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Posted on 6 mars 2023 in Vins suisses

Charte Grain Noble ConfidenCiel: 25 ans et une cuvée!

Charte Grain Noble ConfidenCiel: 25 ans et une cuvée!

Double événement : pour la première fois, un nectar suisse obtient 100/100 du dégustateur Stephan Reinhardt, au service du Wine Advocate fondé par Robert Parker. Et c’est un liquoreux de Marie-Thérèse Chappaz. La plus célèbre des vigneron(ne)s suisses est une des fondatrices de la Charte Grain Noble ConfidenCiel, qui, la veille de la publication du palmarès, présentait à Sierre sa cuvée commune du 25ème millésime, un assemblage tiré de l’année 2020, où tous les vignerons ont fourni «ce qu’ils pouvaient» de leurs raisins surmaturés…

Par Pierre Thomas

La vigneronne de Fully n’était pas là pour parler de sa Petite Arvine Grain par Grain 2020 (noté 100/100). Ce vin est un quasi-OVNI (objet vinique non identifié) par ses caractéristiques (raisins botrytisés, récoltés en sept passages, pour 150 demi-bouteilles, toutes vendues, et 3,5 degrés d’alcool, qui ne devraient pas lui permettre de porter légalement le nom de «vin», mais le rapproche de l’essencia du Tokay). Marie-Thérèse Chappaz est aussi présente à la Mémoire des vins suisses avec sa petite arvine liquoreuse «normale», si l’on peut dire, tant ce vin s’avère exceptionnel chaque millésime (j’en ai rendu compte sur le site de la MDVS* où 19 sont décrits).

Mais, à entendre quelques uns de la quinzaine de vignerons qui «pratiquent» la Charte valaisanne, un tel nectar est aujourd’hui à l’opposé du style voulu… On a dégusté cette Cuvée commune du 25ème millésime, caractérisée par une grande fraîcheur, avec une sucrosité bien intégrée, une belle acidité, sans impression de lourdeur ou d’arômes confits à l’extrême, et une note de boisé, de caramel. Puis, on a repris la cuvée des 10 ans de la Charte, un 2005, aujourd’hui au nez de safran et de malt, avec une belle liqueur et des notes de thé Earl Grey, avec beaucoup de gras et une finale épicée et des notes de pain grillé.

Même fiche d’identité et différents !

Deux vins qui paraissaient dissemblables… Et pourtant ! Je me suis procuré les analyses chimiques des deux vins (réalisées la semaine dernière) : pratiquement le même volume d’alcool (13% en 2020, 12,5% en 2005), même taux de sucre (160 g/l), même PH (un peu plus de 4), même acidité (3, exprimé en malique). Deux vins quasi identiques sur le papier !

Il y a certes quelques différences objectives. La première est due aux raisins récoltés. Les cépages font beaucoup. Ils sont limités à cinq par le règlement de la Charte : en 2020, si la marsanne, nommée ermitage en Valais, domine (comme en 2005), l’amigne s’ajoute au pinot gris, appelé malvoisie, (aussi présente en 2020), tandis que l’arvine figure en 2020, mais était supplantée par le sylvaner, appelé johannisber, en 2005. La météo fait encore davantage : en Valais, au climat de steppe continentale, toutes les années ne permettent pas de récolter des raisins botrytisés, mais plus souvent (des)séchés sur souche. Les notes de «rôti» ne s’expriment pas de la même manière chaque année… Et puis, il y a l’évolution: ces vins liquoreux sont construits pour durer quasi éternellement (on sourit en lisant sur l’excellent site de Marie-Thérèse Chappaz** que le Grain par Grain 2020 est bâti pour 20 ans…) et procureront du plaisir aux générations futures…

D’une profonde méditation…

En bénéficieront-elles ? Il y a un quart de siècle, une trentaine de caves valaisannes soumettaient leurs vins liquoreux à une commission de dégustation qui accorde le label Grain Noble ConfidenCiel (la nuance d’écriture, si bien vue, a été proposée par Marie-Thérèse Chappaz elle-même !). Aujourd’hui, elles sont moitié moins… Ancien président, l’œnologue Emmanuel Charpin confie : « Il y a deux tiers de vins liquoreux de moins mis sur le marché en Valais qu’il y a 25 ans. Mais il y en avait trop, à l’époque… La Charte conserve un socle suffisant de fidèles. Des jeunes reprennent les domaines. Ce serait vraiment dommage de laisser tomber les exigences du texte. On ne sait pas comment évoluera la préférence du goût dans vingt ans !»

C’est sûr, les liquoreux, faute de trouver leur place à table — en apéritif, quand ils ne sont pas trop lourds en sucre… et pour éviter «le vin de trop» en fin de repas —, se positionnent comme des «vins de méditation».

Et de questionnement sur leur avenir!

 *https://www.memoire.wine/fr/vins/

Dans le moteur de recherche, sous producteur, cliquer sur Cave Marie-Thérèse Chappaz, 19 millésimes commentés (ci-dessous, les millésimes dégustés en hiver 2022 à Zurich).

**https://www.chappaz.ch/fr.wine

Chronique hebdomadaire du 8 mars 2023 sur le blog les5duvin.