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Posted on 7 janvier 2005 in Adresses, Restos

Rougemont (VD), Le Comptoir d’Enhaut

Rougemont (VD), Le Comptoir d’Enhaut

Le Comptoir d’Enhaut à Rougemont (VD)
Piogre à la montagne
Au centre du beau village du Pays-d’Enhaut, le Comptoir d’Enhaut s’apprête à attaquer son deuxième hiver. Si le Chlösterli, antique chalet dépendant du prieuré de Rougemont, rénové par les Pastor, princes monégasques de l’immobilier, est le pôle nord de Gstaad, ce Comptoir, sponsorisé par le président des banquiers suisses, Pierre Mirabaud, en est le pôle sud. Et c’est le beau-frère du banquier privé genevois, Patrick Tschudin, qui officie en maître de céans. Passé la porte, on est un peu comme chez soi : il suffit qu’un habitué demande de baisser la lumière pour que la salle soit baignée d’une douce pénombre, voile pudique jeté sur une litho érotique d’un artiste catalan, sous l’œil d’une vierge de brocante.
Ici, la clientèle est comme la cassolette de champignons : métissée, à l’image de ce mélange de champignons de Paris et de bolets agrémentés de croûtons et de dés de courgettes. C’est la touche méditerranéenne, chère au patron et à la patronne, Sandra, originaire des Abruzzes. Son frère est en cuisine et apprête de savoureuses pâtes, comme ces raviolis aux champignons et huile de truffe (juste une goutte dans la pâte) ou à la courge.
Un décor trompeur
Avant de s’installer à la montagne, Patrick Tschudin a roulé sa bosse, entre un bar à Genève — Piogre en patois du bout du lac — et un ciseau d’ébéniste chez un antiquaire de Rougemont. Le cadre intérieur du chalet, qui fut un institut pour jeunes filles, est tout en sapin, brut, blond et chaleureux, et en recoins. On n’échappe pas aux peaux de bique sur les bancs, ni aux meringues gruériennes (crème double comprise), sur un éventail de poires au vin cuit, au dessert. Entre-deux, fameuse tomme de Rougemont exceptée, les plats dépassent ce cadre champêtre, telle cette goûteuse terrine de canard, parfaite avec le vin choisi (lire ci-contre). La brigade de cuisine, où officie le patron dès le coup de feu saisonnier (allez-y avant ou après la ruée de fin d’année!), ne craint pas l’exotisme. Tant les dés de veau aux légumes au curry jaune que les gambas au curry rouge et lait de coco rayonnaient de parfums solidement pimentés, quoique parfaitement dosés.
L’ardoise change au gré de l’inspiration et il faut se contenter d’un choix d’une demi-douzaine de vins. Pour un repas et une bouteille, compter autour de 200 francs pour deux. Des prix sans surprise pour les habitués de Piogre, en hivernage dans l’ancienne Gruyère, dont le dernier comte, Michel, dut s’en aller il y a exactement 450 ans, lâché par ses banquiers et mis en faillite par ses voisins bernois et fribourgeois.
La bonne adresse
Le Comptoir d’Enhaut
Rougemont
Tél. 026 925 01 45
Tous les jours en saison (dès le 16 décembre) ; hors saison, tous les soirs sauf dimanche et lundi.

Le vin qui va avec…
Un mutant d’Espagne
Charmeur en diable, ce rouge, curieusement orné d’une étiquette en zinc, et nommé Museum Real Reserva 1999 (en vente au Marché Baudat, à Chambésy/GE). Nourri des tanins doux des fûts de chêne français durant vingt-quatre mois, il tient parfaitement sur une cuisine fine. Il figure du reste dans un épatant petit guide qu’édite l’œnologue Jesus Flores. Devant la foison des vins espagnols, ce spécialiste en choisit 365 par an (le 2005 vient de paraître, www.vivirelvino.com). Dans l’édition 2004, il ne tarit pas d’éloges sur ce domaine d’une centaine d’hectares, piloté par le Baron de Ley, maison résolument moderne de la Rioja. Ce rouge est issu d’une région encore peu connue, Cigales, entre la fameuse Ribera del Duero et l’excellent Toro, en Castille et Leon (centre-est). Avec le tempranillo (appelé ici «tinto fino»), les vignerons s’adonnaient au rosé. Depuis peu, ces vieilles vignes de plus de 50 ans fournissent la matière première à des rouges prometteurs, tel celui-ci, tiré à 120'000 bouteilles.

Chronique de Pierre Thomas parue le 12 décembre 2004 dans Le Matin-Dimanche.