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Posted on 7 septembre 2018 in Vins suisses

Futures AOP-IGP viticoles : Berne inflexible

Futures AOP-IGP viticoles : Berne inflexible

Pas question de «schubladiser»(mettre dans un tiroir…) la transition des AOC viticoles vers les AOP-IGP. Unanimes, les présidents des interprofessions viticoles suisses (à la notable exception du Valais, principal canton viticole !) ont écrit au conseiller fédéral Johann Schneider -Ammann fin juillet. Il leur a répondu en ce début de septembre : le projet fera bel et bien partie du dossier de la politique agricole 2022 + (PA 22+), «vraisemblablement mis en consultation à l’automne 2018».

Par Pierre Thomas

Jusqu’ici, c’est l’Etat qui commande dans le système vitivinicole suisse et fixe un cadre fédéral (notamment pour les «vins de pays» et les«vins de table»), tandis que les cantons fixent les conditions de leurs AOC, forcément à géométrie variable. Désormais, ce devrait être la profession, qui devra se prendre en charge et défendre les demandes, puis l’application, des AOP-IGP, dotées chacune d’un cahier des charges spécifique et conforme à la nouvelle législation fédérale à mettre en place.

La «charrue avant les bœufs»…

Que les interprofessions, regroupant les futurs acteurs directement concernés, se braquent d’emblée était un signal fort. Dans leur lettre, les présidents (Valais excepté…) balaient une éventuelle pression européenne en raison de la «modicité de nos exportations»qui pourrait conduire la Suisse à une «solution spécifique». Ils affirment que «la profession a mis beaucoup d’énergie et de temps à construire une pyramide de qualité cohérente fondée sur les AOC*. Le passage aux AOP-IGP remettrait ce travail en question pour un bénéfice qui, à ce stade des réflexions, paraît inexistant». La mise sur orbite du changement de système n’aurait, jusqu’ici, «donné lieu à aucune réponse sérieuse et documentée de la part de vos services». En conclusion, les signataires de la lettre, demandaient de «surseoir à l’inclusion de ce projet dans PA 22 +», car cela «reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs».

Dans sa réponse datée du 3 septembre, et signée du conseiller fédéral, Berne ne joue pas à la retirette. Le texte confirme que le passage aux AOP-IGP sera intégré au rapport en faveur de la PA 22 +, qui devrait être mis en consultation cet automne. Les associations pourront faire leurs observations dans ce cadre-là, y compris sur une «disposition transitoire qui sera proposée».

… et «l’œuf ou la poule» ?

Pour Berne, «le nouveau classement des vins suisses offrirait, par son changement de gouvernance, des possibilités nouvelles pour les professionnels. L’aire géographique d’une AOP pourrait englober plusieurs cantons, ce que la législation actuelle ne permet pas»(réd : mais Berne y a déjà dérogé pour le Vully et le Misox !)

Impossible, surtout, de connaître les tenants et aboutissants des nouvelles AOP-IGP si on ne se met pas d’accord sur leurs contours, répète Berne : «Sans détermination concrète de ces groupements (de professionnels) sur le cahier des charges et l’enregistrement de leurs AOP et de leurs IGP, il n’est pas possible de connaître de manière détaillée les conséquences économiques de leurs choix.»

Il s’agit donc moins de mettre «la charrue avant les bœufs», que de savoir s’il faut débuter par «l’œuf ou la poule»

Ça cogite à tous les niveaux

En attendant, les divers acteurs s’activent. Berne invoque un groupe de la conférence des directeurs cantonaux de l’agriculture, qui planche sur la question depuis 2017 — sans donner de résultats de ces conciliabules —, et aussi sa participation à une «première étude» mandatée par l’Interprofession de la vigne et du vin suisse. Tandis que les Vaudois, qui n’ont, cela va de soi, nullement envie d’être pris pour des Charlots, sont, aujourd’hui, 7 septembre, en pleine réflexion au «Modern Times Hotel»…

Berne s’est déjà montrée inflexible à leur égard : les vignerons vaudois étaient montés au créneau pour maintenir leur système de calcul de la vendange basé sur les litres de vin clair — qui permet de jouer sur le rendement et la quantité produite au moment du pressurage… — et Berne a confirmé, dans la nouvelle ordonnance sur le vin, que la vendange se compte en kilogrammes de raisin récolté.

On précisera que dans les cahiers des charges des AOP-IGP européens, le rendement au pressurage, comme un éventuel «plafond limite de classement»ou une «réserve climatique», sont mentionnés noir sur blanc, de cas en cas. Mais pour cela, il faut dialoguer et s’entendre… après les vendanges, qu’on annonce fort bonnes en qualité et en quantité. Et là, il ne s’agit pas de tergiverser : cette année, elles sont précoces !

*On lira notre «coup de gueule» du 3 juin 2011 sur la pertinence de la «pyramide» vaudoise. Santé et conservation !

©thomasvino.ch