Valais — Les meilleurs liquoreux 2000
Les Vaudois titillent désormais les Valaisans dans le pré carré des vins liquoreux. Et, pour les fêtes de fin d'année, le meilleur sommelier du monde, Olivier Poussier, explique comment les servir.
Par Pierre Thomas
Il y a des livres de cuisine que l'on déguste à la lecture. Puits de science au service du prestigieux pâtissier parisien, tombé dans le giron du groupe hôtelier Accor, Olivier Poussier, avec l'aide de l'équipe de Lenôtre, vient de signer un livre essentiel*. Les becs à bonbon se contenteront des recettes, souvent classiques, cadrées «zen» par le photographe Yutaka Yamamoto. C'est simple: un plat, un verre de vin. En apparence seulement… Car Olivier Poussier complique l'accord en donnant, avec chaque recette, un choix de deux crus. La justification de l'alternative figure dans un «chapeau» lisible. Et les vins sont expliqués à la page suivante…
Des trésors immortels
Le sommelier parisien convoque toute l'élite de ces nectars fascinants que sont les liquoreux, dont l'origine remonte à la nuits des temps et qui sont, juste retour des choses, bons à défier vingt, trente ou… cent ans. Banyuls, Cotnari, Jurançon, Klein Constantia, Madeire, Marsala, Maury, Moscatel de Setubal, Moscato d'Asti, Muscat de Rivesaltes, Nectar de Samos, Porto, Quart-de-Chaume, Rasteau, Recioto della Valpolicella, Sauternes, Tokay, Vin santo ou Vouvray sont donc au rendez-vous, parmi cent autres.
Des Suisses aussi qui vont par trois. Trois Valaisans: un ermitage flétri de Nicolas Zufferey (Sierre), donne la réplique à un bonnezeaux, sur fond de moelleux aux amandes et poires confites; une amigne grains nobles de Fabienne Cottagnoud (Vétroz), en conversation avec un eiswein allemand du Rheingau, avec pour témoin une douceur lactée au citron vert et, enfin, la Sélection de grains nobles, de Dominique Rouvinez (Sierre), tient la dragée haute — ou plutôt le financier aux abricots… — à un coteaux-du-layon. Le trio confirme justement le savoir-faire des vignerons suisses, qui se sont mis aux vins liquoreux il y a à peine vingt ans…
Trente «nobles» valaisans
Sans doute, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, les Valaisans, quand ils laissaient flétrir leur malvoisie ou leur ermitage, s'essayaient-ils à la «sélection de grains nobles». Mais il a fallu attendre le milieu des années 90 pour codifier, autour de Marie-Thérèse Chappaz et de Stéphane Gay, les gestes propres à réussir des vins liquoreux dignes de ce nom. Cépages exclusifs (arvine, ermitage, johannisberg, malvoisie, amigne et païen), richesse naturelle du moût exigée (plus de 130° Oechslé), et élevage sous bois figurent notamment à la charte «Grain Noble Confidenciel». Oui, depuis cette année, avec le C de ciel, pour bien montrer que les vins liquoreux doivent presque tout au climat, sinon au Ciel… Et ils sont plus de trente encaveurs valaisans, cette année, à espérer pouvoir adhérer aux critères sévères de la charte.
Mais voilà que les Vaudois s'y mettent aussi. Depuis plus de dix ans, les Cruchon, Corthay ou Dugon ont multiplié les essais. Le climat vaudois est plus favorable aux vins de paille, dont les raisins sont séchés non pas sur souche, mais sous abri. Cette année, trois vins doux vaudois ont ramené des médailles d'or des concours internationaux: première historique! Tiercé gagnant, emmené par le pionnier Philippe Corthay, grand lauréat à Ljubjana et à Paris, avec la Trilogie de Bernard Ravet, le nouveau venu Jacques Gex, de la Cave des viticulteurs de Bonvillars, et un jeune œnologue prodige, Fabio Penta.
Le nec plus ultra
Formé de A à Z dans la maison, dès l'âge de 17 ans, il développe, en marge de Hammel à Rolle, des nectars comme le Pays de Vaud n'en a jamais encore élaboré. Ainsi sort-il grand vainqueur d'une dégustation organisée par la revue Le Guillon (distribuée dans les meilleurs hôtels vaudois…), en plaçant ses vins aux trois premières places, après une médaille d'or à Paris.
Avec le copropriétaire des domaines et du négoce rollois, Charles Rolaz, l'équipage n'a que peu de recul: «On a commencé avec deux barriques de chardonnay et deux de pinot noir, en 1995». Le duo a beaucoup dégusté et est allé cherché son inspiration du côté de l'Allemagne. La clientèle suit: les passionnés adorent les comparaisons entre vins liquoreux. Cet hiver, Globus a décidé de commercialiser leur gamme, à près de 35 francs l'élégante demi-bouteille. Le bon vieux discours de la qualité qui sauvera le vignoble suisse est, ici, pressé jusqu'à sa quintessence.
*Desserts et vins, Lenôtre et Olivier Poussier, 200 pages, éditions Solar, 60 CHF
Eclairage
Cinq nouveaux venus du millésime 2000
Les cinq vins de dessert-surprises de cette année, sur quelques huitante vins dégustés et notés:
Assemblage Vent d'Anges 2000, Philippe Darioly, Martigny
Doré clair, nez fin et fumé, des arômes d'herbes sèches, de pêche mûre, de coing. Un vin d'une belle élégance, soulignée par le boisé vanillé, qui ne masque pas la fraîcheur acidulée. (92 point sur 100)
Gewurztraminer 2000, vendange tardive, Clos du Châtelard, Villeneuve, Hammel, Rolle
Robe dorée, nez de rose fanée, typée du cépage, attaque suave, belle richesse aromatique et complexité en bouche. Vin original et expressif. (91 points)
Amigne 2000, Cave des Tilleuls, Fabienne Cottagnoud, Vétroz
Robe dorée, nez de explosif de poire mûre, attaque sur le fruit, sur le confit. Un vin aux arômes pleins de vie et de jeunesse. (90 points)
Johannisberg Larmes de Décembre 2000, Thierry Constantin, Pont-de-la-Morge
Nez de rôti, arômes de fruits confits et d'écorce d'orange, vin issu de raisins très mûrs et sans doute botrytisés. Grande concentration, sucre compris, qui ne nuit pourtant pas à l'équilibre. (88 points)
Corpus 2000, Cave des viticulteurs, Bonvillars
Belle robe dorée, nez de fruits confits, boisé encore un peu agressif, mais belle matière, finale sur les épices orientales (cannelle, gingembre). (87 points)
Article paru dans Hôtel+Tourismus Revue, Berne, en décembre 2002