de ma propriété, vinifiés par notre œnologue, Maurizio Castelli.»

Eclairage
Saucisson et chasselas
VS
kiwis et sauvignon

Les Vaudois descendront en force à Valence, du 22 juin au 7 juillet, pour servir au bar du «defender» Alinghi saucisson, fondue et chasselas. Histoire de montrer, aux supporters suisses d’abord, que La Côte (se) bouge. Décodage.
D’un côté, du saucisson et de la fondue, arrosés de chasselas vaudois. De l’autre, des kiwis et du sauvignon blanc. Pour une diététicienne, la régate est entendue! Côté suisse, protéines et graisse animale, côté néo-zélandais, de la vitamine C en fruit.
Des blancs aux antipodes!
Rayon vins, malgré tous les efforts, le petit blanc neutre le plus mésestimé du monde, emblème du protectionnisme du réduit national viticole, le chasselas donc, de l’autre, le blanc de l’ouverture mondiale, ce sauvignon ravigotant aux arômes de grapefruit, que le monde entier envie et copie. Heureusement que la Coupe de l’America ne se joue ni à table, ni au bar! Avec leur dose de «y en a point comme nous», un quarteron de producteurs de La Côte vaudoise débarquera donc à Valence avec des coffres pleins de victuailles. Le tout est chapeauté par «Art de vivre», qui coiffe les produits vaudois du terroir, vins compris, et par «Présence suisse», pour un budget de 60'000 francs. Les participants y vont de leur appui: outre les frères Kursner, vignerons à Féchy, le Château de Châtagnéréaz, à Mont-sur-Rolle, et Bolle et Cie à Morges, deux entités du groupe vinicole Schenk, gros acteur économique à Valence, justement.
Un mariage discuté
Côté fromages, une panoplie de produits vaudois et romands, qui pourrait préfigurer une communauté d’intérêts entre le vin et le fromage, si la promotion des vins suisses à l’exportation était reprise par Swiss Cheese Marketing. Envisagé après la déconfiture de Swiss Wine Communication, ce mariage a du plomb dans l’aile, à cause des réticences tant du côté de la SWEA, l’ex-société suisse des exportateurs, réactivée, que des Valaisans.
Quant à «Présence suisse», elle prépare à Valence l’exposition internationale de Saragosse, l’an prochain, sur le thème «eau et développement durable». Comme disent les Vaudois, «santé et conservation»!

Paru dans Hotel + Tourismus Revue du 13 juin 2007