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Posted on 7 décembre 2009 in Tendance

Derniers bons livres sur le vin et les bistrots (2009)

Derniers bons livres sur le vin et les bistrots (2009)

Et si le Père Noël était vigneron, bûcheron ou bistrotier ?

Gros bouquins à mettre
sous le grand sapin

Terrible période que celle de décembre. Après les vendanges, voici la récolte. Combien d’arbres de Noël à la vocation détournée finissent-ils en «coffeetablebooks», ces livres pour table du salon, qui font le beurre des éditeurs et le désespoir des auteurs : ils restent sur la table sans jamais être consultés? Voici quelques conseils pour ne pas acheter et lire idiot en cette fin 2009.

Par Pierre Thomas

Vins : trois sommes capitales
…le Valais essentiel

Pour commencer, trois livres indispensables. Le premier, c’est l’«Histoire de la Vigne et du Vin en Valais». 600 grandes pages largement illustrées, d’auteurs divers, parues aux éditions Infolio, sous l’égide du Musée valaisan de la vigne et du vin.
Un chantier colossal, unique en Suisse, pour le canton qui, à lui seul, cultive un tiers de la surface du pays. Une véritable encyclopédie, dont les travaux ont été menés sur près de sept ans. Bien découpé en nombreux chapitres, plutôt courts, l’ouvrage, piloté par les historiens Pierre Dubuis et Sabine Carruzzo, se consulte en zappant d’un thème à l’autre. Essentiel pour la compréhension du milieu: histoire, bien sûr, remontant à 800 ans avant notre ère, mais aussi économie, ethnologie et ampélographie. Ce dernier point — l’étude des cépages — bénéficie des travaux scientifiques de José Vouillamoz, bien vulgarisés par le docteur lui-même. Et Dieu sait si le Vieux-Pays est à lui seul un conservatoire de cépages! Rappel: le Valais viticole est le seul canton où la vigne s’est largement développée depuis l’arrivée du chemin de fer (1850) et du… phylloxéra (1910). S’il ne fallait offrir (ou acquérir) qu’un seul livre cette année, ce serait celui-là!
68 fr., prix spécial, chez Payot (sinon, 85 fr.)

… une année toute en rosé

Dans le même genre encyclopédique et collectif, signé de trois auteurs, Claude Flanzy, engagé dans la démarche «terroir viticole», Gilles Masson, directeur du centre qui lui est consacré, et François Millo, patron du syndicat des appellations de Provence, un grand livre sur «Le vin rosé». Cette somme, parfois (très) technique, mais aussi historique et de mise en perspective économique et sociale, paraît l’année où le rosé a failli être gravement dévoyé: cet été, l’Union européenne a finalement retiré son projet d’autoriser l’élaboration de vin rosé en mélangeant blanc et rouge. Le rosé fait dans les règles de l’art eût été sacrifié sur l’autel du rendement économique et de l’écoulement des surplus de blanc de mauvaise qualité… Grâce à ce gros livre de 340 pages, le rosé entre dans la bibliothèque (mais pas rose, puisque paru chez l’éditeur bordelais Féret).
123,10 fr. chez Payot.

…un monument castelpapal

J’ai été enthousiasmé par «Châteauneuf-du-Pape, The Wine Book» (chez Kavino) de Harry Karis et son fils (pour les photos), aimablement envoyé par Michel Blanc, de la fédération des syndicats de producteurs de Châteauneuf-du-Pape. L’album de 500 pages, richement illustré, est «le livre définitif» sur l’appellation d’origine contrôlée — notion dont elle fut le berceau français… — «la plus sous-évaluée et la plus sous-appréciée du monde» du vin, comme l’écrit Robert M. Parker dans sa préface.
Après une large partie générique, très documentée, avec moult tableaux, l’album passe en revue 275 domaines répartis sur 3’500 ha de l’AOC (dont 2’322 plantés en grenache, largement en tête des fameux 13 cépages autorisés). Le vin de Châteauneuf-du-Pape est à redécouvrir, grâce à une succession de magnifiques millésimes récents: 1989, 90, 98, puis 2000, 2001, 2005 et 2007, grande année qui arrive sur le marché actuellement. Attention toutefois aux 170 «cuvées spéciales»: elles dérogent au principe sacro-saint d’assemblage, signature de tout domaine, qui était une caractéristique castelpapale essentielle (13 millions de bouteilles par an).
74 dollars US sur www.amazon.com

Histoires de beaux flacons

Coup de cœur encore pour «Le vin d’hier», du Genevois Pierre Chevrier (oui, le frère de Philippe, le chef de cuisine de Châteauvieux), paru chez Slatkine. Là, c’est Michael Broadbent, auteur et expert des ventes aux enchères, qui signe la préface. Car il y est question des bouteilles mythiques d’Yquem, de Haut-Brion et autre Romanée-Conti, en passant par Château Chalon, la vallée du Douro ou la région du Tokay hongrois. Des vins immortels qui sont certes des valeurs sûres, mais surtout des trésors qui vieillissent magnifiquement. Pierre Chevrier anime un groupe de dégustateurs habitués à déboucher des flacons hors d’âge, et fait partager sa passion. Ses appendices sur les millésimes, notés sur 6, seront utiles au moment de casser sa tirelire…
220 pages, illustrées, 89 fr. chez Payot

Trois fois le vin encore…

En beaucoup moins spécialisés, trois ouvrages de connaissances générales. D’abord, d’une élégance toute française, «Le Vin», sous-titré «Message des dieux, enchantement des hommes». Sous une couverture qui montre le vignoble valaisan, son auteur, Olivier Ott — de la famille ex- propriétaire de fameux domaines en Provence — fait le tour du monde du vin. L’ouvrage se signale par un style d’écriture parfois poétique, mais bien documenté, et d’un abord aisé et hédoniste… En fin d’ouvrage, quelques conseils de dégustation.
220 pages, sous jaquette souple, aux Editions Jeanne Laffitte, 42,70 fr. chez Payot.

