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Posted on 13 septembre 2017 in Vins italiens

La DOCG Sagrantino di Montefalco fête ses 25 ans

La DOCG Sagrantino di Montefalco fête ses 25 ans

Le Sagrantino, grand vin rouge du centre de l’Italie, fait le «dos rond», tant il n’est pas simple à appréhender. Venue du Trentin, au nord de l’Italie, la famille Lunelli a construit, sur les plans du sculpteur Arnaldo Pomodoro, une carapace de bois craquelée au flanc d’une colline d’Ombrie.

Par Pierre Thomas – textes et photos, de retour de Montefalco

A vin exceptionnel, écrin surprenant. Avec son dard rouge fiché dans la terre, la cave Carapace, de la Tenuta Castelbuono, donne l’impression d’une soucoupe volante échouée dans ce paysage de collines. Les habitants du lieu l’ont entourée d’un chemin des sculptures et l’édifice, ouvert au public en 2014, y occupe une place prépondérante.

Sous la coupole, à la charpente en bois lamellé-collé venu du Trentin, un vaste espace de dégustation. Sous terre, autour de l’escalier en colimaçon qui rappelle une construction mésopotamienne, on stocke les tonneaux destinés à élever le Sagrantino et le Montefalco Rosso, deux vins issus de la «renaissance» de cette petite région, entre les villes d’art et d’histoire que sont Pérouge, Assise et Spoleto, entre les Monts Martani et les Apennins, dans la vallée de l’Umbra.

Ces deux rouges, produits sur 610 hectares pour le Sagrantino, DOCG depuis 1992, et sur 410 ha pour le Montefalco, ne représentent respectivement que 6,3% et 10,4% des vins de l’Ombrie, connue pour son Orvieto blanc et ses rouges de Torgiano. Du 15 au 17 septembre, la DOCG Sagrantino a fêté ses 25 ans.

Un cépage original et revêche

Chaque année, Montefalco soumet aux journalistes la dégustation à l’aveugle des vins du dernier millésime mis sur le marché. Il faut près de quatre ans — 37 mois à partir du 1er décembre de l’année de la vendange, dont 12 mois d’élevage sous bois —  pour que le Sagrantino soit disponible.

Dans le délicat millésime 2013, où la production a été deux fois plus faible que l’année suivante, et même plus de trois fois plus basse qu’en 2015 et 16, j’ai placé le vin de Carapace parmi les plus aboutis, à l’égal de la cuvée de prestige 25 ans d’Arnaldo Caprai, la cave vedette du Sagrantino, à l’origine de sa renaissance, dans les années 1980 (voir ci-dessous la liste de mes vins préférés).

Tant dans la vigne qu’en cave, le cépage sagrantino, propre à Montefalco, où il fut sans doute introduit de Grèce par des moines autour de l’an mille, n’est pas facile à dompter. Résistant au froid de l’hiver et au gel de printemps, dans une région qui mêle climat continental et influences méditerranéennes, il fleurit tôt, mais sa maturation est lente, puisqu’il n’est vendangé qu’à partir de début octobre. Il est sensible au mildiou, très agressif en 2016 (comme en Suisse !), où malgré un programme ambitieux de «New Green Revolution», impliquant une forte diminution des pesticides dans la vigne, il a fallu effectuer onze traitements…

Le sagrantino entre recherche et développement

Riche en polyphénols et en anthocyanes, le sagrantino a de la peine à se départir d’une impression de verdeur des tanins, sur des arômes qui vont de la cerise noire à des notes rappelant l’asperge verte ou la racine de gentiane. Longtemps, les moines franciscains ont réservé à ce vin «sacré» — sagrantino dérive de l’adjectif latin «sacer» — un usage limité à une version de Passito, proche du Vin Santo, soit des grappes séchées sur claies. Avant de quasiment disparaître dans les années 1960, parce que trop ardu à la culture traditionnelle, le Sagrantino Passito était réservé aux fêtes de Pâques et de Noël. Plusieurs producteurs l’ont remis au goût du jour, certains misant sur la haute teneur en sucre résiduel, enrobant les tanins, et ne le stockant qu’en cuves inox, pour préserver ses arômes originaux, qui lui permettent d’accompagner l’agneau grillé (pascal). D’autres, comme la Tenuta Castelbuono, l’élèvent à la fois en petits tonneaux et en dames-jeannes, sans exagérer sur la sucrosité (85 g./litre pour le 2012).

Si la «carapace» surplombe le chai rond enterré, la cave d’élaboration des vins des 32 hectares de vignoble, uniquement planté en cépages rouges, en coteau entre 250 et 350 m. d’altitude, est située sous la terrasse engazonnée. Depuis 2014, l’entier du domaine est certifié bio. Naturellement, le sagrantino n’est pas destiné à de haut rendement. Il représente 60% des 120’000 bouteilles produites annuellement par la cave. La fermentation se déroule dans des cuves inox, avec des levures sélectionnées.

La barrique mise hors jeu

Sous la houlette de l’œnologue Luca d’Attoma, consultant d’une vingtaine de domaines principalement en Toscane, de nombreux essais sont réalisés. Le sagrantino, «ressuscité» mais encore mal connu, s’y prête à merveille : fermentation en amphores de terre cuite de Toscane et du Trentin (essais avec le 2015), macérations de plusieurs mois sur le marc dans de petits fûts et fermentation dans des cuves en bois de 33 à 45 hl..

