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Posted on 11 novembre 2009 in Tendance

Pierre Keller, botte cru vaudois

Pierre Keller, botte cru vaudois

Chez les vignerons vaudois

Pierre Keller botte-cru!

Début novembre 2009, à Salavaux, les membres de la Fédération des vignerons vaudois n’avaient tellement rien à dire qu’ils ont surtout écouté Pierre Keller, directeur de l’ECAL. Extraits savoureux.
Par Pierre Thomas
Dans ce domaine, le biennommé Pierre Keller (cave en français) est à lui seul un feu d’artifices… Il a pétaradé à la tribune de la Fédération vaudoise des vignerons (FVV), à Salavaux, une bonne demie-heure, juste avant qu’on annonce que le patron de la Haute école d’arts appliqués, l’ECAL à Renens, devient le grand communicateur du nouveau projet de Musée cantonal des Beaux-Arts, à la gare de Lausanne.

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Pierre Keller (tiré du site de Radio Cité, à Genève, où il a causé dans l’émission «La bouteille à moitié pleine»)

Chasselas plutôt que rouge

Les relations qu’entretient ce radical atypique, ex-Monsieur 700ème, avec la bouteille sont étroites: «Je suis un bon consommateur de chasselas!» Paraphrasant Goethe, il a immédiatement ajouté : «La vie est trop courte pour boire du rouge vaudois !». Avant de préciser aussi : «Entre un grand Château Haut-Brion et un excellent cornalin du Valais, le choix est vite fait.» La cause est entendue, sachant ses penchants: «En rouge, je suis bordeaux parce que mon père était bourgogne». L’empêcheur de tourner en rond fait, du reste, remonter son esprit rebelle à sa relation avec son père : «Il était né à Chardonne, mais avait dû s’installer à La Côte (réd. : il fut syndic de Gilly) et aurait bien voulu retourner à Lavaux. Moi, je suis né à La Côte, et rien que pour l’embêter, je suis parti habiter Lavaux et enseigner dans le Chablais», soit une tournée des trois plus grandes régions viticoles vaudoises…
La bouteille, objet culte
A l’image des «botte-culs» (tabourets de vacher), que Pierre Keller prend au sens littéral pour aiguillonner son auditoire, et qui ont fait le tour du monde en expositions, l’ECAL et ses élèves ont travaillé assidûment le sujet de la bouteille. Objet détourné : un bec verseur en forme d’arrosoir a déjà été vendu à 350’000 exemplaires dans les musées du monde. Au Portugal, les étudiants vaudois — à dire vrai, souvent étrangers ! — ont proposé des carafes soufflées à la bouche, avec un bouchon fiché en plein milieu, ou des «doses» avec des double-fond. L’imagination des élèves est débordante, comme cette brouette à magnums de Veuve Clicquot. Le 15 décembre, la haute école de Renens présentera ses mini-flacons de champagne Pommery réservé à la business-class de Flybaboo : «On emmènera les journalistes en avion un jour : plus on les rince, meilleur est l’article !»
Dix millions de flacons en Valais
Mais le grand succès d’art appliqué industriellement reste le projet de trois élèves de l’ECAL, engagés dans la start-up Big Game : ils ont obtenu de Provins-Valais que la coopérative leur commande «dix millions de flacons sur dix ans» (Keller dixit), dès le printemps prochain, sur le thème de huit fioles, de formats divers, contenant les spécialités valaisannes (du fendant au cornalin) dès le millésime 2009. Egalement avec le verrier Univerre-Pro Uva, de Sierre, l’ECAL a imaginé sa propre bouteille, dont le design a été retenu par vote populaire à la Foire du Valais : 10’000 flûtes élancées en verre sombre, baptisées ECAL Grand Cru (au mépris de la législation viticole, bien sûr !), certes difficile à coucher dans une cave, mais remplies du nectar de dix vignerons romands : «Je vais faire déguster leur contenu à des sommeliers de haute réputation et on verra bien qui m’a mis de la piquette !», s’esclaffe le trublion.
Du Keller Grand Cru
Le grand communicateur ès Beaux-Arts est aussi très fier de son «master luxe», entièrement sponsorisé par des marques suisses. La chaîne d’hôtels Kempinsky s’y intéresse… et la deuxième volée d’une quinzaine d’élèves vient d’entamer ces études estampillées HES. Enfin, Pierre Keller énonce quelques aphorismes: «C’est quand la crise arrive qu’il faut trouver des idées.» «La différenciation des produits est primordiale : on ne peut pas tout vendre au même prix.» «L’emballage peut paraître très cher par rapport au travail du vigneron : c’est simple, il faut faire payer ce surcoût au client.» Et de lancer aux vignerons vaudois, saoulés par tant d’éloquence : «Ce qui compte, c’est ce qui est dans la bouteille. Vous ne devez faire que des choses exceptionnelles !» Le tout dit par un homme «né en 1945 où tout était bon, cette année-là, même le vin !» Vrai : seul le 2009 serait de la même qualité en Pays de Vaud …

Paru dans Hôtel Revue du 12 novembre 2009.