Syrahs suisses 2001 en tête pour le GJE
Le bruit a couru à mi-novembre: six syrahs suisses ont trusté les meilleures places dans une session du Grand Jury Européen (GJE), dont les quatre premières. La dégustation, jouée par deux douzaines de dégustateurs sur les bords du lac de Côme, à la Villa d’Este, portait sur 35 vins de France, de Suisse, d’Australie, des Etats-Unis, d’Italie et d’Espagne. Elle portait sur le millésime 2001.
Aux quatre premières places, la Syrah «Vieilles Vignes» de Simon Maye et fils à Saint-Pierre-de-Clages (VS) l’emporte avec 92,05 points sur 100, devant la Syrah «Sang de la terre» de Claudy Clavien, à Miège (VS), 90,48 pts, la Syrah de Saint-Saphorin (VD) de Marco et François Grognuz, père et fils, 89,67 pts, et la Syrah «Quintessence» de Benoît Dorsaz, à Fully (VS), 89,34 pts. Suivent deux vins classés en AOC Crozes-Hermitage, «Les Guiraudes» d’Alain Graillot, 89,12 pts, puis le Clos des Grives de Laurent Combier, 88,97 pts, Denis Mercier, de Sierre, 88,75 pts, la Krankl «Midnight Oil» américaine, 88,53 pts, la Pré des Pierres, de Didier Joris, à Chamoson (VS), 88,16 pts et, dixième, la Côte-Rôtie (simple) des frères J.-P. et J.-L. Jamet, 87,74 pts, selon des pointages obtenus auprès d’un des vignerons les mieux placés.
Côtes-Rôties larguées
Un triomphe suisse sur toute la ligne, donc, et un désaveu des vins français les plus réputés, donc les plus chers, comme la Côte-Rôtie Les Grandes Places, de J.-M. Gérin, 16ème (86,67 pts), La Turque de Guigal, 24ème (85,27 pts) et, bon dernier, 35ème donc, l’Hermitage La Chapelle, de Jaboulet, 82,8 pts. Cette maison, depuis lors, a changé de propriétaires, passant sous le contrôle de la famille Frey, domiciliée dans la région lausannoise et propriétaire du Château La Lagune, dans le Haut-Médoc. C’est, du reste, le professeur bordelais Denis Dubourdieu qui, désormais, vinifie chez Jaboulet, en Vallée du Rhône…
Pas question de bouder notre plaisir: ces syrahs suisses sont, depuis bientôt dix ans, de très grands vins, rares et, pour qui peut s’en procurer en direct, pas cher (entre 30 et 40 francs suisses le flacon) — on rappelle les résultats, cette année, au Concours mondial de Bruxelles. On doit évidemment regretter qu’il y en ait si peu : 173 hectares de syrah en Suisse, dont 152 en Valais, 8 ha à Genève, 5,6 ha en Pays de Vaud et 3,3 ha au Tessin. Une paille, sur 15'000 ha, dont 4'490 ha de pinot noir. Les amateurs ne peuvent que regretter cette présence confidentielle de la syrah, bien sûr plantée sur les meilleurs coteaux, aux meilleures expositions, des faits qui expliquent aussi le résultat!
Questions de méthode et d’apogée
Mais le GJE a de la peine à communiquer. Ces résultats ne figurent pas sur le site www.grandjuryeuropeen.com, où il faut s’enregistrer pour obtenir les rapports sur les dégustations (dernier en date : les bordeaux 2004). Le GJE tente de faire pièce à Robert Parker et au Wine Spectator ; toutefois, ses communications sont relevées par 200 à 1800 internautes (pour les bordeaux primeurs 2006), à en croire les statistiques du site. C’est peu! Le GJE, qui affirme qu’une «somme de subjectivités constitue un début d’objectivité», s’il est constitué d’excellents dégustateurs reconnus et cooptés, n’a pas l’aura qu’il ambitionne et mérite sans doute. Son système de dégustation, à l’aveugle, en principe avec tous les vins servis en même temps et donc sous le nez de chaque dégustateur, prête à discussion, en opposition à une dégustation verre après verre ou série après série. Les résultats de la dégustation des syrahs montrent que, dans un millésime jugé difficile et le moins coté entre 1997 et 2005 (sur huit millésimes) dans les Côtes-du-Rhône, et jugé moyen en Valais (un peu supérieur à 1999 et 2002, égal à 2004 et inférieur à 2000, 2003 et 2005), les jurés ont privilégié les vins à leur apogée gustative. C’est ce que paraît montrer le classement, avec les vins suisses et les Crozes-Hermitage largement en tête. (©Pierre Thomas, 20.11.07)