A la dégustation, millésime après millésime, l’enjeu reste identique : comment atténuer les tanins et l’impression de verdeur du cépage ? Et sans rien sacrifier de ses caractéristiques de base en l’internationalisant… La barrique française paraît bel et bien hors-jeu. A la Tenuta Castelbuono, comme dans plusieurs caves de Montefalco, elle est confinée au Rosso. Ce rouge de base se présente dans ses deux formes, un normal (un an d’élevage en tonneaux et une petite part en barriques), nommé Ziggurat, et un riserva (18 mois de tonneaux et de plus grands fûts), Lampante, tous deux à base de 70% de sangiovese, de 15% de sagrantino, et les 15% répartis entre le merlot et le cabernet sauvignon, comme le prévoit le décret de la DOC.

La famille Lunelli possède un domaine, Podernuovo, dans la région de Pise, en Toscane, où le même œnologue produit un sangiovese (avec un peu de merlot), Teuto, et un assemblage, Aliotto, à base de 60% sangiovese, complété par du cabernet sauvignon, associé à d’autres cépages rouges. Cette diversification en rouge a été initiée au début des années 1980, à côté de son expertise reconnue de près d’un siècle dans les mousseux, sous la marque Ferrari, et en prosecco, par le biais de Bisol, une des meilleures caves de la DOCG, et des premiers vins secs, du Trentin, chardonnay, sauvignon et pinot noir de Villa Margon.

*Les vins de Lunelli sont importés en Suisse par Dettling & Marmot.

Ce reportage est paru dans le magazine Hôtellerie & Gastronomie Hebdo, le 13 septembre 2017.

Les 15 Sagrantinos 2013 que j’ai préférés

(sur 36 vins dégustés, Montefalco, 20 février 2017)

*** Tenuta Castelbuono

Nez un peu fermé, attaque assez puissante, droit, austère, bon volume en bouche, sec et puissant.

*** Alzatura – Cecchi

Nez boisé, toasté et vanillé, attaque fraîche, bon volume, assez élégant, tanins fermes et agréables.

*** Arnaldo Caprai 25 Anni

Nez discret, sur le bois, attaque fraîche, du gras, de la puissance, bien fait, finale sur le graphite et le bois, tanins agréables.

*** Tenuta di Saragano

Nez d’allumette frottée, de cuir, de tabac, de fumée froide, puissant, gras, long en bouche, un peu d’amertume finale, mais bien emballée.

 

*** Fongoli

Beau nez de confiture de cerise noire, attaque souple, suave, bon volume, souple et fruité, facile à boire.

*** Valdangius

Nez boisé vanillé, attaque fraîche, du gras, de la puissance, bon volume en bouche, acidité et volume, tanins fermes mais pas verts, style moderne, mais bien fait!

** Fattoria Colsanto

Nez de laine mouillée, attaque sur l’amertume, peu de volume, un peu métallique, mais moins tannique que d’autres.

** Terre de la Custodia

Nez un peu vert, attaque sur le bois, assez ferme, tanins un peu verts et boisés, finale un peu sèche, droit et traditionnel.

** Adanti

Nez de cuir, attaque un peu douce, suave, tanins verts en finale, retour sur les fruits noirs.

** Scacciadiavoli

Nez fumé, boisé, attaque sur les fruits secs, bonne structure, finale sur les fruits secs, intéressant.

** Le Cimate

Nez boisé luxuriant, attaque suave, du gras, fruits secs, beau volume, un peu asséché par le bois et reste de douceur.

** Arnaldo Caprai

Nez très boisé, de caramel, attaque ample, beau volume, finale un peu asséchée par le bois.

** Antonelli

Nez fruité mais vert, attaque sur la fraise, la framboise, la grenadine, finale fraîche et pas très tannique, plus fruité que concentré.

** Montioni

Nez de fruits rouges macérés, attaque fraîche, finale assez élégante, sur les fruits frais.

**  Villa Moncalli

Nez de fumée froide, de boisé, attaque sur le cuir, le tabac, bon volume en bouche, finale sur un boisé assez tendre, un peu suave, retour sur le champignon.

Sagrantino 2007, après dix ans d’âge…

Mes 10 vins préférés (sur 25 vins dégustés)

*** Di Filippo

Nez boisé, attaque fraîche, sur le mentholé, du gras, de la puissance, tanins fermes, beaucoup de volume, long en bouche.

*** Scacciadiavoli

Nez de fruits en marmelade, attaque fraîche, du volume, finale sur les fruits secs, bonne acidité, puissant et ferme.

*** Alzatura – Cecchi

Nez de boisé, de confiserie, attaque assez ample, beau volume en bouche, finale agréable, tanins fondus, moderne et bien fait!

** Antonelli

Nez de confiserie, attaque assez ample, arômes secondaires, voire tertiaires, bon volume en bouche, finale sur les champignons et la fougère.

** La Mura Saracene – Goretti

Nez un peu boisé, de fruits secs, attaque assez fraîche, pas très complexe, mais agréable!

**  Bocale

Nez vanillé, de boisé toasté, attaque droite, bon volume en bouche, assez élégant, finale sur les fruits des bois en marmelade, les fruits secs.

** Fratelli Pardi

Nez de boisé vanillé, attaque sur l’amertume du bois, bon volume, assez élégant, retour sur le moka et le bois.

** Arnaldo Caprai 25 Anni

Nez de fruits en marmelade, attaque sur la douceur, bon volume en bouche, assez élégant, tanins très fondus.

** Colpetrone – Sacer

Nez de champignon, framboises cuites, assez gras, assez puissant, attaque ferme, finale tannique.

** Colleallodole – Milziade Antano

Nez de laine mouillée, attaque assez souple, fumée froide, bon volume, assez élégant et tanins déjà fondus, une certaine suavité.

©thomasvino.ch