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Posted on 31 juillet 2008 in Vins suisses

Vaud — Le retour de l’arbalète en Lavaux

Vaud — Le retour de l’arbalète en Lavaux

Testuz à Treytorrens en Dézaley
Le retour de l’arbalète

Grâce à ses marques populaires, Testuz veut rester un fleuron — indépendant — du vignoble vaudois. Le point avec son nouveau directeur (valaisan) Tobias Mathier.
(Le 8 avril 2015, annonçait 24 Heures, Tobias Mathier était licencié avec effet immédiat et suspendu de ses fonctions chez Testuz).
Par Pierre Thomas
Il y a deux ans, la «maison à l’arbalète» était proche de la culbute. De nouveaux actionnaires ont repris le collier: un avocat lausannois, une descendante de la famille fondatrice et le jeune directeur, accompagnés, au conseil d’administration, d’un gestionnaire de fortune montreusien et du directeur des boîtes à musique Reuge, à Sainte-Croix, Kurt Kupper. Au moment où Badoux, à Aigle, rejoint la holding Schenk de Rolle, via Obrist, Testuz trace sa voie en solitaire… En un an, la maison de Treytorrens en Dézaley a repris du poil de la bête. Elle figure parmi les acteurs qui comptent à Lavaux, avec 8 hectares de vigne en propriété, 32 hectares en location et 250 fournisseurs de vendange, pour près de 2 millions de kilos de raisins pressés.

Chasselas d’abord

«J’ai l’avantage d’être né dans le milieu, mais je suis branché vente», explique Tobias Mathier, 33 ans, le directeur du renouveau. Ce fils de vigneron de Sierre (VS) a étudié l’œnologie à Wädenswil, avant de se former en marketing. Son analyse du vin vaudois est simple : «Vaud est connu pour son chasselas et ses appellations d’origine. Il faut miser sur l’un et les autres. Nous sommes réputés pour de bons pinots et de bons gamays. Se lancer dans des spécialités nous ferait perdre nos racines. Regardez en Valais : il y a trop de divergences dans la qualité et l’on voit des petites arvines et des cornalins bradés en supermarché.»
Le jeune chef d’entreprise n’est pas peu fier que ses «marques phares», le «Coup de l’Etrier» 2007, un épesses, ait obtenu 91,6 points sur 100 à la dernière Sélection des vins vaudois, et que le dézaley «L’Arbalète» 2007, avec 91,4 points, soit sorti premier de ce «grand cru». La maison de Treytorrens, en est, du reste, le plus gros producteur, après la Ville de Lausanne. Depuis quelques années, elle élevait «La Borne» en barriques : «On a renoncé cette année. C’était un fiasco total. Les clients ne comprenaient pas pourquoi un dézaley avait un léger goût de chêne.»

La Suisse alémanique en point de mire

Même marche arrière avec la gamme des «Oenocrates», au nom prétentieux. Et plus question de miser sur l’exportation : «Avec la production suisse, si faible puisqu’elle n’atteint même pas les 40% de la consommation indigène, on doit pouvoir vendre tous nos vins chez nous.» Sous-entendu, en Suisse alémanique d’abord, où ce bilingue dispose d’une force de vente d’une quinzaine de commerciaux qui tournent, là où il vend les trois quarts de ses flacons. Et c’est à Zurich, le 21 octobre, qu’il va lancer un «nouveau vin», à base de chasselas, promis, dit-il, à un grand avenir… Mais il n’en dira pas plus avant la date fatidique!
Un œnologue, en place depuis plus de vingt ans, Beat Blatter, et une nouvelle arrivée, Isabella Brunner, qui est passée par l’Australie, sont en charge des vinifications : «Nous étudions de nouveaux vins : un pinot surmaturé dans le style amarone, un blanc et un rouge en fût de chêne, en plus d’une cuvée sélectionnée de dézaley, avec une étiquette d’artiste qui changera chaque année, à tirage limité (1’000 flacons).»

Les domaines mis en avant

Testuz mise aussi sur ses domaines, comme le Château d’Hauteville, le Domaine de La Doges, ou le Clos des Abbesses (AOC Morges), dont les étiquettes viennent d’être «relookées». Elles utilisent toutes les (larges) possibilités de la législation vaudoise actuelle: «grand cru» pour les entités cadastrées d’un seul tenant et Vevey accolé à Lavaux, même hors du périmètre classé par l’UNESCO.
Image de marque de la maison, l’arbalète ponctuée de quatre étoiles d’or sur fond bleu, apparaît sur tous les supports, de la bouteille au camion. Au point que Tobias Mathier va réactiver une confrérie à son emblème, destinée aux clients fidèles. Arme et cible sont clairs; reste à viser juste, comme eût dit Guillaume Tell, la veille du 1er août !

Paru dans
24 heures, Lausanne, le 31 juillet 2008.