Valais — Salquenen, retour gagnant
Naguère, la «Dôle de Salquenen» s’était taillé un grand succès, où se confondait les raisins de tout le Valais et le nom des négociants du cru. Aujourd’hui, Salgesch revient au premier plan dans les concours. Grâce à une jeune garde dynamique.
Pierre Thomas
On l’a croisé à Sierre, à VINEA, Diego Mathier. Non pas derrière un stand, mais donnant la main à deux de ses cinq filles, qui brandissaient fièrement leur diplôme de bonne dégustatrice de… sirops. Revenu il y a cinq ans à la tête du principal encaveur de Salgesch, Adrian Mathier – Nouveau Salquenen, le jeune homme, formé en économie à Saint-Gall, a l’habitude d’être associé aux affaires familiales depuis tout jeune. «J’ai 37 ans, mais depuis l’âge de 10 ans, mes parents parlaient de vin à table.» L’entreprise travaille 25 hectares en propriété et encave 75 ha supplémentaires, de Chamoson à Tourtemagne. A une bouteille au mètre carré, cela fait un bon million de flacons… La commune haut-valaisanne, qui ne compte que 200 hectares de vignes, met sur le marché au bas mot 15% du volume valaisan (soit 6 millions de litres), par le biais de ses 17 négociants et de sa vingtaine de vignerons-encaveurs.
Une avalanche de médailles d’or
Mieux, Salgesch brille dans les concours. «A Expovina, nous avons présenté 25 vins : 14 ont obtenu une médaille d’or, 11 l’argent», détaille Diego Mathier. En finale du Grand Prix suisse du Vin, sept des «nominés» sont salquenards; au Mondial du Pinot noir, la moitié des 16 VINEAS d’or valaisannes reviennent à Salgesch, dont trois aux jeunes frères Manfred et Damien Cina (Caves Fernand Cina SA) et deux à l’incontournable Adrian Mathier, en plus du prix du vin qui a obtenu le moins d’écart dans son jugement. «Derrière les médailles, il faut une philosophie. Le vin, c’est de l’art, pas du sport», relativise Diego Mathier, qui rend hommage à la continuité de son œnologue, Cédric Leyat, «un véritable artiste», dans la maison depuis 15 ans.
De son côté, François Kuonen, patron de Gregor Kuonen – Caveau de Salquenen, autre grande cave médaillée ces dernières années, s’est fait «piquer», cet été, son œnologue, Hansruedi Pfenninger, nommé professeur à Changins. Mais il vient d’engager un jeune pro pour garder la ligne : «Les vins de Salquenen ont toujours été à la mode. Mais en Valais, on les repérait facilement et on les critiquait volontiers. Les Suisses se sont habitués à des vins riches, moins fruités, mais plus ronds. On a aussi perfectionné les techniques de vinification. Aujourd’hui, plus que jamais, nos vins sont au goût du consommateur.»
Le Grand Cru, clé du nouvel esprit
Le vigneron Philippe Constantin attribue cette évolution au Grand Cru de Salquenen, dont il est le président. Ce premier règlement exigeant et précis sur un vin en Suisse, base des AOC, fêtera ses vingt ans l’an prochain. Certes, ce label, voulu pour des vins sans élevage en barrique, se limite à peu de bouteilles : «On espérait 10%, mais on en est à 3 ou 4%. Pourtant, cultiver ses vignes pour aspirer aux critères du Grand Cru donne une excellente matière première. Ainsi, on a appris à respecter la typicité du pinot noir. Et, surtout, à écouter le consommateur», explique Philippe Constantin.
«On a un nouvel esprit, avec des jeunes qui sont revenus au village. Ici, en Valais, on a un potentiel énorme, tant par les terroirs que par les microclimats et le savoir-faire. Maintenant, on doit mieux communiquer !», lance Diego Mathier. Les Salquenards ont mandaté une agence de relations publiques zurichoises, car plus de 80% de leurs vins sont bus en Suisse alémanique. Plusieurs encaveurs «descendent» au Comptoir Suisse, du 14 au 23 septembre 2007. «C’est notre portail sur la Suisse romande», explique Diego Mathier, et «les Vaudois sont des clients fidèles», renchérit François Kuonen. Les deux seront à Lausanne, en compagnie de la Cave du Rhodan, des frères Mounir, et les Caves Fernand Cina, deux embouteilleurs où la jeune garde est aussi aux commandes.
Paru dans Hôtel + Tourismus Revue du 13 septembre 2007.