Supplément d’âme pour chasselas pointu
Ce vendredi 12 du 12 de 2025 se fête un peu partout en Suisse romande, la Journée Mondiale du Chasselas, troisième de l’Histoire… Vous pouvez aller à Mont-sur-Rolle à la Maison des vins de La Côte (vaudoise) dès 18 h ou à Vevey sur la place du Marché découvrir les flacons de la Baronnie du Dézaley et sa caisse de 12 crus du millésime 2024… Mais c’est aussi l’occasion d’évoquer un chasselas qui se veut différent et pourrait bien brouiller les cartes du Dézaley dans les années à venir…
Par Pierre Thomas

Une équipe réunie par amitié autant que par passion du vin.
Le chasselas demeure le cépage blanc le plus planté en Suisse, et particulièrement à Lavaux, les coteaux raides dominant le (lac) Léman,. La majorité des chasselas paraissent trop souvent neutres, par manque d’acidité, et/ou un peu mous, pour cause de maturité de la vendange ou de chaptalisation, et parce qu’ils font leur deuxième fermentation, la malo(lactique). Ils sont parfois corsetés par l’élevage en cuve inox et la mise en bouteille précoce au printemps suivant la vendange, et donc sans oxygénation naturelle dans un fût. Voilà pour la généralité ! Un groupe de jeunes passionnés du vin de la région a décidé d’inverser la tendance, en ajoutant un «supplément d’âme» à ce projet, justement baptisé «Anima».
Trois cuvées, mais cinq vendanges
Le projet en est à sa cinquième vendange. Mais à son troisième millésime, seulement. On l’a goûté : les paramètres exactement inversés du premier paragraphe se retrouvent pleinement dans le verre ! Le vin se révèle «pointu», dans ses arômes comme dans sa démarche. Dans une vigne à 460 m. d’altitude, de Villette, appartenant à Blaise Duboux, un des «tout bons» vignerons de Lavaux, les raisins n’ont pas surmûris ; ils ont été cueillis et triés quasi grains à grains. Et à maturité optimale : 85 degrés Oechslé. Soit 12,4% d’alcool, non corrigé. «L’alcool, pourvu qu’il y en ait peu et qu’il soit naturel, suffit», commente sobrement l’œnologue Richard Pfister. En cave, deux lots de moûts, l’un d’écoulure, l’autre pressé, sont traités séparément, en lots distincts y compris durant l’élevage. On reste Vaudois et donc champion du juste milieu : «En fait, à raison de 50% de l’un et de l’autre, on a l’assemblage final», sourit l’œnologue. Les mille bouteilles (à 51 francs pièce) et cent magnums sont mis en vente deux ans après. C’est plutôt vendu cher, là où les flacons dépassent rarement les 35 francs (suisses)…

Dans la cave du Clos des Abbayes, les frères Pfister, tous deux oenologues (Léonard et Richard, à dr.)
Et dans le verre, ce 2023 donne quoi ? Un nez un peu mentholé, avec une note de limette, voire de bergamote ; acidité vive à l’attaque (pas de malolactique !), structure moyenne, bien enveloppée ; finale fraîche, avec une pointe de noisette et d’amande. Un vin vif et plein de personnalité, à revoir après quelques années de bouteille.
Une aventure en Dézaley
Ce vin a été vinifié dans les caves du Clos des Abbayes, appartenant à la Ville de Lausanne depuis 1536. Le fait nouveau d’Anima, c’est qu’un partenariat de longue durée devrait s’installer avec ce magnifique domaine au cœur du Dézaley, le terroir le plus prestigieux de Lavaux. En 2024 et 2025, les joyeux lurons du projet ont vendangé une parcelle, Le Triangle, juste sous la route panoramique de la Corniche, à 430 m. d’altitude, cultivée en bio depuis 2025, dépendant de l’autre clos lausannois, celui des Moines. Déjà, confie Richard Pfister, le 2024 promet d’être «une bombe», même s’il n’est qu’au milieu de son élevage…
Cette localisation en Dézaley devrait ouvrir des perspectives et secouer le cocotier du grand cru vaudois.

La cuvée Prisme comme l’indique son étiquette…
Deux mots encore sur le «climat» du projet. L’étiquette, d’abord, un prisme jaune-vert, conçu d’après les diagrammes météo d’une année contrastée, même si elle restera dans les annales comme la deuxième plus chaude après 2022. Et la musique, en «dolby atmos», qui doit s’écouter à 360 degrés en immersion : les sons sont ceux tirés de la vigne et mixés. Quatre petites minutes planantes pour résumer les neuf mois de la gestation du raisin… En finale, la guitare sèche sied fort bien à ce vin blanc qui ambitionne de réveiller les cinq sens.
(tous les détails sur www.anima-vins.ch)
©thomasvino.ch