2016, le millésime des extrêmes à Bordeaux
Une rapide expédition dans les Graves et à Pessac-Léognan m’a permis de prendre la température du millésime 2016. Le 27 septembre, les sauvignons étaient presque entièrement récoltés, comme les sémillons, bien dorés, alors que débutait la vendange des merlots. L’influence du mildiou précoce sur les grappes et l’hétérogénéité des baies plus ou moins mûres obligeaient au tri des raisins, devenu quasi systématique. Les autres cépages rouges, cabernet sauvignon et franc et petit verdot, seront encavés d’ici le 15 octobre, pour ceux qui oseront prendre des risques.
Par Pierre Thomas, de retour de Bordeaux
On attendait, le premier week-end d’octobre, un peu de pluie sur le Bordelais. Lors d’un repas au Château Olivier, Olivier Bernard, du Domaine de Chevalier, président de l’Union des grands crus de Bordeaux, s’est exclamé : «Il faudrait des déluges pour abîmer le millésime». Au Château Bouscaut, le propriétaire, Laurent Cogombles, résume : «Le finish est magnifique. On est assez veinards !».
Certains, déjà, parient sur un des meilleurs millésimes de ces 20 dernières années, même s’ils se situent météorologiquement à l’opposé du 2015, encensé, malgré une hétérogénéité patente en dégustation primeurs, selon les dégustateurs qui se livrent à cet exercice de haute voltige commerciale… Mais, observe Laurent Cogombles, «aucun grand millésime n’a comporté un printemps aussi pourri». Et «nous n’avons jamais eu, non plus, un été aussi sec !». Résultat en millimètres de pluies : à la fin du printemps, il était tombé autant d’eau que durant toute une année (500 mm), tandis que du 20 juin au 13 septembre, il n’en est tombé que 30 mm.
— + — = +?
Ces deux situations extrêmes et opposées — printemps pourri et été archisec — sont totalement inconnues des annales ! Un peu comme si moins par moins allait faire plus (comme le résume une journaliste parisienne).
Mais, tempère le propriétaire de Bouscaut, l’absence d’eau durant l’été pourrait s’avérer négatif. Il n’a plu qu’un tout petit peu le 13 septembre (40 mm) et il n’y a pas eu l’orage du 15 août qui, d’habitude, permet au Bordelais d’échapper à la sècheresse estivale… Ainsi, le stress hydrique a pu entraîner un blocage de maturité dans les raisins, ce que la station suisse de Changins appelle le folletage : des grappes avec des baies plus petites que d’ordinaire, un peu flétries, peu colorées, et pas mûres, en fait. Reste à savoir si ces raisins passent l’épreuve du «tri optique» par machine, souvent appliqué, alors que le tri par densimétrie dans un bain d’eau sucrée est plus fiable, dans ces conditions, voire le double tri, en vendange manuelle, puis sur table de tri…
Il n’empêche, selon David Pernet, consultant d’un laboratoire, «la maturation des rouges se poursuit depuis la mi-septembre dans des conditions diurnes estivales et de fortes amplitudes thermiques nocturnes, particulièrement favorables à l’accumulation des anthocyanes et à la richesse aromatique. Les acidités et les richesses en sucre sont modérées, associées à des potentiels tanniques et aromatiques très prometteurs. Le millésime 2016 devrait s’inscrire parmi les grands millésimes des 20 dernières années.»
L’UGC chaque année à Genève et Zurich dès 2017
Quant à l’Union des grands crus, elle viendra présenter à la presse et aux professionnels du vin, au Kongresshauss de Zurich, le jeudi 20 octobre 2016, les vins «finis» du millésime 2014, de 14 h. 30 à 18 h. — 87 domaines et châteaux seront présents. Dès l’année prochaine, l’UGC sera présente chaque année à Genève et à Zurich, et non en alternance.
©thomasvino.ch