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Posted on 18 juin 2009 in Tendance

Ferpècle, troisième saison

Ferpècle, troisième saison

Hôtel du Col d’Hérens à Ferpècle (VS)

Un choix de vins renouvelé

Pour sa troisième saison, la carte des vins de l’Hôtel du Col d’Hérens a évolué, le choix s’est élargi. La Lausannoise Nicole Pahud et ses associées reçoit dans ce petit hôtel de montagne et sa terrasse-prairie sous les mélèzes jusqu’en octobre. Une fois encore, les vins ont été choisis avec Pierre Thomas. Extrait des commentaires de la carte.
Attention: la formule a tenu une quatrième saison, mais sous cette forme, l’hôtel a fermé en septembre 2010.


Bien sûr, on ne change pas une équipe qui gagne. Marie-Thérèse Chappaz (de passage incognito le soir d’ouverture de cette saison, le 12 juin 2009!) est toujours là avec son Fendant Coteaux de Plamont, un des trois chasselas qu’elle produit, typé du terroir granitique de Fully, prolongement de la veine rocheuse du massif du Mont-Blanc. Et aussi avec son Grain Doux, le «digest» (au sens anglais de «raccourci») qui préfigure ses magnifiques vins liquoreux : le chardonnay lui donne du volume, le sylvaner, du gras et une touche bien valaisanne, renforcée par l’exubérance de la petite arvine. Parfait sur toutes les tartes…
Sylvaner encore, quand on parle du Johannisberg, son nom valaisan. Et le meilleur vient incontestablement de Chamoson (et de Saint-Pierre-de-Clages, partie de la plus vaste commune viticole valaisanne). Deux illustrations, avec le pimpant Johanis’ de Daniel Magliocco, d’une fraîcheur toujours remarquable, auquel s’ajoute un nouveau venu, celui de Simon Maye et fils. Les Maye, champions du monde de la syrah? Oui, ceux-là mêmes, Jean-François dans les vignes, Axel en cave. Des Valaisans qui ne snobent pas les cépages locaux traditionnels. En 2008, leur Johanis’ est un chef-d’œuvre, d’une rare puissance, avec du gras et une signature sur l’amande grillée. Un vin long en bouche et qui tiendra dans le temps — si on ne le boit pas d’ici là ! —, malgré une acidité basse, propre à la fois au cépage et au terroir chaud.
Deux exemples de Petite Arvine se la jouent complémentaires. D’abord, celle de Desfayes-Crettenand, autre cave historique à Leytron. L’ancien «œnologue fédéral» retraité, Jean Crettenand, grand maître ès dégustation, avait lancé ce domaine avec son beau-frère. Pour éviter toute concurrence avec les autres caves, seuls des «spécialités» ont été plantées : Petite arvine et Cornalin, notamment. C’est le Valais viticole «canal historique»! De Leytron encore, et de la même veine, la Petite Arvine de Gilbert Desvayes. Remarqué il y a dix ans par le «Guide des vignerons» de Suisse romande (il en existe un exemplaire à la bibliothèque du premier étage), ce sympathique vigneron, fils de l’initiateur de la Dôle Blanche (gagnée de haute lutte, après un combat jusqu’au Tribunal fédéral !) s’est fait discret avant de revenir au grand jour. Explosive, aux arômes de pamplemousse et de rhubarbe, sa Petite Arvine, en 2007, puis en 2008, représente rien moins qu’un archétype. Sa Syrah, tout aussi remarquable, pourrait bien faire son apparition, et son Amigne sèche de Vétroz, en 2008, a été saluée par la critique.
A table, le Païen (ou Heida en Haut-Valais ou Savagnin dans le Jura français) joue une partition non négligeable. Moins immédiatement exubérant que la Petite Arvine, il est bâti sur la structure et la puissance. Madeleine et Jean-Yves Mabillard-Fuchs, de Venthône, au-dessus de Sierre, réussissent, millésime après millésime, à allier puissance et élégance. Le couple fait la même démonstration avec un remarquable Pinot Noir, bien balancé, d’une belle finesse aromatique, mais à la charpente aussi solide que celle d’un mazot.