Dans un registre abordable, basé sur des reportages sur place — nous avons fait quelques voyages ensemble… —, Jacques Orhon, sommelier d’origine française établi depuis longtemps au Québec et auteur de livres et d’émissions sur le vin, parcourt en deux tomes, richement illustrés, les vins dits du Nouveau Monde.
Sur 400 pages, d’une part pour l’Afrique du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, d’autre part pour l’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Chili et Uruguay), il a de la place pour évoquer à la fois le contexte de la viticulture de ces pays et pour signaler les meilleurs domaines, avec des commentaires personnels sur les vins, glanés durant des dégustations menées sur place. Le tout servi dans un style facile à lire, quoique solidement étayé.
Les Editions de l’Homme, «Les vins du Nouveau Monde». Chaque tome, 61 fr., chez Payot.

Le b à ba de la dégustation

Dégustation enfin, avec un tout petit livre, «Le sens du Vin», signé d’un passionné valaisan, Jean-Daniel Varone. Un vade-mecum pour tout amateur de dégustation. On y apprend les mécanismes qui conduisent à apprécier le vin (à l’œil et au palais) et le vocabulaire pour mettre en mots ses sensations. Un livre simple, bilingue (français d’un côté, allemand de l’autre), qu’il vaut la peine de lire avant de déguster. Présentation efficace, donc facile à consulter, et qui fait saliver dès les premières lignes, consacrées au mode d’emploi basique de la dégustation dans les règles de l’art…
120 pages (60 pages dans chaque langue), Editions Favre, 25 fr.

La cuisine au bout de la ligne (de pêche)

Chez le même éditeur lausannois, un beau livre de cuisine m’a tapé dans l’œil: «Poissons de nos lacs», sous-titré «recettes de nos grands chefs» sous-entendus romands. Loin de l’hagiographie habituelle — un chef et ses recettes ! — en 190 pages magnifiquement mises en scène par le graphiste Oscar Ribes, ce sont les poissons qui tiennent la vedette, avec des photos d’un trio, Pierre-Michel Delessert, Dominique Derisbourg et Michel Roggo. La journaliste du Matin-Dimanche Isabelle Bratschi donne quelques tuyaux intéressants sur ces people de nos lacs que sont la perche, la truite ou le brochet… Qui n’a pas l’intention de cuisiner, mais se contente de déguster, en saura davantage. Toujours bon à (ap)prendre!
Editions Favre, 79 fr.

Cet ouvrage collectif n’enlève rien aux mérites de Didier De Courten et de sa bible et d’un autre Valaisan, exilé à Lausanne, où il cuisine niçois et méditerranéen, Edgard Bovier. Les deux ont les honneurs d’un grand livre, tous deux chez Favre également.
L’«Edgard Palace» met en scène le grand hôtel du cœur de la ville de Lausanne, avec deux mises en perspective, l’une sur les palaces et l’hôtellerie de luxe, où les pionniers furent helvétiques, l’autre sur le sens de la cuisine méditerranéennes, par Jean-Claude Ribaut, le chroniqueur gastronomique du Monde.
Editions Favre, 230 pages, richement illustrées, nombreuses recettes faciles à faire à condition de disposer du bon produit, 94 fr.

Et pour finir, tous au bistrot !

Sortons de la gastronomie et de ses dérives — dont l’une pourfendue par le journaliste Jörg Zipprick «Les dessous peu appétissants de la cuisine moléculaire», chez Favre toujours, 224 pages, 24 fr. — pour la «bistronomie» et ses 43’000 occurrences sur Google…
On y lit que ce néologisme a été inventé par le journaliste et chroniqueur culinaire Sébastien Demorand du magazine Zurban au tout début des années 90. Le concept, qui se veut tendance, va à ravir au couple Jean-Luc Ingold — Véronique Zbinden, jadis vacciné au gastro GaultMillau, mais aujourd’hui revenu des grandes tables pour les petites adresses chics et pas chères. Pour son édition 2010, «le petit suisse à table» (en minuscules) mérite son qualificatif de suisse, grâce à une quarantaine des 330 adresses outre-Sarine et outre-Gothard. Style des textes nerveux et appuyé, jugement sans la moindre note, le petit bouquin (250 pages, éditions Texto, 27,50 fr.) n’est pas tout-à-fait un antiguide (comme on dit antiride…), mais ouvre d’autres pistes. Comme celle des brunches ou des tables d’hôtes, regroupés dans la même catégorie à la fois citadine et campagnarde.
Les bars à vins ont disparu de cette édition. Et si j’étais parano — mais je ne le suis pas, hein ! —, c’est parce que l’ouvrage de ces ex-Lausannois exilés à Genève aurait dû forcément annoncer l’ouverture du Midi 20. Reste plus qu’à faire des fondues chez soi!

©thomasvino.com/071209