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Posted on 14 janvier 2005 in Adresses, Restos

Léchelles (FR) — Auberge communale

Léchelles (FR) — Auberge communale

Auberge communale de Léchelles (FR)
La méthode des températures
Il va bientôt y avoir du neuf à Léchelles, à mi-chemin de Payerne et Fribourg. En face de la gare, l'Auberge communale va être dotée d'une nouvelle salle de restaurant et d'une cuisine à la hauteur des ambitions du tenancier depuis dix-huit mois, Dominique Coispine. Avec son épouse Corinne, originaire du Pays-d'Enhaut, et leurs trois enfants, ils voulaient se mettre au vert, à la campagne… Pourtant le CV du chef, tout juste quadra, pourrait en remontrer à plusieurs: Ecole hôtelière à Metz, arrivée en Suisse il y a presque un quart de siècle, au Buffet de la Gare de Lausanne, puis au Lausanne-Palace et, quatorze ans, aux Chevreuils, à Vers-chez-les-Blancs. Au passage, brevet fédéral de cuisinier et une partie d'enseignement.
Voilà qui explique l'excellent repas qu'on y a fait récemment. Et surprenant — suspense: on va y venir! Deux menus à l'honneur des princes de la gastronomie qu'étaient le révolutionnaire en marge Brillat-Savarin et le guide-âne de tout cuisinier qui se respecte, Escoffier, tarifés, l'un 69 fr. et l'autre 74 fr. (mais on peut aussi sauter une entrée…). Les deux menus visitent une carte bien conçue. Le chef et sa petite équipe — un cuisinier et la patronne, qui mettent tous la main à la pâte, y compris pour le pain, maison et vendu au villageois! — ne sacrifient en rien la présentation: les assiettes sont esthétiquement réussies. Crevettes en sauce verte et buisson de salade surmonté d'un salsifis frit. Tartare de boeuf parfaitement relevé et céleri confit au gros sel. Soupe de poissons de roche dissimulée sous un bricelet de sésame. Cocotte d'oeuf poché au pinot noir et à la moelle. Et, en plat de résistance, une «pièce carrée» de boeuf à l'huile de truffes, un «billot» de selle d'agneau et un filet de loup (de mer!) fourré de légumes, cuit sur sa peau. Le tout garni d'un légume amusant, le romanesco, et d'une écrasée de pommes de terre à l'huile d'olives.
Excellent, disions-nous… Avec quelques petits bémols comme des goûts un peu «tendres» des crevettes ou de l'agneau. Il y a une explication: le mode de cuisson. Dominique Coispine s'est fait le champion des cuissons à basse température sous vide, puis régénérée à chaud, à la dernière minute. «Je regrette d'avoir fait mon apprentissage il y a longtemps, quand on se contentait d'apprendre par coeur des recettes. Aujourd'hui, on explique les processus dans le détail et les cuissons au degré prêt. Prenez un boeuf à la ficelle, je le fais dans une eau à 55° pour que la viande ne se dessèche pas. Sous la dent, la texture paraît différente, oui, mais on se rend compte que c'est la meilleure façon de manger de la viande», explique Dominique Coispine. Voilà pourquoi certains mets surprennent: il suffisait de le demander! Mais nous n'avons pas essayé d'extorquer au chef sa recette d'une divine crème brûlée au lait confit. Un peu plus, on aurait léché non seulement la jatte, mais la table… fabriquée sur mesure par un ébéniste d'Avenches. Car, il n'y a ni nappe, ni set de table: le mobilier se suffit à lui-même. Et ça n'est pas la moindre des originalités de cette Auberge communale.

La bonne adresse
Auberge communale, Léchelles
tél. 026 660 24 94
fermé le mercredi après-midi;
(dimanche ouvert, mais pas de restauration)

Le vin qui va avec…
Bordeaux, bons coûts
Avec Pomerol et Saint-Emilion, Fronsac fait partie du Libournais. Le Château Villars (domaine de 30 ha, 85'000 bouteilles) compte parmi les fleurons de cette appellation mineure. Signalant le millésime 2000, le «Guide Hachette des vins 2004» souligne «une grande maîtrise tant au vignoble que dans les chais» pour ce «fronsac typique». On peut y souscrire aussi pour ce 1999, souple à l'attaque, aux tanins serrés, fruité et «bien élevé» en barriques roulant sur trois ans. On perçoit bien le merlot (78%), complété par du cabernet franc (12%) et du cabernet sauvignon (8%), dans une année irrégulière, marquée par un printemps pluvieux et des vendanges chaudes et précoces, sur les coteaux dominant l'Isle. Ce vin a été sélectionné par le marchand Claude Piccand, de Domdidier. Le patron de l'Auberge communale de Léchelles s'y pourvoit aussi en bordeaux (plus) prestigieux, figurant à la carte non pas avec le fameux multiplicateur, mais majorés d'une somme fixe. Intelligent principe et bonnes affaires en vue pour les connaisseurs.

Chronique de Pierre Thomas, parue dans Le Matin-Dimanche, fin février 2004