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Posted on 1 mars 2008 in Tendance

Le Gaulois qui se rêve Helvète

Le Gaulois qui se rêve Helvète

Producteur du Duché d'Uzès et de petite arvine
Le Gaulois qui se rêve Helvète
Le jeudi 6 mars 2008, Patrick Chabrier fera découvrir ses vins lors d’un dîner à l’Auberge de l’Onde à Saint-Saphorin. Portrait d’un vigneron d’Uzès qui ne rêve que de la Suisse au point d’acquérir quelques ceps de petite arvine en Valais.
Pierre Thomas
Ici, il est connu pour son viognier. Ce vin blanc remporte un franc succès sur les meilleures tables vaudoises, du Lausanne-Palace à l’Hôtel des Trois-Couronnes, à Vevey, en passant par La Gare à Cully et l’Onde à Saint-Saphorin. «Il est moins fruité que d’autres de la Vallée du Rhône, plus concentré, et me rappelle la petite arvine.» Le (gros) mot est lâché. Car chez lui, à Bourdic, au pied de la colline inspirée d’Uzès, et à Nîmes tout proche, Patrick Chabrier fait déguster sa propre petite arvine valaisanne!
La petite arvine exportable
«Ce cépage est formidable. Il a des arômes uniques et une magnifique puissance», s’extasie le vigneron gaulois. Va-t-il en planter dans le Sud ? Non ! Car ça déjà été fait. Un peu plus à l’est, à un jet de galet, près du Rhône, Jean-Marc Amez-Droz en a planté 500 m2 au domaine du Château Signac, près de Bagnols-sur-Cèze. La version liquoreuse, non commercialisée, s’est avérée plus intéressante que la sèche. Surtout, le Valaisan s’et rendu compte que la petite arvine supporte mal la sècheresse et le mistral. Par contre, en Vallée d’Aoste, la petite arvine 2006 du Domaine des Crêtes a été désignée «meilleur vin blanc sec d’Italie» par le Guide de l’Espresso 2008. C’est dire que le cépage, cultivé sur 137 hectares en Valais et 700 mètres carrés au Tessin, seuls cantons qui le recensent, a un avenir certain…
Un amoureux de Lavaux
Patrick Chabrier, lui, est respectueux de son terroir d’origine et fier de ses quelques plants de vignes, dûment répertoriés par-devant notaire, à l’entrée de Sierre, rive droite du Rhône. Il en a délégué la culture à Frédéric Zufferey, vigneron-encaveur à Chippis, et la vinification (200 bouteilles, pas davantage !) est suivie par Philippe Métral. Echange de bons procédés, cet œnologue-conseil à Saint-Léonard (VS), signe aussi, plein sud, un assemblage blanc en fût de chêne de chardonnay, de sauvignon et de viognier, en «Vin de pays des Cévennes»…
Tombé amoureux de notre pays grâce à des amis de son épouse, Patrick Chabrier a été reçu à la Confrérie du Guillon — un diplôme qu’il a encadré par deux drapeaux à croix blanche, bien en vue dans sa cave. Une larme (de joie) à l’œil, il exulte à l’évocation de la dernière Fête des vignerons en 1999 à Vevey : «C’était magique !» Et il se verrait bien vigneron ici : «J’aurais juste deux hectares de petite arvine et de cornalin ; un Portugais pour me donner un coup de main et je serais le roi du cacao !» Sa femme plongerait bien les yeux dans le Léman depuis Lavaux…
Une cave à deux vitesses
Patrick Chabrier n’a pas peur des vies multiples, comme le chat, son surnom dans la confrérie bachique — pendant du Guillon — pour la promotion «des vins du Duché d’Uzès». Cela fait dix ans que la région court après un classement en catégorie supérieure. Elle doit se contenter de rester «vin de pays», alors que la démarche s’apparente à celle d’un cru, avec un cahier des charges strict, sanctionné par une dégustation d’agrément. «Entre les Côtes-du-Rhône, qui ont leurs crus, et le Languedoc, qui a les siens, les vins de pays d’Oc n’ont pas d’appellation haut de gamme», plaide Patrick Chabrier. Les vins du Duché d’Uzès visent l’appellation d’origine contrôlée (AOC), mais l’Institut nationale des appellations d’origine contrôlée (INAO) rechigne… Alors, Chabrier donne l’exemple. Pour ses cuvées, en rouge, en blanc et en rosé, il «écrème» le meilleur des raisins récoltés sur les 135 hectares cultivés par lui, 43 ans, et son frère Christophe, 40 ans.
Avec leur père, Louis, 73 ans, ils sont sortis de la coopérative il y a dix ans. La cave travaille à deux vitesses. Le gros de la production s’en va en vins de pays d’Oc, vendus en vrac et à vil prix à des négociants, qui suivent la vinification, sans tabou. Ainsi, on a dégusté à la cuve, dans la cave de Bourdic, des chardonnays avec plus ou moins d’aromatisation aux copeaux de chêne… Les cuvées «maison» sont, elles, de haut niveau et d’un louable rapport qualité-prix : d’un peu plus de 10 fr. (rosé Duché d’Uzès) à 16 fr. («Riomal de Molines», un vin du pur cépage carignan noir, très tendance) en passant par l’excellent «La Garrigue d’Aurillac, Duché d’Uzès» (12,40 fr.), un assemblage à deux tiers de syrah, complété par du grenache et un peu de carignan. Et pour le dessert, un étonnant vin doux, «Les Grains Dorés», assemblage de muscat à petits grains, de viognier et de marsanne. www.chabrier.fr
*Ces quatre vins, en plus du pur (et rare) viognier sont importés par Gastro Gourmet à Grandvaux (tél. 021 635 11 12).
                                            
