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Posted on 18 décembre 2013 in Vins suisses

Vins suisses, la valse des concours

Vins suisses, la valse des concours

L’année 2013 s’éteint tandis que les Etoiles d’or du Valais brillent au firmament! Retour sur une année de concours de vins en tous genres en Suisse. Chronique parue le 18 décembre dans La Liberté: le même jour, même sujet à la RTS La Première, dans l’émission On en parle.

Par Pierre Thomas

Qui n’organise pas «son» concours ? D’abord, les «sélections cantonales», au printemps. Naguère, elles servaient de présélection au Concours national. Devenu Grand Prix du Vin Suisse, depuis sept éditions, celui-ci est ouvert à quiconque s’y inscrit sans préalable. Les sélections permettent désormais la proclamation d’un palmarès cantonal — le Vully n’y échappe pas… — et constituent une base pour les commentaires du Guide Hachette. Car les vins suisses sont présents dans cette «bible» française annuelle depuis une dizaine d’années.

Du cantonal à l’international

Et puis, les Neuchâtelois désignent, par un jury populaire, leur «gerle d’or», le meilleur chasselas de l’année digne de figurer à la Fête des vendanges, une procédure héritée d’un label, la «gerle», du nom local d’un contenant qui servait aussi de mesure officielle. Les vignerons vaudois ont aussi leur label, Terravin. Il a fêté, cet été, ses 50 ans, en grande pompe, à Aigle, le lendemain de la proclamation des résultats du deuxième Mondial du Chasselas. Celui-ci est le petit dernier des concours internationaux, où la Suisse organisait déjà le Mondial du Pinot Noir, devenu Mondial des Pinots, le Mondial du Merlot, tous deux par Vinéa, à Sierre, et Expovina, à Zurich. Sans compter les compétitions à l’étranger, Vinalies de Paris, Mondial de Bruxelles et autres joutes en Allemagne, en Autriche ou au Québec! Et pour couronner le meilleur chasselas vaudois, parmi ceux revêtus des «lauriers d’or», Terravin a introduit, il y a six ans, la coupe des «Lauriers de Platine», en automne, juste avant que les Valaisans proclament leurs Etoiles annuelles (huitième édition).

Une aide à l’achat

Il faut savoir qu’à chaque fois, le vigneron doit débourser pour faire juger ses vins par ses pairs, le plus souvent producteurs et œnologues, parfois sommeliers ou journalistes spécialisés. Et — encore et toujours, trop rarement ! —, par des femmes… dont on sait pourtant que, dans un linéaire de supermarché, elles sont toujours plus nombreuses à choisir le vin. Et ces médailles devraient servir à ça : être un sceau, une garantie, que tel vin a été «bu et approuvé» par un collège d’experts. Qui plus est à l’aveugle : on peut donc l’acheter les yeux fermés ! Le revers de la médaille, c’est qu’«avec la surabondance de guides des vins, de tests de dégustation, de chroniques, d’analyses et commentaires publiés dans la presse, c’est le show business dans toute sa splendeur, une valse permanente de producteurs propulsés sur le devant de la scène», constate Michel Logoz, dans la plaquette des Lauriers de Platine 2013.

Finale des Lauriers de Platine, de g. à dr., le président du label Terravin, Pierre Monachon, syndic de Rivaz, le conseiller d’Etat Philippe Leuba, le gagnant, Pierre-Louis Molliex, vigneron à Féchy, et Brigitte et Benoît Violier, à l’Hôtel-de-Ville de Crissier. (photo Terravin)

Finale des Lauriers de Platine, de g. à dr., le président du label Terravin, Pierre Monachon, syndic de Rivaz, le conseiller d’Etat Philippe Leuba, le gagnant, Pierre-Louis Molliex, vigneron à Féchy, et Brigitte et Benoît Violier, à l’Hôtel-de-Ville de Crissier. (photo Terravin)

Un label vaudois peu considéré

Ce fin connaisseur du marché du vin suisse, qui a créé des milliers d’étiquettes pour Coop et Provins, entre autres, jette une lumière crue sur le label vaudois. «D’une part, le nombre de vignettes vendues (réd. : en forme de médaille, estampillé «lauriers d’or») peine à augmenter significativement. D’autre part, son label de qualité est loin de s’imposer dans le monde des consommateurs de vins.» En aval, les restaurants, notamment, ne le mentionnent pas sur leur carte des vins tandis qu’en amont, les «grandes maisons» rechignent à s’y soumettre et, partant, les «grandes surfaces» ne le proposent guère. Raison la plus souvent invoquée : la vignette coûte 20 centimes et ne permettrait même pas d’augmenter d’autant, voire davantage, le prix du vin au rayon ! En 2013, il s’en est écoulé moins de 2 millions, récompensant 62% des 944 cuvées présentées par 193 producteurs vaudois… et fribourgeois, ce qui représente 5% du volume du vin vaudois mis en marché.

