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Posted on 22 janvier 2009 in Vins suisses

Vully — Le Vully mise sur ses grands blancs

Vully — Le Vully mise sur ses grands blancs

Le Vully mise
sur ses grands blancs

Vins blancs sur sol fribourgeois et rouges en terre vaudoise, tel est le credo du jeune œnologue Christian Vessaz à la tête du Cru de l’Hôpital, à Môtier (FR).
Par Pierre Thomas
Y aura-t-il un jour un Traminer Grand Cru du Vully? Cela dépendra de la redéfinition de l’AOC, répartie entre les cantons de Fribourg (102 ha) et Vaud (50 ha) (lire ci-dessous). D’excellente réputation, souvent médaillé dans des concours nationaux et internationaux, ce vin blanc tiré du gewurztraminer, que le Cru de l’Hôpital produit à raison de 4 décilitres au mètre carré, soit 4'000 bouteilles par an, devrait faire son entrée, cette année, dans l’assortiment de la Mémoire du vin suisse (www.mdvs.ch).
Un blanc pour les mets asiatiques

Pas de doute pour le jeune œnologue Christian Vessaz, 31 ans, que ce blanc a les aptitudes pour s’améliorer dans le temps. Dans la cave, propriété de la Bourgeoisie de Morat, «emballée» l’an passé de neuf, il fait déguster le 2003 et le 2005. Le premier, issu d’une «super-année» exhale des arômes de fruits exotiques, de pétale de rose, propre au cépage, avec un milieu de bouche gras, onctueux, et une finale sur la fleur d’oranger. «Je vendange au pic aromatique du raisin», explique celui qui dirige à la fois le domaine, de neuf hectares, et la cave. Sur le second vin, la rose s’efface devant la mangue et l’ananas, sans rien perdre de sa longueur en bouche, avec des notes finales de curry. Et ce vin-là passe fort bien sur des mets de la cuisine asiatique, avec sa pointe de sucre résiduel : «Cette rondeur permet l’ouverture sur les fruits et soutient la puissance aromatique», commente l’œnologue.
La douceur des vins du nord

Phénomène de mode aussi, qu’on observe en Valais sur l’amigne et parfois sur la petite arvine, des vins «tendres» qui plaisent à la clientèle alémanique. Et le Vully est aux portes de Berne et, avec l’autoroute, à une heure de Bâle et de Zurich.
Le traminer rappelle ce gewurz’, grand vin d’Alsace, où la tendance aux vins moelleux a toujours cours, influencée par les rieslings allemands à boire jeune, où l’équilibre joue à la fois sur une certaine douceur et une acidité décapante.
De fait, au Vully, on est déjà au nord. Sur les coteaux, le chasselas, planté dans la molasse, est encore très présent sur les 62% du vignoble en cépages blancs. Mais le pinot gris et le pinot blanc se développent, ainsi que le freisamer, appelé opportunément Freiburger, non parce qu’il fut croisé entre le sylvaner et le pinot gris (rülander) à Fribourg (Suisse), mais parce qu’il est cultivé dans la région de Bade, près de Freiburg (Allemagne). Côté vaudois, le viognier a fait son apparition, tandis que les Fribourgeois lui préfèrent le sauvignon.
Des rouges plus difficiles à mûrir
Au domaine de l’Hôpital, le rouge se limite à 25%. Pour deux raisons. D’abord, parce que «notre souci reste la maturité phénolique, difficile à atteindre chaque année» ; ainsi, 2008 et son été pluvieux et frais, fut difficile. Ensuite, parce que le défi, selon lui, réside à «comment innover sans diversifier?» Sur un fond de pinot noir — le principal cépage rouge du Vully —, il y a, heureusement, la possibilité d’élaborer des assemblages. Quand il a été engagé à Môtier, il y a sept ans, Christian Vessaz était fier de lancer sa «Réserve des Bourgeois». Passée un an en fût, elle est tirée à 5'000 bouteilles. «Le pinot noir, à 50%, apporte la finesse, le gamaret, à 35%, la structure, et les 15% de diolinoir étoffent le vin et prolongent les tanins», analyse l’œnologue. Qui admire les «rouges corsés» et fait tout en cave pour y parvenir, alliant la macération préfermentaire à froid et le chauffage de la vendange, sans compter, ensuite, l’élevage. Christian Vessaz va désormais élever ce vin dans des fûts façonnés avec du chêne de la forêt du Galm. Histoire de renforcer l’identité moratoise de ce rouge haut de gamme.
www.cru-hopital.ch

Perspective
Deux Vullys à aligner sur une seule AOC

Berne a demandé aux cantons de mettre de l’ordre dans la législation des AOC (appellations d’origine contrôlée), de leur ressort, d’ici juin prochain. Producteurs fribourgeois et vaudois devront s’asseoir à la même table pour harmoniser leurs législations respectives. Les Vaudois sont plus larges : en 2008, ils ont même légérement augmenté leurs quotas régionaux, calculés en litres de vin clair, mode plus souple que le calcul en kilos de vendange, qui prévaut sur territoire fribourgeois.
En l’absence d’une coopérative, les échanges entre les deux parties sont nombreux. Et si les législations sont différentes, pour le consommateur, il n’y a déjà qu’une AOC Vully, sans mention du canton sur les étiquettes! Raison de plus, selon Berne, d’avoir des conditions de production identiques des deux côtés de la «douane de Guévaux» qui est, aussi le caveau des vignerons des deux Vullys, ouvert tous les vendredis en fin d’après-midi… Une vingtaine d’encaveurs des deux parties se retrouveront sur le plus grand bateau de la Société de navigation des lacs de Neuchâtel, Bienne et Morat, ancré dans le port de Morat, le samedi 2 mai 2009, à l’occasion de Vullyssima (de 11 h. à 22 h.).
Paru dans Hôtel Revue du 22 janvier 2009.