On aurait tort de passer sans le déguster sur le Muscat de Jérôme Giroud, de Chamoson. Le vigneron vétéran vient de passer la main à un jeune œnologue, Olivier Cosendai, mais son Muscat, sec, aux arômes puissants de pétale de rose, vaut le détour, par exemple sur un vieux fromage ou à l’apéritif. C’est une des curiosités de la carte, avec le clin d’œil au vignoble vaudois, avec un Chasselas, bien sûr, de Raymond Paccot, de Féchy. Tenant de la biodynamie (et donc ami de Marie-Thérèse Chappaz !), il a été un des premiers à effectuer des sélections parcellaires (comme cet En Bayel) et le seul vigneron de La Côte à avoir remporté la Coupe Chasselas.
Ce défunt trophée nous amène à Sierre, chez un vainqueur multirécidiviste, Nicolas Zufferey, vigneron-œnologue surdoué. Il le démontre non pas avec un de ses remarquables Fendants, mais avec un Cornalin. Ce printemps, à l’une des sessions des Quatre Glorieuses, à Martigny, une dégustation annuelle réservée aux professionnels, ce magnifique et juvénile «rouge du pays» nous a tapé dans l’œil et les papilles. Par une synecdoque, on parle de «belle bouteille» pour le contenu davantage que pour le contenant: ici le plumage est à la hauteur du ramage ! A grand vin, petite étiquette…
En rouge, la même sincérité exubérante du Johannisberg se retrouve dans le Gamay, dense, épicé mais toujours frais, et dans la Syrah, expressive, poivrée, ouverte et donc sans «réduction» (la sensation d’un vin fermé et muet) de Daniel Magliocco. Et puis, Michel Boven, de Chamoson, qui fut sacré «meilleur vigneron de Suisse» il n’y a pas si longtemps (en 2004), élabore un vin, l’Ardévine moderne et d’une belle densité, aux tanins assouplis par l’élevage en barriques ; un assemblage des cépages bordelais que sont le Merlot et le Cabernet et des bien valaisannes Syrah et Humagne. La complexité, ici, naît de la complémentarité. Michel Boven signe aussi, année après année, une Humagne rouge qui sert d’étalon à la fois au millésime et à l’expression de ce cépage, très tardif, un des grands rouges valaisans, décliné ici en demi-bouteille, désirée et bouteille. Rien de moins… un tiercé à lire à l’envers pour vanter la modération et illustrer le «witz» du buveur qui commandait un demi, puis trois décis, encore un verre, enfin une once et remarquait, goguenard, «moins je bois, plus je suis saoûl». Rappel, les bons vins s’apprécient avec modération.
Surtout quand ils sont rares, dira-t-on de l’Amigne de Vétroz, dont Fabienne Cottagnoud est une vestale iconoclaste — elle la vinifie même dans le style «vin jaune» comme à Arbois voire «solera» comme à Jérez. Une Amigne de tempérament, sauvage et un peu douce à la fois. Comme son Diolinoir, croisement entre le Rouge de Diolly — domaine emblématique du Valais qui appartint au fameux Dr Wuilloud, pionnier de la viticulture locale. Il sélectionna Pinot et Robin Noir pour «son» cépage, recroisé ensuite par les chercheurs de Changins avec du Pinot Noir. Un vin que d’aucuns voudraient voir ne donner que de la couleur à la Dôle, mais dont la robe sombre peut être de velours caressant ou de toile à gros grain, selon qu’on le déguste en mangeant ou seul. Mais un vin toujours «bien élevé», dans des barriques de chêne, bichonné à la vigne par Marc-Henri Cottagnoud, et entouré à la cave par Fabienne.
Un grand merci aux vigneronnes et vignerons qui ont permis d’élargir une sélection de vins impitoyable, injuste en regard de l’ensemble de leur riche production.
Et ces vins, choisis pour faire plaisir à 1750 m. d’altitude dans un décor de montagne, supportent aussi les 400 m. de la ville. Les Desvayes, Boven, Mabillard-Fuchs, Magliocco et autre Marie-Thérèse Chappaz font le bonheur et les délices du bar à vins Midi 20, à Lausanne (www.midi20.chtéléphone 021 312 71 41 — ouvert du mardi au samedi, de 16 à 22 h. l’été, dès 11 h. depuis septembre, vacances annuelles du samedi soir 25 juillet au mardi après-midi 18 août).
Pour prolonger le plaisir et retrouver un peu du Valais dans le verre…
©www.thomasvino.com