Aux Lauriers de Platine, consacrés au millésime 2012, fin novembre, un Epesses de la Bourgeoisie de Fribourg a terminé troisième, coiffé par le Saint-Saphorin Les Blassinges de Pierre-Luc Leyvraz, alors que le Féchy d’un petit producteur, Pierre-Louis Molliex, s’imposait (ci-dessous, les 4 vins de la dernière série). A l’avenir, le label Terravin espère beaucoup en son partenariat avec tous les fromages AOP valdo-fribourgeois (Gruyère, L’Etivaz, Mont-d’Or) et en la participation du Domaine des Faverges. Et de quelques «grandes caves»…

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Grandes caves valaisannes bien servies

Aux Etoiles du Valais, ce sont, précisément, les grandes caves qui ont tiré leur épingle du jeu, dans le dernier millésime jugé, 2012. Les Valaisans sont allés proclamer leur palmarès à Zurich, jeudi passé. Il y ont fêté les meilleurs fendant (Tobias Mathier, Salquenen), petite arvine (Molignon, Les Pyramides, de Diego Mathier, double vainqueur du Grand Prix du Vin Suisse), johannisberg (Sankt Jodernkellerei, Visperterminen), et heida-païen (Maurice Gay SA, Chamoson). Cette dernière cave, appartenant au groupe vaudois Schenk, s’est également imposée avec son humagne rouge. Syrah (Nouveau Saint-Clément, Flanthey), cornalin (Cave La Madeleine, Vétroz) et dôle (Vins des Chevaliers, Salquenen), complètent le palmarès.

Les lauréats des Etoiles d’or du Valais, à Zurich. On reconnaît notamment, accroupi à droite, juste avant Claude Crittin, directeur de Maurice Gay SA et président de Chamoson, Paolo Basso, le meilleur sommelier du monde 2013, Etoile d’honneur, et, à l’arrière, avec un pull à damier, Diego Mathier, double «vigneron de l’année». (photo Céline Ribordy)

Les lauréats des Etoiles d’or du Valais, à Zurich. On reconnaît notamment, accroupi à droite, juste avant Claude Crittin (accroupi à dr.) directeur de Maurice Gay SA, Paolo Basso, le meilleur sommelier du monde 2013, Etoile d’honneur, et, à l’arrière, avec son pull à damier, Diego Mathier, double «vigneron de l’année». (photo Céline Ribordy)

Les amateurs peuvent acquérir ces huit vins dans une caisse-bois, «collector» du millésime 2012. On remarquera deux absents au sommet de la sélection : la coopérative Provins-Valais, pourtant nommée «team de l’année 2013», soit meilleur producteur du pays, au Grand Prix du Vin Suisse, et le deuxième encaveur du Valais, le groupe Rouvinez ; il aurait pu décrocher la médaille en chocolat, avec cinq vins nominés parmi les 56 dégustés, dans cinq catégories, mais aucune distinction suprême.

Ainsi tourne la roue de la fortune, donnant, parfois, l’impression d’une loterie (du vin) romande. Mais on ne voit pas qui (ou quoi) va enrayer la frénésie des vignerons pour ce strass et ces paillettes. Même s’ils savent, au fond, que trop de médailles tuent les médailles !

Eclairage

En coulisses : du local toujours plus sérieux

Les concours locaux sont-ils plus crédibles que les nationaux ou les internationaux ? Analyse de palmarès fouillée à l’appui, la Revue du Vin de France l’avait démontré, il y a quelques années.

Et en Suisse ? Cet automne, j’ai eu l’occasion de déguster dans trois concours «locaux». Eh bien, si j’avais été seul et qu’on m’avait soumis les mêmes vins, dans le même ordre de service, j’aurais désigné les mêmes champions que ceux sortis aux Lauriers de Platine de Terravin, aux Etoiles du Valais (à l’exception d’un vin, que j’avais classé, après hésitation, au deuxième rang…) et pour les johannisbergs d’une collection mise en place, pour la première fois cette année, à Chamoson.

Qu’en déduire ? Que des vins, dans le verre, font bel et bien la différence, au-delà d’un consensus moyen et mou vers lequel pourrait glisser un collège d’une douzaine à une quarantaine de dégustateurs, même rompus à l’exercice.

La démarche des Etoiles du Valais, où les vins médaillés des sessions de printemps et d’automne les mieux notés sont tous redégustés en septembre, devrait faire école. Notamment pour le Grand Prix du Vin Suisse. Dans cette compétition nationale, les vins sont dégustés à fin juin et, pour des raisons de marketing et d’«événementiel», le palmarès n’est proclamé que quatre mois plus tard, sans la moindre re-dégustation des 72 «nominés» dans 12 catégories. Même l’hebdomadaire de la Coop, sponsor de ce concours national, s’y est trompé, en laissant accroire à ses lecteurs, cet automne, qu’il y avait eu une «finale». Il y a certes des «finalistes», mais sans nouvelle compétition ! (PTs)

Chronique parue dans le quotidien La Liberté, le 18 décembre 2013. PDF à télécharger ici.

©thomasvino.ch