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Posted on 7 novembre 2008 in Vins français

Bordeaux pas si abordables que ça!

Bordeaux pas si abordables que ça!

«100 bordeaux abordables» (liste 2008)
Des bordeaux pas si abordables

En portant la limite du prix des bouteilles à 30 francs, Bordeaux a réussi à réunir une liste de cent vins recommandés. Mais chers, à l’image de la Suisse ! Analyse.
Par Pierre Thomas
Présentés début novembre, pour la première fois en Suisse romande, au Lausanne-Palace, la sélection des «100 bordeaux abordables»* l’est-elle vraiment? Au moment où la France est malmenée dans ses exportations vers la Suisse (en 2007, notre pays a importé 63 millions de litres de vins italiens, contre 52 millions de vins français et 34 millions de vins espagnols, en progression), Bordeaux garde l’image d’une région chère, même dans son entrée de gamme.
Une majorité à plus de 20 francs
Les deux précédentes années, le Comité interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) avait plafonné la valeur de la bouteille à 20 francs. Résultat : 80 vins recommandés, et non 100. Cette année, en élargissant la fourchette des prix, près de 240 vins ont pu être dégustés par un jury de sommeliers et de journalistes, à Zurich, cet été. Surprise à l’arrivée : un vin de la sélection sur deux est un 2005 et 53 des vins dits «abordables» n’auraient pas pu être retenus si la barre avait été maintenue à 20 francs.
Le Suisse, amateur de grands crus classés
Ce prix (élevé) est aussi le reflet du marché. Ce sont de nombreux importateurs, souvent de taille modeste, avec une grande présence romande, qui ont présenté leurs vins. Le millésime 2005 joue un rôle prépondérant sur la hausse des prix : en raison du millésime, jugé qualitativement exceptionnel, le prix a augmenté de 50%, voire doublé, par rapport à 2004, une année classique, parfaite, aujourd’hui pour la restauration, puisqu’on y trouve d’excellents rapports qualité-prix.
De plus, le Suisse est amateur de grands crus : si l’on divise le montant des exportations (220 millions de francs suisses) par le volume de vins (8 millions de litres), on arrive à un prix moyen de la bouteille de 20 francs, ce qui est énorme… Et si la part des vins de prestige n’est que de 5% dans le Bordelais, sur le marché suisse, elle est sans doute multipliée par cinq, au bas mot. Par effet d’entraînement, l’entrée de gamme suit : seuls deux vins, un blanc et un rosé de supermarché, sont affichés juste sous la barre des 10 francs, parmi les «100 bordeaux abordables».
Des vins toujours plus souples
Et pourtant, Bordeaux change… Selon Alain Vironneau, président du CIVB jusqu’en 2010, «nos vins n’ont jamais été aussi bons». Un «plan bordeaux» a abaissé les rendements et renforcé la qualité. De nombreux domaines ont lourdement investi. Le climat s’est modifié : «On est passé de 1100 mm de pluie à 830 mm», explique M. Vironneau, propriétaire de deux châteaux (pour 36 ha de vigne). L’encépagement s’est modifié : dans la sélection suisse, 49 vins rouges sur 85 sont à majorité à base de merlot (60% et plus). «Notre goût change tous les sept ou huit ans, témoigne M. Vironneau. Aujourd’hui, on préfère les arômes soyeux du merlot bien mûr. C’est la victoire de la génération Mac Do et Coca !» Pour corriger le tir et mettre à profit les effets attendus du réchauffement climatique, les Bordelais vont replanter du petit verdot, du malbec et de la carmenère, cépages bordelais d’origine, qui réussissent si bien en Californie, en Argentine et au Chili. Et Alain Vironneau ne craint pas de dire qu’il affectionne les grandes syrahs des côtes-du-rhône, tel le Cornas.
*Liste des «100 bordeaux abordables» sur www.bordeaux.com

Eclairage
Des Romands très courtisés

Il y a longtemps qu’on n’avait pas vu cela. Le Bordelais est arrivé en force, ces jours, sur l’arc lémanique. La «faute» à une semaine folle à l’Hôtel Beau-Rivage, de Genève. Ce lundi, un salon d’une cinquantaine de domaines français désireux d’exporter en Suisse (mais un seul bordelais parmi eux) s’y tenait. Hier, mercredi, les châteaux de Pessac-Léognan faisaient le déplacement, avec leur leader, le Château Haut-Brion, seul premier cru classé de cette région en 1855. Les mêmes se retrouvent, ce soir jeudi, au casino de Montreux. Aujourd’hui, ce sont les Saint-Emilion Grand Crus, dont le nouveau classement a été suspendu par décision judiciaire, qui se laissent déguster au Beau-Rivage. Et les samedis 6 et 13 décembre, le cinq étoiles genevois organise, avec son chef sommelier Jean-Christophe Ollivier et son ami Olivier Poussier, ancien champion du monde, une dégustation verticale des premiers crus bordelais du millésime d’anthologie 1947 (à 5'630 fr. la soirée, par personne, dîner et hôtel compris). Enfin, les meilleurs producteurs du Beaujolais viennent d’annoncer que pour leur seule dégustation de prestige en Europe, en avril prochain (du 22 au 27), ils seront à Arvinis, à Morges. En temps de crise, la Suisse reste une valeur refuge.

Paru dans Hôtel Revue du 6 novembre 2008.