«Wine and dine» : occasions à foison
On n’a jamais vu ça en Pays de Vaud: plusieurs hôtels et restaurants se mettent, ce printemps 2008, à la formule du forfait «wine and dine»*, chère aux Anglo-Saxons. Si Patrick Chabrier sera à l’Auberge de l’Onde à Saint-Saphorin (www.aubergedelonde.ch) jeudi 6 mars, le même soir, le remarquable vigneron piémontais Luciano Sandrone est l’hôte des «Jeudis de la Rotonde» du Beau-Rivage Palace de Lausanne-Ouchy (www.brp.ch). Les deux adresses tiennent leur soirée mets et vins le premier jeudi de chaque mois et pour un prix voisin (170, respectivement 175 fr., repas et vins compris). Le 3 avril, le domaine alsacien Marcel Deiss sera à Lausanne. Et Saint-Saphorin recevra le Valaisan Gilles Besse (Bon Père Germanier à Vétroz), qui précèdera le 1er mai, les vignerons de Chardonne Olivier Ducret et Jean-François Cossy, tandis que le Beau-Rivage agende sa soirée au 8 mai, avec Gérard Perse, au centre d’une polémique (à propos du 2003) entre les «éminences» Robert Parker et Jancis Robinson sur le style du Château Pavie, à Saint-Emilion. Autre prestigieux saint-émilion, le lendemain, 9 mai, au Grand Hôtel du Lac, à Vevey, avec Jean-Bernard Grenié, maître de chais du Château Angélus. Et puis, au Château Le Rosey, à Bursins, le chef de L’Aubergine à Lausanne, Laurent Belissa, propose un menu gastronomique, les 4 et 11 mars, avec des vins du domaine (www.lerosey.ch). De son côté, le groupe d’excellence des vignerons vaudois Arte Vitis envisage un rendez-vous mensuel de dégustation dès la réouverture du Château d’Ouchy.
*Agenda 2008 sur www.thomasvino.com

Paru dans 24 Heures du 29 février 2008